CYCLISMELa Loze, nouvel outil de torture du Tour

Tour de France 2020 : « A côté, le Ventoux a l’air d’une balade »... La Loze, nouvel outil de torture du Tour

CYCLISMELe col, dont les sept derniers kilomètres offrent des pourcentages hallucinants, est inédit sur le Tour de France
B.V. (avec le courageux D.B.)

B.V. (avec le courageux D.B.)

L'essentiel

  • Le Tour de France va découvrir mercredi un col inédit, le col de la Loze.
  • Un col irrégulier, difficile et sans égal en France, vous expliquent des coureurs qui l’ont essayé.
  • Le classement général du Tour de France pourrait bien s’y jouer.

Il a insisté plusieurs fois pour témoigner. Il a usé de toute son autorité et parfois même menacé du pire. Mais nous avons su résister. Non, vous ne lirez pas dans ces lignes comment notre chef s’est attaqué cet été au nouveau monstre des Alpes, le col de la Loze. Et encore moins qu’il y a mis pied à terre dès les premières rampes un peu difficiles. Ce serait sacrément gonflé et peu professionnel de notre part…

La Loze, donc. Premières rampes à Brides-les-Bains pour 21,5 km d’ascension à 7,8 % en passant par les Allues et Méribel. Et surtout, sept dernières bornes inhumaines avec des pentes autour de 20 %. La nouveauté de ce Tour de France et la grande fierté du Thierry Gouvenou, le monsieur parcours de la Grande Boucle : « Je ne parviens pas à trouver un endroit comparable, c’est une route unique en France. Ce sera l’arrivée la plus compliquée à gérer pour les coureurs, l’arrivée-reine du Tour. » Son boss Christian Prudhomme s’était lui déclaré « subjugué » au moment de découvrir le bestiau.

Histoire marrante, d’ailleurs. Prudhomme raconte que c’est le légendaire Bernard Hinault lui-même qui l’aurait appelé après avoir assisté à une étape du Tour de l’Avenir arrivée à la Loze pour en faire la pub : « Il faut à tout prix que tu viennes voir ça. » C’était la première fois qu’une course cycliste montait jusqu’au sommet, à 2.304 m d’altitude. Et pour cause, la route est nouvelle. Avant, on s’arrêtait à Méribel. Jusqu’à ce que le maire des Allues, Thierry Monin, fasse bitumer il y a quelques mois les derniers kilomètres du col pour en faire « une voie verte, fermée à la circulation des véhicules automobiles » et épousant les aspérités de la pente.

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C’est ce qui rend ces sept dernières bornes aussi uniques. « Il n’y a rien de régulier, expliquait Gouvenou. Il n’y a jamais la même déclivité, on passe du plat à 20 %, puis à 10 %. Il faut tout le temps changer de rythme, c’est ce que n’aiment pas les rouleurs. » Pour mieux comprendre, nous avons demandé à Eva Lindskog, détentrice du record de la montée chez les femmes sur le réseau social des cyclistes Strava, de nous décrire le nouveau joujou du Tour.

« « Le début de l’ascension vers Méribel est très classique : la route est large et droite, les pourcentages réguliers et le revêtement de qualité. Le fun commence après Méribel. On a encore deux kilomètres à 7 ou 8 % puis on arrive au rond-point des pistes. C’est là que la nouvelle route commence et que l’accès est interdit aux voitures. Là, dès le premier virage à droite, c’est un véritable mur à 20 % qui s’élève. Après le choc initial, la route s’aplatit un peu, mais temporairement, car on remonte immédiatement à près de 20 % dans le virage à gauche. Les 200 mètres d’après sont plats et on remonte encore à 20 % au virage à droite d’après. Ensuite, on a 1,5 km avec des pourcentages réguliers où l’on peut retrouver un rythme. A partir de là, il n’y a plus de végétation pour nous protéger du vent, on est totalement à découvert. Ensuite, on retrouve un nouveau faux plat puis juste après un passage au-dessus des 20 % avant les deux derniers kilomètres. On a une petite descente, ce qui casse encore le rythme, puis les pourcentages remontent à 15 % avant le mur final de 200 mètres qui sont peut-être les plus durs de toute l’ascension et où on manque cruellement d’oxygène. » »

On comprend pourquoi notre boss a mis le pied à terre. Un coureur du peloton, qu’on ne nommera pas non plus (c’est Pierre-Luc Périchon de la Cofidis), nous a confié avoir été lui aussi obligé de la faire à pied faute d’avoir le bon braquet pour monter. Les gros pourcentages, les ruptures de pente et l’altitude en font une torture. Eva Lindskog résume en une ligne : « Ce qui est le plus dur, c’est qu’on change tout le temps de rythme. »

Le profil de la Loze
Le profil de la Loze - Capture d'écran Tour de France

« Obligé que ça fasse des écarts »

Voilà pour la description technique. Pour le comparatif, nous avons demandé à notre spécialiste et quelques spécialistes locaux de trouver des équivalents. « Les cinq derniers kilomètres, je n’ai jamais fait ça, assure Arthur Blanc, vainqueur d’une cyclo sur les lieux cet été. Ça n’existe pas en France, c’est assez unique ». « Le Galibier, l’Izoard, la Madeleine ont un peu le même principe avec des paliers, mais ce n’est pas aussi prononcé que dans la Loze, poursuit Michel Benzonelli, président du club de club olympique de cyclisme d’Albertville. Ce col, on le fait une fois pour l’avoir fait mais on ne prend pas de plaisir. Dans les passages à 20 %, faut s’accrocher pour passer. C’est étroit, pour passer à trois vélos c’est compliqué. Et s’il y a un qui coince, ça peut bloquer tout le monde et tu peux mettre le pied à terre. Si tu le fais, t’es mort pour redémarrer. »

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Eva Lindskog tente le parallèle avec un autre géant français, le mont Ventoux, qu’elle définit d’emblée comme « une balade au parc » à côté de la Loze. « Les deux montées sont assez proches en termes de pourcentage et de longueur, explique-t-elle. La différence, c’est que la partie dure du Ventoux arrive plutôt au début de l’ascension et que les pourcentages sont réguliers. A la Loze, c’est la dernière partie qui est dure. Tu es en haute altitude et tu as déjà beaucoup grimpé pour être là. C’est impossible de trouver du rythme et il faut “envoyer du watt” rien que pour ne pas être à l’arrêt dans les passages à 20 %. C’est l’une des montées les plus dures de ma vie. »

La vue dans la Loze
La vue dans la Loze - D. Blanchard / 20 Minutes

Devenu le nouveau paradis des cyclo – « c’est effarant le monde qu’il y a, ça défile sans arrêt » dixit Michel Benzonelli –, le col de la Loze va écrire sa jeune histoire avec sa première arrivée de Tour mercredi. « On espère attirer le Tour de France d’autres fois… si cette journée est convaincante pour tout le monde », avançait en octobre le maire des Allues. Eva Lindskog ne voit pas comment elle ne serait pas à nouveau au programme.

« La Loze sera le moment décisif de ce Tour. Les équipes seront là pour protéger les leaders jusqu’à la piste cyclable, mais après la première rampe, je peux imaginer un scénario avec un duel entre Roglic et Pogacar. Les pourcentages feront qu’il y aura de toute façon beaucoup d’attaques et vu sa forme, Pogacar y tentera sûrement quelque chose. »

Michel Benzonelli abonde. « C’est obligé que ça fasse des écarts. Ici, c’est impossible de se regarder et c’est chacun pour soi. C’est ce qui intéresse les organisateurs et c’est pour ça que ça peut devenir mythique. »

On n’y est pas encore. Pour entrer dans la légende, un col doit créer des souvenirs sportifs, certes, mais aussi avoir un petit plus… Eva Lindskog y croit. « Ce col a tous les ingrédients : c’est dur, c’est long, c’est beau, il n’y a pas de voiture et la vue en haut est magnifique. » Et elle se mérite.