Coronavirus : « Si on veut interdire le sport, il faut le dire », Serge Simon de la FFR est furieux
INTERVIEW•Le vice-président de la Fédération française de rugby s’insurge contre les décisions castratrices des préfectures de la Gironde et des Bouches du Rhône d'interdire les vestiaires aux pratiquantsPropos recueillis par Julien Laloye
Le sport amateur vient à peine de reprendre la compétition qu’il se retrouve déjà au pied du mur. La pratique du rugby – et de tous les sports collectifs – est fortement limitée en Gironde et dans les Bouches du Rhône par des arrêtés préfectoraux interdisant l’ouverture des vestiaires pour les pratiquants. Une décision qui risque de donner des idées aux autres, au grand désespoir de Serge Simon, vice-président de la FFR, qui craint pour la survie des presque 2.000 clubs amateurs que compte le pays.
Une centaine de matchs amateurs de niveau fédéral ont dû être reportés le week-end dernier, qui marquait la reprise des championnats amateurs. Quel est le problème ?
Le problème, c’est l’interdiction de vestiaire pour se changer avant et après les matchs ou les entraînements. Jusqu’à maintenant on faisait face à des interdictions sporadiques de la part d’un maire ou d’un préfet. Mais la nouveauté, c’est qu’il y a désormais des arrêtés qui concernent des zones géographiques entières, à savoir les Bouches-du-Rhône et la Gironde. Et on me dit que d’autres préfectures devraient suivre. C’est un très mauvais signal envoyé au rugby amateur. On a fait beaucoup de pédagogie auprès des préfectures et des mairies tout l’été, mais là j’ai peur d’une tendance de fond qui fasse tache d’huile.
Qu’est-ce que change l’interdiction de vestiaires pour les pratiquants ?
C’est une décision très impactante pour la vie des clubs. Les douches, ça fait partie de l’activité. Quand on fait deux heures de route pour jouer quelque part et qu’on ne peut pas se changer, ce n’est pas envisageable. Surtout qu’on va bientôt arriver en automne avec des conditions météos moins favorables. Il y a des équipes qui ne viendront pas et des entraînements qui n’auront plus lieu, parce que les parents ne vont pas accepter ça pour leurs enfants. Ça revient à interdire la pratique. Le législateur a pourtant statué. Oui, on peut avoir des activités ou on ne respecte pas la distanciation physique. Mais à ce moment-là, on les autorise dans toutes leurs dimensions. Un match de rugby ou un entraînement commencent dés le vestiaire. Il y a quelque chose d’ubuesque à refuser ça. On est dans le non-sens.
Quelles sont les conséquences pour les clubs, au-delà des matchs reportés ?
Les conséquences vont être dramatiques, Si on interdit les vestiaires, si on interdit les buvettes, si on n’arrête pas de mettre des obstacles dans la pratique alors qu’on parle de bénévoles qui font ça sur leur temps libre, certains des 1.900 clubs amateurs en France vont fermer. Il faut être un peu incitatif à un moment et arrêter de faire porter une responsabilité aussi lourde aux petites structures amateurs. On n’arrête pas de faire planer ce nuage noir, tout en disant qu’il faut reprendre l’activité sportive.
Le ministère des Sport a-t-il réagi ?
On est intervenus auprès de la ministre des Sports qui a été très claire : oui, il faut ouvrir les vestiaires aux pratiquants. Il faut que dans les régions, les préfets comprennent que ce n’est pas la solution même si c’est un moyen sans doute de s’enlever une épine du pied. A un moment, le rapport risques/bénéfices doit être évalué. On sait l’importance des associations sportives pour la cohésion sociale. On sait aussi que l’activité physique protège contre le virus de la grippe, qui est un autre coronavirus. Médicalement, le sport est aussi un des leviers de la lutte contre la pandémie, il faut des gens en bonne santé pour lutter contre le virus.
Quelles sont les solutions envisagées au sein de la commission Covid de la Fédération ?
Il y a des clubs qui essaient de trouver des locaux de substitution, chacun va essayer de trouver une solution pour aller se doucher dans un autre local qui ne sera pas le vestiaire, mais tout ça coûte de l’argent, donc ça ne peut pas le faire. J’en appelle au gouvernement, faisons des choses qui sont justifiées, mais ne prenons pas des décisions en cascade qui n’ont aucun sens et qui sont mortifères pour nos écosystèmes. Prenez la jauge de 5.000 personnes. Je ne m’occupe pas du rugby professionnel, mais dans un stade de 30.000 personnes, on peut mettre beaucoup de monde en respectant des mesures sanitaires simples. On sait comment se transmet le virus, or quand on voit certaines décisions, on a parfois l’impression qu’il vous tombe dessus par l’opération du Saint-Esprit. Si on veut interdire le sport, il faut le dire, mais on ne fait pas cet entre-deux extrêmement préjudiciable. Il y a quelque chose de malaisant là-dedans.