Equipe de France : Dayot Upamecano, de VAFC aux Bleus, en cinq anecdotes
FOOTBALL•Appelé pour la première fois en équipe de France, le défenseur Dayot Upamecano a été formé à Valenciennes avant de partir en AutricheFrançois Launay
L'essentiel
- Le défenseur de 21 ans vient d’être appelé pour la première fois en équipe de France.
- S’il a démarré sa carrière en pro à Salzbourg, Dayot Upamecano a été formé pendant deux saisons à Valenciennes.
- Ses anciens formateurs et dirigeants se souviennent, anecdotes à l’appui.
Il y a quelques semaines, son nom était encore largement inconnu du grand public. Mais un quart de finale de Ligue des champions réussi contre l’Atletico Madrid a suffi à le fait entrer dans la lumière. A seulement 21 ans, Dayot Upamecano est en train de se faire un nom comme le prouve sa première apparition dans le groupe France à l’occasion des matchs de Ligue des Nations en Suède (5 septembre) puis contre la Croatie (8 septembre).
Le défenseur de Leipzig, qui a débuté à Salzbourg, n’a jamais joué en pro en France. Mais Upamecano a passé deux ans de formation à Valenciennes (2013-2015) où il a laissé de bons souvenirs avant de prendre son envol dans des conditions particulières. Ses anciens formateurs et dirigeants se souviennent, anecdotes à la clé.
Le jour où il a débarqué à Valenciennes
Pur produit d’Evreux, Upamecano se rend à Valenciennes en juin 2013 pour y passer des tests afin d’intégrer le centre de formation. Sauf qu’à la base, les dirigeants nordistes étaient surtout séduits par Eder Verissimo, formé aussi à Evreux et pote d’Upamecano (qui joue désormais à Evreux en N3). Ex-entraîneur des U16 nationaux du VAFC, Olivier Bijotat se souvient de la future star, âgé de 15 ans à l’époque
« L’éducateur d’Evreux nous avait dit qu’il fallait aussi jeter un coup d’œil sur Upamecano et c’est comme ça que les deux joueurs sont venus passer une journée de tests à Valenciennes. On s’est tout de suite positionné de façon favorable car on avait face à nous un joueur de qualité supérieure. A 15 ans, il avait déjà un corps d’homme et était dans le même registre qu’aujourd’hui à savoir un mariage de vitesse et de puissance avec une volonté de relancer proprement », raconte celui qui est désormais en charge des U13 et U15 au RC Lens.
Le jour où il est allé chez l’orthophoniste pour des problèmes de diction
Très vite Upamecano s’installe en U17 nationaux où il impressionne tout le monde. Sauf que le joueur est beaucoup moins à l’aise en dehors des terrains. Dyslexique, il a de gros problèmes de diction et parle très peu.
« Il avait des difficultés dans la compréhension et dans la prononciation. On l’a envoyé chez une orthophoniste. Mais il a très vite compris que c’était pour son bien. Ses problèmes de diction l’ont fait longtemps rester dans sa coquille surtout à l’adolescence avec la cruauté que peuvent avoir les jeunes les uns avec les autres. C’est pour cela que Dayot était très réservé et ne prenait pas la parole facilement en groupe », raconte Bijotat.
Franck Triqueneaux, coach du joueur en U17, se souvient aussi de ce garçon introverti. « Il y avait un vrai décalage entre ce qu’il était sur le terrain et dans la vie. Par exemple, même s’il avait 15 ans, il regardait des dessins animés sur Tiji comme mes filles de 7 ans à l’époque. A l’inverse, sur un terrain il était guidé par son amour du foot. Peu importe l’équipe, il voulait jouer tous les matchs comme titulaire », raconte cet ancien formateur du VAFC.
Le jour où il a failli signer à Manchester United, son club de cœur
Au centre de formation, Upamecano répondait toujours « Manchester United » quand on lui demandait quel était son club préféré. Un rêve qui a bien failli devenir réalité en 2015. A l’époque, le joueur était déjà convoité par les grosses cylindrées européennes comme le rappelle Franck Triqueneaux.
« J’ai le souvenir d’un match à Drancy en U17 nationaux. Le coach adverse vient me voir et me dit : “Purée, je ne sais pas ce qu’il se passe aujourd’hui. On a eu des demandes d’accréditation de tous les clubs d’Europe”. Il y avait des recruteurs de Manchester United, du Bayern, de la Juve, Milan, Liverpool, Arsenal… Tout le monde était là. Il y avait autant de recruteurs que de spectateurs » »
Mais c’est bien à Manchester que le joueur veut partir. En janvier 2015, en plein mercato hivernal, le joueur, des membres de famille et Pierre Wantiez, directeur sportif du VAFC à l’époque, partent à Old Trafford pour discuter avec les dirigeants mancuniens d’un éventuel transfert.
« Brian McClair, directeur du centre de formation, le voulait absolument mais j’ai senti beaucoup moins d’enthousiasme de la part des autres dirigeants. Et puis, il y avait aussi des problèmes d’agents. C’était compliqué. De son côté, Dayot écoutait sans rien dire ni rien comprendre vu qu’il ne parlait pas un mot d’anglais », explique Wantiez, désormais directeur sportif du Havre, pour justifier l’échec du transfert en Angleterre.
Le jour où son transfert provoque un esclandre à l’aéroport de Roissy
Blessé une bonne partie de la saison lors de sa deuxième année au VAFC, Upamecano se remet sur pied juste avant le championnat d’Europe U17 où son talent explose définitivement à la face de tous les clubs du monde. Après ça, tout le monde le veut.
Pourtant, à la surprise générale, c’est au club autrichien de Salzbourg, propriété de Red Bull, qu’Upamecano finit par signer en septembre 2015. « Le club est allé au plus offrant », résume Olivier Bijotat.
Asphyxié financièrement après avoir évité le dépôt de bilan quelques mois plus tôt, VA a décidé de vendre sa pépite, qui n’a aucun match en pro, au prix fort. Moyennant 2,2 millions d’euros, Salzbourg, conseillé à l’époque par Gérard Houiller que connaît bien Wantiez, finit par emporter la mise. Mais au moment où le joueur s’apprête à signer son contrat, les choses se corsent.
« Des gens dans l’entourage de Dayot et sans statut d’agent ont essayé de faire capoter l’affaire pour le mettre là où il y aurait plus d’argent pour eux », assure un connaisseur du dossier.
A tel point qu’une scène hallucinante va se produire à l’aéroport de Roissy au moment où le père d’Upamecano s’apprête à prendre l’avion pour rejoindre son fils à Salzbourg via une escale à… Munich.
Depuis plusieurs jours, le Bayern fait justement le forcing pour arracher le joueur sur le fil. Un agent se pointe donc à l’aéroport de Roisssy pour faire changer d’avis Upamecano père. Voilà la version de l’histoire de Pierre Wantiez, alors dirigeant au VAFC qui n’était pas présent à l’aéroport : « Un agent français, en relation avec le Bayern, s’est immiscé dans le dossier. Il a voulu regagner de l’importance en essayant de capter le joueur. Avec lui, il y avait aussi deux autres intermédiaires qui étaient aussi là pour tenter de convaincre le père et son entourage. Finalement, un esclandre a lieu dans la salle d’embarquement en début d’après-midi. A tel point que la signature du joueur, qui devait avoir lieu le soir, a été différée au lendemain. J’ai même appris plus tard qu’une voiture attendait Dayot à la sortie du centre d’entraînement de Salzbourg pour l’emmener à Munich au cas où. Jusqu’au dernier moment, des gens ont essayé de le faire changer d’avis. »
Si Wantiez ne donne pas son nom, c’est bien Frédéric Dobraje qui avait été mandaté par le Bayern. Interrogé sur le sujet il y a deux ans par 20 Minutes, il donnait sa version des faits. « C’était assez compliqué avec le père et l’entourage », euphémise l’agent dont la mission a rapidement avorté : « Qu’il refuse de choisir le Bayern au final, je peux le comprendre. Mais qu’il refuse une rencontre… C’est incroyable ! On ne refuse pas le Bayern ».
Drôle d’ambiance autour d’un gamin alors âgé de 17 ans qui suscite les convoitises de partout. « Quand il y a de l’argent en jeu, il y a beaucoup de gens qui s’en mêlent. Entre la famille, l’agent, le club qui veut aussi toucher le plus d’argent possible, ça fait du monde », résume Franck Triqueneaux.
Le jour où Valenciennes n’a pas négocié de pourcentage à la revente
Vu la dimension prise depuis par le joueur, les dirigeants du VAFC doivent encore s’en mordre les doigts. Club formateur d’Upamecano, Valenciennes aurait pu négocier un pourcentage en cas de revente du défenseur dans un autre club. Sauf que VA ne touchera quasiment rien sur le futur transfert. La faute à des négociations réalisées le couteau sous la gorge au vu de l’état des finances du club en juillet 2015. Pierre Wantiez s’explique sur ce choix bizarre.
« A l’époque, il y avait deux choix. Soit vendre Dayot à un montant moins important mais avec un pourcentage à la revente. Soit le vendre à un montant plus important en cash. Il y avait un risque : qu’il ne soit pas revendu tout de suite alors que le club avait un besoin de cash immédiat. Très clairement, le président du club Eddy Zdziech, qui a eu l’arbitrage final, a fait ce choix-là que je partage au vu des circonstances de l’époque ». »
Du coup, si VA touchera des indemnités de formation équivalentes aux deux années passées au club par Upamecano, il ne pourra pas espérer plus d’1 % du montant du transfert. Pas cher payé vu la qualité du joueur que l’Europe s’arrache. Un sentiment de gâchis même si ses formateurs se réjouissent de son parcours et de ses choix de carrière.
Notre dossier sur l'Equipe de France
« Des joueurs qui ont un fort potentiel mais qui se sont perdus à cause de mauvais choix, il y en a eu beaucoup. D’être passé par la structure des Red Bull avec plusieurs clubs tremplins, ça lui a permis de franchir très vite les paliers pour se retrouver titulaire en Bundesliga, se qualifier pour la Ligue des champions et se retrouver chez les Bleus », constate Franck Triqueneaux fier de son ancien poulain dont VA n’aura jamais vraiment profité.