Ligue 1 : La chasse à la taupe dans le vestiaire du PSG, une légende urbaine ?
FOOTBALL•Comme ses prédécesseurs, Mauricio Pochettino déplore des fuites dans la presse, indignes d’un club de la dimension du PSGJulien Laloye
L'essentiel
- Mauricio Pochettino s’est ému de voir révéler ses premiers ajustements tactiques à l’entraînement lors de son arrivée au PSG.
- Comme ses prédécesseurs, l’entraîneur argentin doit composer avec les fuites médiatiques depuis le vestiaire parisien, pourtant plus hermétique qu’on ne le pense.
- Les luttes d’influences entre les différents dirigeants du club peuvent aussi avoir un impact néfaste sur la vie du groupe.
Ça ne fait pas un mois qu’il est là, mais ça a suffi à Mauricio Pochettino pour faire déjà connaissance avec deux impondérables de la vie d’un entraîneur parisien. Le peu d’envie chez certains joueurs de se faire mal les après-midi de grand vent sur un terrain secondaire, et le grand entrain chez certaines gorges profondes à raconter par le menu les états d’âme du vestiaire parisien.
Fort marri de constater que son idée géniale de déplacer Marco Verratti en n° 10 était arrivée en copie dans toutes les rédactions parisiennes dès son deuxième entraînement, l’entraîneur argentin s’est fâché tout rouge foncé selon l’Equipe, convoquant jusqu’au dernier troupier du camp des Loges pour une mise au point virile : « Nous vivants, pas de fuites dans la presse qui tiennent. » Une remontée de bretelles mignonnette pour qui suit l’actualité parisienne sur la durée. La chasse à la taupe fait en effet partie intégrante du folklore local.
Halilhodzic, le premier à devenir parano
Comment oublier l’épisode Vahid Halilhodzic et cette journée mémorable au camp des Loges deux jours après le triplé de Semak, en 2004 : les journalistes du Parisien sur l’estrade, et tout le groupe qui se livre à un tir de barrage pour savoir qui a soufflé dans le journal du jour que les joueurs réclamaient le départ de l’entraîneur. « Qu’est-ce qu’elle m’a gavé cette histoire », se souvient Bruno Baronchelli, alors adjoint du Bosniaque.
« Cette histoire de taupe avait pris des proportions incroyables parce que Vahid était visé personnellement. Sur 25 joueurs, c’est toujours difficile de faire en sorte que personne n’ait envie de parler, mais dans une période compliquée comme c’était le cas, il faut à tout prix garder ça dans le vestiaire, sinon c’est trop destructeur. D’ailleurs, ça avait été le début de la fin pour nous. » Licencié deux mois plus tard, Halilhodzic, qui refusait de serrer la main des joueurs sur la fin, a inauguré sans le savoir une espèce de sport national.
« Ça fait partie du professionnalisme de ne pas parler »
Evidemment, on n’a pas toujours atteint les sommets du riche intermède Michel Moulin. L’actuel candidat à la présidence de la FFF, très bref directeur sportif du PSG,avait carrément collé Jérôme Rothen au mur pour lui faire cracher sa Valda. Mais la prise de pouvoir qatarie n’a pas changé grand-chose au fond. Même l’imperturbable Carlo Ancelotti avait fumé du sourcil en son temps : « Des tensions dans le vestiaire ? Non, il n’y en a pas, il y a juste quelques joueurs qui parlent à des journalistes. C’est la première fois dans ma carrière que je vois ça. Cela fait partie du professionnalisme de ne pas parler et c’est nouveau pour moi que des joueurs le fassent ». Qui d’autre ? Unai Emery, bien entendu, qui avait eu droit à une question de Quotidien sur la chasse à la taupe, preuve que l’histoire (aucun souvenir) avait dû faire du bruit.
Autant d’épisodes qui font drôlement rigoler les journalistes suiveurs réguliers du PSG. Ces derniers se cassent la couenne pour sortir des infos et sont mieux placés que tout le monde pour savoir que le vestiaire parisien est un des plus hermétiques de France : « Les dirigeants veulent un contrôle total sur la communication, témoigne un collègue qui suit le club à la culotte. Ils incitent les joueurs à accorder le moins d’interviews possible de leur propre initiative, et rappellent régulièrement qu’il ne faut pas filtrer d’informations à la presse. Contrairement à ce qu’on pense, le PSG est un des vestiaires qui parle le moins aux journalistes. »
Pareil qu’à Marseille ou à Lyon ?
Tordons ici le coup aux préjugés : la chasse à la taupe ne se pratique pas plus à Paris qu’ailleurs. « Je lis tous les jours des choses que je ne devrais pas savoir sur plein de clubs, s’insurge gentiment Jérôme Alonzo, l’ancien gardien parisien. Je lis le détail du divorce entre Ruffier et Saint-Etienne, je lis ce qui se passe dans le vestiaire de l’OL, et j’apprends mot pour mot la discussion entre Payet et Thauvin après un match de l’OM. Simplement, parce que c’est notre bon vieux PSG, le plus gros club en France aujourd’hui, et que ça nous amuse plus que tout, on en fait des tonnes sur les fuites à la presse. » La loi du nombre joue aussi, ajoutera-t-on. Plus il y a de journalistes qui s’intéressent à un club, de plusieurs nationalités, plus les risques sont grands de se retrouver avec une taupinière géante.
Les présumés coupables changent au gré des méformes, des départs, et des notes de L’Equipe. Rabiot, Ben Arfa, Meunier, Lucas ont été tour à tour soupçonnés d’être des balances, quand les confidences viennent du deuxième ou troisième cercle, le plus souvent. Le boucher, le coiffeur, la petite sœur font la maille quand on ne peut pas avoir l’agent directement. Alonzo faisait partie de l’effectif lors de l’épisode Halilhodzic. Quinze ans après, il met sa main au feu que la fameuse taupe n’était pas un équipier.
« « J’avais 90 % de potes dans le vestiaire et je ne vois pas un mec capable de lâcher un truc comme ça. Pour moi, ça s’apparente à de la haute trahison, le groupe, c’est comme une famille. Mais après, est-ce que c’est pas un joueur qui en a parlé à son agent, à sa copine, et ainsi de suite ? On ne saura jamais. » »
Le particularisme parisien vient peut-être de là : l’incroyable porosité d’un entourage un peu trop bavard, et surtout trop bien informé des hauts et des bas de certains joueurs ? Emery, qui s’étonnait de voir autant d’amis, proches, cousins, cousines et salariés traîner au camp des Loges à son arrivée, avait tenté de mettre fin à des habitudes presque séculaires, si l’on en croit Bruno Baronchelli : « Note premier boulot en arrivant ça a été de faire en sorte que le vestiaire soit celui des joueurs et pas celui de tout le show-biz. Même dans le couloir pour aller sur le terrain, il y avait beaucoup de monde, il a fallu faire le ménage. »
Les salariés fliqués comme nulle part ailleurs
Et gare à ceux qui veulent jouer les petits malins. « Il y a une pression permanente qui infuse dans tout le club pour empêcher les gens de parler, confie un habitué des lieux. Les salariés par exemple sont plus observés qu’ailleurs, et il y a des enquêtes internes dès qu’une info sort dans un média. » La thèse de la brebis galeuse parmi plusieurs centaines de salariés plus ou moins contents de leur sort est toujours séduisante, notamment en période de crise, quand le chômage partiel est la règle et que la rumeur d’un plan social court les bâtiments administratifs.
Il arrive toutefois que les fuites obéissent à des jeux d’influence orchestrés en haut lieu. Les plus anciens confrères citeront les coups de fil anonymes passés aux rédactions sommées de choisir un camp lors de la guerre entre Laurent Perpère et Luis Fernandez. Aujourd’hui ? Il y a la parole de Doha, le camp de Nasser Al-Khelaïfi, celui de Leonardo… Tout ce beau monde fait jouer ses relais médiatiques et l’entraîneur ne peut pas être en reste. Le clan Emery, à son époque, a ainsi été accusé de fournir en infos fraîches l’ovni Paris United, rentré dans le rang depuis. Comme d’autres, on s’est demandé dans quel autre club pouvait-on assister à l’émergence d’un truc pareil. Réponse des intéressés : « Des gens nous parlent parce qu’ils savent qu’on veut le bien du club et eux aussi. » Soit.
Pochettino mal habitué par son expérience anglaise ?
C’est dans ce bourbier qu’a atterri Pochettino, peut-être mal habitué par son expérience londonienne. « Peut-être qu’à Tottenham, il avait un vestiaire plus sain, se risque Jérôme Alonzo. Et puis ce n’est pas la même presse qu’en France. Là-bas avec les tabloïds, les vestiaires doivent se protéger un peu plus et les mecs n’ont pas envie d’être obligés de partir pour avoir renseigné un journaliste. Mais bon, Pochettino connaît le PSG, il sait comment ça marche, il a juste oublié. » C’est vite revenu, visiblement.