Roland-Garros : « Je me souviendrai de ces dernières 48 heures »… Et si Djokovic avait gagné un peu plus qu’un tournoi ?
TENNIS•Battre Nadal chez lui, dans ces conditions particulières, puis remonter un retard de deux sets en finale, ça vous pose une performanceNicolas Camus
L'essentiel
- Novak Djokovic a remporté le tournoi de Roland-Garros ce dimanche en battant Stefanos Tsitsipas en finale (6-7, 2-6, 6-3, 6-2, 6-4).
- Après sa victoire homérique contre Rafael Nadal en demi-finale, le Serbe a signé une nouvelle performance de folie en remontant un retard de deux sets.
- La manière dont il a su conquérir ce 19e titre en Grand Chelem a une saveur toute particulière pour lui.
A Roland-Garros,
On le sait, mais ça ne nous empêche pas de nous faire avoir à chaque fois. Novak Djokovic est un champion hors-normes, qui a élevé la résilience au rang d’art dont il maîtrise toutes les subtilités. Moins de 48 heures après un combat irréel et harassant face à Rafael Nadal, au bord du précipice après avoir perdu les deux premiers sets contre Stefanos Tsitsipas, le Serbe a réussi un nouveau tour de passe-passe pour venir cueillir en cinq manches son deuxième titre à Roland-Garros, ce dimanche. Tout en laissant dans son sillage la sensation qu’il a gagné bien plus que ça encore pendant cette quinzaine.
Accomplissement personnel
Il est évident qu’il s’est passé quelque chose pour lui sur ce tournoi. Passé pas loin d’un retour à Belgrade dès les 8e de finale, il a remonté (déjà) un débours de deux sets face à Lorenzo Musetti, avant de se sortir du traquenard Matteo Berrettini au tour suivant pour s’offrir le droit de défier le roi Rafa. Il voulait sa masterpiece, il l’a eue, ne cachant pas après coup avoir atteint une sorte d’accomplissement après lequel il courait depuis longtemps.
Réussir à s’en remettre physiquement et plus encore mentalement en si peu de temps pour ne pas tout gâcher en finale n’était pas à la portée de tous. En se collant un handicap de deux sets encore moins. Lui, implacable, l’a réalisé. « Je vais me rappeler de ces 48 dernières heures pour le reste de ma vie », a-t-il assuré, ému, juste après avoir reçu le trophée des mains de Bjorn Borg. On veut bien le croire.
Depuis le début de sa carrière, Djokovic souffre de la comparaison avec Roger Federer et Rafael Nadal. Au niveau du palmarès comme de l’amour du public. Pas facile d’être dans la position de celui qui est arrivé le dernier, remettant en cause la domination de deux hommes au style diamétralement opposé auxquels il était facile de s’identifier. Il suffisait de choisir son camp entre (pardon pour les raccourcis) la virtuosité du Suisse et la bestialité de l’Espagnol. Le Serbe a tout bousculé, et on a rechigné à lui faire une petite place.
Sur ce Roland, le public l’a touché en le soutenant à part égale lors de son affrontement avec le maître des lieux espagnol. Il l’a redit ce dimanche, mais de toute façon on l’avait vu avant sur son visage. Question palmarès et faits d’armes, ça commence à peser lourd. Devenu en mars le joueur ayant passé le plus de semaines à la place de numéro 1 mondial, le voilà aujourd’hui à 19 titres en Grand Chelem, à une petite longueur des deux magiciens. « Je suis très heureux et fier. Ce sont des joueurs fantastiques, je suis presque à leurs côtés mais je suis concentré sur mon chemin, ma carrière. Je n’ai jamais pensé que c’était mission impossible d’arriver à leur niveau. »
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Pour beaucoup d’observateurs, ce n’est plus qu’une question de mois avant qu’il ne les dépasse. Le Serbe a le vent dans le dos. Depuis 2010, Federer a remporté quatre Majeurs, Nadal 14, et lui 18. Il est plus jeune, plus résistant. Plus complet, aussi. En battant Tsitsipas, il est devenu le tout premier joueur de l’ère Open a remporté au moins deux fois chaque levée du Grand Chelem.
« Je suis ravi de cette réalisation, de marquer l’histoire de ce sport que j’aime tant, a-t-il fait savoir. C’est très satisfaisant pour moi, ce soir je ne pourrais pas être plus heureux. Je me dis que j’ai un parcours fabuleux, que j’ai réussi des choses que beaucoup pensaient que je n’arriverai jamais à faire. » On ne peut pas être certain que quelque chose a changé ces derniers jours chez Djokovic, mais de notre point de vue, ça y ressemble fort.