Vendée Globe : Le skipper Armel Tripon va prendre le départ avec une appli pour éviter les hallucinations
VOILE•Le skipper nantais prendra le départ du Vendée Globe, dimanche, aux Sables d’Olonne avec une application innovante sur son téléphone, LuciEole, qui permet de mesurer son état de fatigue et de luciditéDavid Phelippeau
L'essentiel
- Dimanche, le skipper nantais prendra le départ du Vendée Globe avec une application innovante sur son téléphone.
- Cette appli, réalisée avec l’université de Nantes, sert à mesurer la lucidité du navigateur nantais.
- Toutes les six heures, Armel Tripon devra répondre en mer à différentes questions.
Quand la technologie sert à éviter l’apparition des hallucinations. Dimanche, aux Sables d’Olonne, le skipper nantais Armel Tripon va prendre le départ de son premier Vendée Globe avec une application innovante sur son téléphone. Son nom : LuciEole. Son but: mesurer la lucidité du navigateur. « Sur la dernière Route du Rhum [en 2018], j’étais allé chercher très loin physiquement, il y avait eu des événements météorologiques qui avaient fait que je ne pouvais plus dormir », se souvient le navigateur, âgé de 45 ans. Pendant l’épreuve qu’il remporte, il ne dort pas pendant plus de 48 h. « C’était raide… », sourit-il aujourd’hui. Mais, plus jamais ça, se dit-il aussi maintenant.
Le skipper se tourne alors en fin d’année 2019 vers le laboratoire « Motricité, Interactions, Performance » de l’université de Nantes. « Armel est venu vers moi en me disant que comme beaucoup de marins, à cause de la fatigue, du stress, du bruit, du manque de sommeil, il pouvait traverser des périodes hallucinatoires, se souvient Arnaud Guével, professeur et chercheur au labo nantais. Il m’a demandé ce qu’il était possible de faire pour obtenir dans ce domaine une aide à la performance. Mais aussi, pour être en sécurité en tant que marin. »
Un skipper confond le Cap Horn avec le ponton
Les exemples de skippers pris d’hallucinations sont légion et certains récits prêteraient presque à sourire s’ils se déroulaient ailleurs que dans des zones dangereuses et inhospitalières. Un jour, un navigateur a expliqué que lors de son passage au Cap Horn, il a cru que son bateau était arrivé au ponton… heureusement qu’il n’en est pas descendu. Un autre avait raconté qu’il était allé se coucher en disant à son équipage de bien gérer le bateau… alors qu’il était en solo !
L’application, testée par Tripon sur les dernières courses, est « une ligne de vie qui va le tenir attentif à son sommeil, sa fatigue, sa lucidité », selon Guével. « Armel explique que quand vous passez par exemple le cap de Bonne Espérance, il y a une immensité devant vous et il faut prendre les bonnes options selon la météo et votre stratégie de course. Il faut donc avoir assez de lucidité à ce moment-là pour prendre des décisions très engageantes pour la suite. »
Un questionnaire toutes les six heures
Toutes les six heures, le Nantais devra répondre à un questionnaire comportant sept questions. L’application, en fonction de ce qu’il répond sur le moment et ce qu’elle a enregistré sur la cession de questions précédente, renvoie alors un signal avec un code couleur, le rouge pouvant être qualifié de « signal inquiétant ». Si le skipper ne répond pas au bout de six heures, l’appli le rappelle au bout de dix heures. Il lui est demandé par exemple : quel est son niveau de fatigue sur une échelle de 1 à 10 ? Est-ce que cette fatigue pèse sur son humeur et ses manœuvres ?
« Cette application l’aide à ne jamais basculer sur des moments où il va perdre en lucidité. » Elle évite aussi au skipper de tomber dans un sommeil trop long... Comme Alex Thomson, en 2018, sur la Route du Rhum. Pourtant en tête de la flotte, le Britannique, épuisé, avait tellement piqué du nez qu’il avait fini par échouer sur un rocher sur la côte nord de l’île papillon en Guadeloupe et perdre la compétition…