Mort de Christophe Dominici : Face aux All Blacks en 99, le rebond de Dieu pour le plus grand exploit du rugby français
RUGBY•En 1999, Christophe Dominici a été le héros d’un match de légende face à la plus grande équipe du mondeBertrand Volpilhac
C’est ce genre de moment dont on garde un souvenir éternel. Comme figé dans le temps, l’image gravée dans la mémoire, comme si rien ne pouvait nous faire oublier où et avec qui on était quand ça s’est produit. Des moments d’histoire rares que le sport a su parfois nous offrir. Les plus anciens se souviendront de Séville 82, la majorité du 12 juillet 1998, et les plus nostalgiques de ce fameux France-All Blacks de 1999.
Pour nous, c’était dans le salon de la maison familial, le journal l’Equipe jonché au sol à la page des compos pour être sûr de reconnaître tout le monde. Un début de match loupé à cause d’un déjeuner dominical chez mamie qui s’étire un peu trop malgré notre impatience, des essais à tomber amoureux de ce sport, Christian Jeanpierre dans les décibels du bonheur, l’impossible qui n’est pas français, maman qui s’arrête devant du sport à la télé pour la deuxième fois de sa vie, un an après le 3-0 du foot. Et puis, au milieu de tout ça, Christophe Dominici. Pas bien grand, pas bien costaud, la chevelure argentée et la posture divine de celui qui vient de faire tomber les imbattables All Blacks de Jonah Lomu.
Parti ce mardi à 48 ans, « Domi » avait réalisé ce jour-là, en demi-finale de Coupe du monde, l’exploit de sa carrière. Il était aussi devenu l’idole d’un peuple. Greg Lamboley, ancien joueur du XV de France, résume : « Il était connu du grand public par son essai face aux All Blacks, dont tout le monde se souvient et se souviendra. » Dourthe, autre marqueur d’essai du jour, confirme : « On fait partie des quatre ayant marqué un essai en demi-finale contre les Blacks. C’est notre moment de gloire. Peut-être que Domi en a eu d’autres, on en a tous eu, mais ça c’était le moment dont tout le monde se souvient. »
Un rebond pour l’éternité sur un coup de pied à suivre de Galthié
C’est vrai. Mais s’il marque ce jour-là grâce au rebond de Dieu l’essai de la victoire, il avait offert une heure plus tôt à Titou Lamaison le premier essai après un raid solitaire, début de la rébellion française face au monstre néo-zélandais. Dominici était en lévitation sur la pelouse de Twickenham. Rien, à part la gloire, ne pouvait lui arriver.
Il reste 20 minutes à jouer quand les avants français grattent un ballon à la ligne médiane et les Bleus sont menés de deux points, 24-22. Galthié tente un petit par-dessus sur lequel l’ailier Français a trois plombes de retard, mais le rebond le plus improbable de l’histoire du rugby envoie le ballon entre ses mains. L’accélération est tranchante, Cullen est battu et Domi va aplatir au pied des remplaçants français.
Pour la chaîne l’Equipe, le héros avait raconté il y a quelques temps ces quelques secondes de légende:
« Dès que je réceptionne le ballon, j’accélère, je me gaine, je vois l’en-but néo-zélandais. Il y a Arnaud Costes qui est sur le banc et en train de s‘échauffer donc je vais aplatir quasiment à ses pieds. Tout ce stade qui est néo-zélandais et anglais et donc contre la France au départ finit par être complètement français et complètement séduits par notre jeu et par cette équipe. Et donc il y a une énergie supplémentaire jusqu’à la victoire, jusqu’à la fin de ce match. C’est quasiment unique d’être dans un état comme celui-là et de participer à ça parce qu’il y a un lieu, il y a un stade, une énergie, un contexte qui fait qu’on est intouchable. »
Deuxième ligne des Bleus, Olivier Brouzet a lui aussi l’image en tête. « Je me souviens bien de cet essai, j’avais un peu le nez dans le gazon quand il part à la poursuite de ce coup de pied par-dessus de Fabien. C’était le début de la remontée pour aller battre ces Blacks donc c’est sûr que cet essai était à la fois très important dans sa carrière mais aussi dans celle de l’histoire du XV de France. Mais bon, il y a eu tellement de moments extraordinaires avec lui… »
« Le joueur à qui on a tous voulu ressembler »
Quelques minutes plus tard, c’est Philippe Bernat-Salles qui termine au boulot après un contre du bout du monde. Le pendant de Dominici, sur l’autre aile, rend hommage à son ancien coéquipier. « Ce match est tellement dingue. Son essai est magnifique, il montre tout son talent, quel joueur il était, murmure-t-il, la voix bouffée par l’émotion. Moi l’image que j’ai c’est surtout le premier essai, de Titou [Lamaison], avec Christophe qui perce plein champ, qui met des crochets à tout le monde et qui se fait reprendre à deux mètres de la ligne avant que Titou marque. C’est une action fabuleuse. J’adorais le rugbyman Dominici, je le cite souvent quand je parle rugby avec des amis. Il était con comme une valise face à l’adversaire, il pouvait se montrer hargneux, teigneux, même méchant malgré son petit gabarit. C’est le joueur à qui on a tous voulu ressembler. »
Sur RMC, son ami et ancien coéquipier Marconnet résumait en une phrase l’histoire de ce match. « Avec son physique de merde, il a retourné toutes les défenses du monde. » Titou Lamaison, l’autre héros de ce match, développe : « Il avait un gabarit qui détonnait par rapport à ce rugby qui prenait des centimètres et des kilos. Mais malgré ce corps, il avait une audace qui faisait qu’il se sortait toujours de ces situations. »
Cette même audace qui le poussera à aller voir les All Blacks dans le vestiaire après la rencontre avec Bernat-Salles. Ce dernier raconte : « On y va pour récupérer des maillots. On est torse nu. On arrive à la porte, on regarde les mecs, on se regarde et on explose de rire. On a été remettre un tee-shirt. Les mecs en face, ils n’étaient pas du même monde. Lui a échangé avec Jonah Lomu. Ensuite en revenant, on s’est regardé et on s’est tombés dans les bras. On était les plus heureux du monde. » On l’était avec vous, messieurs, de l’autre côté du poste.