TENNISHugo Gaston, otage de la guerre des nerfs à la tête de la Fédération

Roland-Garros : Gaston et la nouvelle génération, otages de la guerre des nerfs à la tête de la Fédération

TENNISBenard Giudicelli, le président de la FFT, tente de lier les bons résultats tricolores de la quinzaine à son bilan, alors que son challenger pour l’élection Gilles Moretton, semble avoir pris l’avantage
Julien Laloye

Julien Laloye

A Roland-Garros,

Les Bleus n’ont pas encore rejoint Clairefontaine qu’on a déjà trouvé un meilleur récupérateur que Kanté, un certain Bernard Giudicelli. Le président de la Fédération française de tennis (FFT) a relancé les incendies d’Amazonie tel un Fazendeiro sans état d’âme avec un tweet 100 % provoc' qu’il a dû rédiger le sourire en coin, histoire de pimenter un peu son week-end. Un montage photo de Ferro, Gaston, et Burel, les trois belles surprises tricolores de la quinzaines, surplombé d’un commentaire : « Génération Cherret », du nom du DTN du tennis français, en poste depuis à peine deux ans, ce qui fait court, chacun en conviendra, pour avoir construit les champions de 2020.

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Bataille de chiffonniers immédiate sur les réseaux sociaux, évidemment, entre les pro et les antis Giudicelli. C’est Arnaud Di Pasquale qui mène la fronde, attaqué dans son honneur d’ancien DTN. « Toute la hauteur d’un président en perdition qui se raccroche aux branches pour faire croire à qui veut bien le croire que ces jeunes sont le fruit de son mandat. Faut que ça change vraiment ». Pris entre deux feux, le pauvre Cherret essaie de calmer le jeu, sans convaincre grand monde :

« « Je ne tire pas la couverture à moi. Hugo, par exemple, c’est un club, une ligue, des parents, et derrière tout ça, la Fédération, bien évidemment, parce qu’on fait beaucoup de choses pour eux. Ça n’a pas fonctionné à Paris pour Hugo après la fermeture de l’INSEP, il a retrouvé son entraîneur à Toulouse, et il s’éclate. Mais la réalité, c’est que notre système de formation s’est arrêté et ne sort pas les joueurs qu’on devrait avoir ». »

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« Qu’on arrête de penser aux résultats à 8-9 ans »

Comprendre ce qui se joue en coulisses derrière les rodomontades des uns et des autres : le combat entre Giudicelli et Moretton pour la présidence de la FFT. Le boss en exercice contre un challenger au cuir épais, ancien joueur de Coupe Davis, connu des Lyonnais pour avoir longtemps présidé aux destinées de l’Asvel au début des années 2000. Les deux hommes s’écharpent sur à peu près tout, notamment leur vision du haut niveau. Giudicelli ne jure que par les confrontations internationales dès le plus jeune âge, et met en avant l’amélioration des performances chez les juniors ( trois Français demi-finalistes en début d’année à l’Open d’Australie), alors que Moretton dénonce une politique fédérale « de l’ultra-sélection, avec les meilleurs jeunes mis dans ses silos à 8 ans, alors que le champion de demain est peut-être laissé de côté ».

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Son meilleur argument de campagne ? Arnaud Clément, classé 0 à 18 ans, pour finir membre du top 10 ATP. La « Clé » a très tôt déclaré son soutien à Moretton, agacé, entre autres, par la politique de la Fédération chez les jeunes. « On était pris en exemple partout dans le monde et aujourd’hui on nous explique qu’il faut imiter le modèle tchèque alors qu’on est la Fédération qui a le plus de moyens en France ? Qu’on arrête de penser aux résultats quand on a 8 ou 9 ans et qu’on retrouve le plaisir de jouer au tennis, déjà ». Voilà pour le désaccord le plus médiatique entre les deux opposants, qui ne font même pas semblant de s’apprécier. Moretton a refusé de débattre avec Giudicelli, à qui il n’adresse plus la parole depuis qu’il l’a envoyé au tribunal pour diffamation.

Un duel Giudicelli-Moretton en coulisses

Le président de la Fédération l’avait « accusé de faire partie de ces joueurs qui, en 2011, ont nourri le réseau des concierges qui se procuraient des billets et les revendaient dix fois le prix », juste avant son élection à la tête de la Ligue Rhône-Alpes Auvergne (AURA). Moretton est un rancunier, mais ça lui laisse une bonne punchline en magasin : « Je l’ai déjà battu une fois ». 10.000 euros d’amende pour Giudicelli. 65e mondial au meilleur de sa carrière, Moretton, resté proche de Noah dont il a partagé les jeunes années de formation à Nice, estime qu’il a été attaqué parce que son rival avait humé le danger :

« « Quand je me présente en Rhône-Alpes, les gens viennent me voir parce que je coche toutes les cases. Les élus considèrent souvent que nous, les anciens, joueurs, on est juste bons pour taper dans la balle. Or, j’ai réussi à être élu contre le cours du jeu dans ma Ligue et mon mandat est plutôt satisfaisant. Ce sont les votants qui le disent, puisque j’ai élargi mon socle au fur et à mesure ». »

Bernard Giudicelli est plus circonspect dans l'Equipe : « Si on veut présider la fédération et qu’on n’a pas réussi à fédérer toute sa ligue, là il y a un problème. Notre bilan va être difficile à attaquer. À tous les niveaux, sportif, éducatif et au plan développement ». Moretton s’y emploie, pourtant. Depuis cet été, il artille à tout barzingue et ne laisse rien passer, comme cette déclaration présomptueuse de Giudicelli à Challenges en début de mandat, où le premier élu de la FFT évoquait le chiffre d’1,5 millions de licenciés en 2020. L’intéressé a mis ça sur le dos du journaliste, qui est allé fouillé dans son dictaphone, et Giudicelli n’en est pas sorti grandi. Bref, ça ne vole pas toujours très haut, déplore Pascal Piriou, candidat à la présidence de la Ligue de Bretagne et soutien du pouvoir en place.

« « Je n’ai pas très envie d’un débat où la courbe des licenciés devient un indicateur politique comme l’était la courbe du chômage sous François Hollande. Tout le monde perd des licenciés, On est en train de verser dans un affrontement parisien avec des tacles aux cheville de part et d’autre, ce n’est pas trop mon truc. Il y a un malentendu sur ce qu’est un patron. Bernard, ce n’est pas la danse des canards tous les jours, mais il gère une fédération à 325 millions de budget et c’est à lui de trancher en dernier ressort. Donner son opinion, c’est une chose, mais à la fin il n’y a qu’un décideur ». »

Les joueurs vent debout contre le président sortant

Les manières parfois brutales de l’ancien bras droit de Jean Gachassin en ont pourtant hérissé plus d’un, et sans attendre. Le fameux podium, composé d’anciens joueurs de renom (Noah, Mauresmo, Pioline) supposé former un conseil des sages, a pris ses cliques et ses claques au bout d’un mois. Ses critiques acides sur le manque de combativité des joueurs tricolores lors de l’édition 2017 de Roland-Garros, ont également valu à Bernard Giudicelli d’être un temps interdit de vestiaire en Coupe Davis. Dans son livre Sans Compromis, Alizé Cornet raconte comment elle a été soudainement blacklistée après son épisode de « no show » qui avait failli lui coûter une longue suspension. « Du jour au lendemain, plus un mot, j’ai même été retirée du groupe What’s App de la Fed Cup sans avoir mon mot à dire ».

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Aujourd’hui, presque tous les joueurs qui comptent ou qui ont compté dans le tennis français roulent pour Moretton, même s’ils ne le disent pas toujours publiquement parce que beaucoup ont un poste (et une belle fiche de paye) à la FFT. « Des conversations que j’ai sur le circuit là-dessus, personne ne veut qu’il repasse », souffle un vétéran du circuit, encore engagé à Roland-Garros cette année. Beaucoup en veulent à Giudicelli d’avoir bradé la Coupe Davis, dont la nouvelle mouture rapporte plus d’argent, mais moins de passion.

Moretton : « Sur la Coupe Davis, à chaque fois que je vais voir un club, je pose la question : Vous, vous auriez fait cette réforme ? Pas une personne ne dit oui. La France se doit d’avoir des valeurs, notre patrimoine, c’est les mousquetaires, c’est 1991 à Lyon, c’est Melbourne en 2000, c’est tout ça ». Un reproche que le président actuel vit comme une injustice, puisqu’il considère au contraire avoir sauvé l’épreuve en voyant plus loin que son nez franco-français.

Une photographie du vote fin octobre

Autant d’anicroches qui rythment une campagne aux règles insaisissables, même pour les esprits les plus torturés. Une moitié de votes proviennent des Grands Délégués, un peu comme à l’américaine, et l’autre des Comités Départementaux. En pratique, les votes ont déjà commencé, et on aura une photographie du résultat à la fin octobre, soit bien avant la date officielle du 12 décembre, à moins de tractations de dernières minutes. Bonne chance à celui qui peut donner une tendance fiable.

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Gilles Moretton, qui a labouré le terrain pendant des mois, en challenger appliqué, prétend qu’il est « largement » devant en se basant notamment sur le basculement surprise du comité de Paris, qui a choisi à 82 % la liste Ensemble pour un autre Tennis, plutôt que celle d’Agir et Gagner menée par Bernard Giudicelli. Certaines démissions au sein de l’équipe du président sortant dans la dernière ligne droit vont dans son sens. « Ce n’est pas une posture politique, on est devant, on a des gens qui nous rallient en permanence, assure Arnaud Clément, qui file la métaphore tennistique. Il faut toujours être méfiant mais je préfère mener un set et un break que l’inverse ».

« L’argent est redescendu comme jamais auparavant »

Si l’une des grandes promesses du camp Moretton est de redonner la parole aux clubs en changeant les modalités de l’élection pour la rendre plus démocratique, Pascal Piriou invite à ne pas sous-estimer le travail réalisé par Bernard Giudicelli à l’échelle de clubs amateurs :

« L’argent est redescendu comme il n’était jamais redescendu auparavant. Je parle des équipements, de la création du centre de formation des apprentis pour les enseignants, du plan de déconfinement très efficace pour reprendre la pratique au plus tôt. Je ne vois rien dans le programme de Gilles Moretton qui m’assure qu’on fera plus pour les clubs avec un nouveau président. Avec le Covid, les petits clubs se demandent juste comment ils vont pouvoir payer leur prof de tennis à la fin du mois, ils se foutent de savoir qui sera le prochain vainqueur français de Roland-Garros ». Alors que c’est peut-être Hugo Gaston, tout simplement.