Roland-Garros : Pourquoi est-ce que les nouvelles balles font grogner tout le monde ?
TENNIS•Après un partenariat d’une décennie avec la marque française Babolat, c’est désormais l’Américain Wilson qui fournit les balles du tournoi, et ces dernières ne font pas l’unanimitéJulien Laloye
L'essentiel
- Rafael Nadal et de nombreux autres joueurs se plaignent des nouvelles balles du tournoi, jugées trop lourdes et dangereuses pour les articulations.
- C’est désormais l’Américain Wilson qui équipe Roland-Garros en balles, après l’arrêt du partenariat avec Babolat.
- Si la nouvelle balle est moins vive ou légère que l’ancienne, c’est parce que l’organisation l'a souhaité ainsi.
A Roland-Garros,
Une victoire facile et même quelques inattendus rayons de soleil sur le Central n'ont pas changé le fond de sa pensée. Invité à remettre le couvert sur les conditions de jeu et la qualité des balles Wilson, nouveau partenaire du tournoi, Rafael Nadal a tenu le même discours que quatre jours plus tôt, lorsqu'il avait dégommé les impétrantes après les premiers essayages.
« Ce n’est pas la balle correcte pour jouer sur terre »
« Je me suis entraîné avec ces balles en Espagne, et elles étaient déjà lentes avec la chaleur, expliquait-il alors. Pour moi ce n’est pas la balle correcte pour jouer sur terre. J’accepte le défi, mais l’organisation doit réfléchir là-dessus, parce que ces balles peuvent être dangereuses pour les coudes et les épaules ». Remplissons tous ensemble la déclaration de transparence de Nadal auprès de la haute autorité de la vie publique du tennis. Le centuple vainqueur de Roland est sous contrat avec Babolat depuis qu’il est môme, ce qui ne l’aide pas à dire du bien des Wilson utilisées en 2020. Mais le roi a parlé et le sujet est devenu viral à Roland, où il faut dire qu’on s’emmerde sévère une fois qu’on a parlé de l’ambiance et des tests Covid plus ou moins positifs. Tout le monde a donc été prié de donner son avis.
» Dans le style policé, Novak Djokovic
« « Je suis d’accord, les balles sont lourdes. Nous sommes en octobre, il fait très froid et la terre battue est lourde et humide. Il est difficile de dire si la balle est lourde de nature ou si c’est le fait de jouer dans ces conditions particulières » »
» Dans le style tweet sponsorisé, Petra Kvitova
« « Les nouvelles balles, il n’y a pas de problème. Quand elles sont nouvelles, elles volent bien. Dans ces conditions, elles vont grossir un peu, raison pour laquelle j’ai changé la tension. Ce sont des balles Wilson, c’est parfait pour moi, puisque c’est ma marque. Elle ne pose pas de problème » »
» Dans le style Robocop, Stan Wawrinka
« « C’est clair que des conditions lentes avec des balles assez lourdes en général c’est quelque chose qui me convient assez bien dans mon jeu parce que je peux rester agressif, je peux jouer lourd quand même. J’ai cette puissance pour le faire. On l’a vu les années à Roland où c’était un peu lourd et lent en général je jouais bien. Maintenant, il y en a beaucoup d’autres qui vont réussir à bien jouer avec. Je pense que tout le monde va réussir à s’adapter et à produire du bon tennis » »
» Dans le style détendu du slip, Dan Evans
« « Les conditions n’étaient pas faciles, il faisait froid. Certaines de ces balles que l’on utilisait, je ne les donnerais même pas à un chien pour mâcher. Le fait est que les conditions étaient assez brutales. Le principal problème, c’était les balles, je pense. Peut-être qu’ils se sont trompés avec les balles. Il est difficile de faire en sorte que cette balle aille où que ce soit. On est en septembre, presque en octobre, je pense que cette balle est trop lourde » »
Si on enlève Kvitova, qu’on pourrait presque accuser de délit d’initiée, tout le monde est d’accord pour dire que cette histoire de changement de balles n’est pas une franche réussite avec le déplacement du tournoi à l’automne. De visu, c’est même parfois un peu pathétique de voir certains joueurs ahaner comme des animaux sans arriver à lâcher un seul coup gagnant par jeu, malgré une évidente bonne volonté. On s’est donc décidés à fouiner un peu dans cette histoire de nouveau contrat entre Wilson, numéro 1 mondiale de la raquette de tennis (Serena et Rodgeur parmi d’autres), et le Grand Chelem français.
Babolat n’a pas souhaité continuer
Un article de nos confrères de Challenges évoque un deal plus bénéfique à la Fédération, de l’ordre de 3 millions d’euros. Et surtout une opération visant à se rapprocher de l’énorme marché chinois, puisque Wilson appartenait à un conglomérat finlandais racheté par le groupe chinois Bidco Oy. « Dans deux ans, la Chine sera notre deuxième marché après la France », prédit même Stéphane Morel, le monsieur développement économique de la FFT, dans le même papier. Des balles pourries pour plaire aux Chinois ? On voyait déjà notre titre à scandale d’ici. Sauf qu’après vérification, on a du mal à confirmer la piste du complot venu d’Orient.
La Fédération tient en effet à nous faire savoir qu’elle était tout à fait satisfaite du partenariat avec Babolat, et que c’est l’entreprise lyonnaise qui n’a pas voulu candidater au nouvel appel d’offres une fois le contrat achevé en 2019 : « Raquette, balle et cordage officiel de Roland-Garros depuis 2011, Babolat a décidé de ne pas renouveler son contrat avec le Grand Chelem parisien en 2019. Depuis 2020, Wilson hérite du statut de Balle Officielle et de Cordeur Officiel de Roland-Garros ». Chez Babolat, qui continue d’accompagner le tournoi de Wimbledon, on confirme l’info sans plus de difficultés : « On n’a pas souhaité prolonger un partenariat qui n’a jamais été au centre de la stratégie de la marque. Il y avait une envie de faire un break, même si ça ne veut pas dire que l’histoire avec Roland-Garros est terminée ».
« C’est la Fédération qui donne le cahier des charges »
On en arrive à la balle elle-même, parce qu’il ne faudrait pas laisser penser que les partenaires pondent les critères qu’ils veulent en échange d’un beau chèque à la Fédération française de tennis. « C’est l’organisation du tournoi qui fournit un cahier des charges au fabricant qui s’adapte, et non l’inverse » souffle un habitué de ce genre de négociations. En 2011, Babolat a par exemple travaillé sur une balle « plus vive, pour dynamiser le jeu comme le voulait la FFT ». Cette dernière a visiblement changé son fusil d’épaule pour la prochaine décennie, même si elle ne pouvait pas deviner qu’il faudrait un jour disputer le tournoi sous un crachin automnal.
Il convient pourtant d’être honnête jusqu’au bout. Quand un tournoi change de balles, les joueurs réagissent TOUJOURS comme des petits vieux à qui on a changé l’horaire de la partie de coinche à l’Ehpad. Par curiosité, on est remontés à 2011 pour voir le papier maison sur le sujet. Et ça valait le coup. Figurez-vous qu’à l’époque, tout le monde trouve qu’elle fuse trop. « Ces dernières semaines, on s’était habitué aux Dunlop qui offrent plus de contrôle », expliquait par exemple Gilles Simon. « Elle prend moins d’effet au bout de deux ou trois jeux », complétait Jo-Wilfried Tsonga.
Le collègue scribouillard d’alors osait même avancer que le choix des Babolat « n’était pas vraiment une bonne nouvelle pour un Rafael Nadal qui aime faire gicler la balle avec son énorme coup droit lifté ». Rendez-vous donc en 2030 pour raconter l’inverse de ce qu’on dit dans ce papier.