Tour de France : La Jumbo, Pinot, le Covid… Les questions qu’on se pose avant le départ
CYCLISME•Inédit, ce tour en septembre pourrait bien nous réserver quelques surprisesB.V.
L'essentiel
- Le Tour de France s'élance ce samedi à Nice (Alpes-Maritimes) avec deux mois de retard sur la date initialle, dans une saison bouleversée par le Covid.
- On a posé toutes les questions qui nous taraudent avant cette édition à Steve Chainel, aux commentaires de la Grande Boucle pour Eurosport.
Voilà, on y est. Samedi, le Tour de France partira de Nice, quasiment deux mois après la date prévue initialement et dans des contextes sportifs et sanitaires particuliers. Si bien qu’on a du mal à y voir clair dans ce qui nous attend pour les trois prochaines semaines. Alors on a posé toutes les questions qui nous brûlaient les lèvres au consultant d’Eurosport Steve Chainel, qui sera une nouvelle fois aux commentaires du Tour dès samedi.
Ce Tour est-il trop montagneux ?
Personne au sein du comité d’organisation ne l’a jamais formulé comme ça, mais c’est un vrai Tour pour coureurs français, avec de la montagne, de la montagne et aussi pas mal de montagne. Un seul contre-la-montre, et encore, en montagne. Pas de pavés, peu de sprints. Ouais, ce Tour sera le plus montagneux depuis très, très longtemps.
L’avis de la rédac : Un Tour n’est jamais trop montagneux, surtout quand on y envoie Pinot, Bardet et Alaphilippe côté français. Cela dit, on aura « seulement » quatre arrivées au sommet pour une bonne dizaine d’étapes entre moyenne et haute montagne. Il y aura beaucoup d’occasions de faire la différence.
La réponse de Steve Chainel : « Il n’y a pas trop de montagne. En revanche, je trouve qu’on ne parle pas assez de certains massifs. Tout le monde attend que la bagarre se fasse dans les Alpes ou les Pyrénées, où les cols sont souvent trop durs et du coup les étapes ennuyeuses. Mais, pour avoir pu reconnaître le Mont Aigoual (arrivée de la 6e étape), il est très difficile. Il y aura dans ce Tour la possibilité de créer du mouvement avec d’autres massifs que les habituels.
Les Jumbo vont-ils contrôler la course et nous pourrir notre Tour ?
Le train jaune is the new le train Sky was the new le train US Postal. Sans référence aucune à un passé trouble, l’impression laissée par la Jumbo-Visma du grand favori Roglic sur le Dauphiné fait craindre le pire. La nouvelle équipe gloutonne du peloton pourrait bien passer les trois semaines en tête de peloton, contrôler la moindre attaque et nous gâcher un peu le spectacle.
L’avis de la rédac : Roglic, Dumoulin, Kuss, Bennett, Gesink, Van Aert… La Dream Team sera presque au complet avec facile quatre mecs capables de faire dans les 10 meilleurs grimpeurs d’une grosse étape de montagne. Ils ne laisseront pas une miette en montagne.
La réponse de Steve Chainel : Je ne crois pas. En ce moment, ça joue un peu à celui qui a la plus grosse en tête de peloton, et je suis sûr qu’Ineos va vouloir montrer qu’ils sont là. La Groupama-FDJ aussi. Le train Jumbo ressemble à la Sky des belles années avec un recrutement fort. Mais ils ne pourront pas courir après tous les lièvres. Ils vont faire la course, mais pas l’écraser.
Où est-ce qu’on peut perdre connement le Tour ?
Pas de pavés, peu d’étapes propices aux bordures, il n’y a pas vraiment de pièges dans ce Tour de France où l’on peut tout perdre à cause d’une saute de concentration.
L’avis de la rédac : Le passage tout en poussière en haut du plateau des Glières pourrait causer une crevaison dramatique à quinze bornes de l’arrivée. Plus globalement, plusieurs étapes se terminent dans la foulée de descentes de cols. Attention à garder sa lucidité jusqu’au bout.
La réponse de Steve Chainel : Pour moi, le risque, c’est d’être pris dans une chute quatre bornes avant un sprint massif avec vélo cassé, le temps de repartir… Comme il n’y a pas tout le plateau des sprinteurs, beaucoup de coureurs vont vouloir faire le sprint et ça risque de beaucoup frotter. Pour les Glières, je ne crois pas : tout le monde aura prévu ce qu’il faut avec soigneurs et mécaniciens. Les descentes font partie du bagage à avoir, on a vu récemment Alaphilippe mettre Sivakov à la faute dans une descente. Roglic, qui n’a pas fait de vélo dans sa jeunesse, peut y être mis en difficulté.
Pinot, on y croit pour de vrai ?
En forme au Dauphiné mais un peu esseulé, Thibaut Pinot semble prêt pour le Tour dont la France rêve. En est-il capable ?
L’avis de la rédac : Pinot, notre roi. On y croit à mort (même si on a peur du contrôle positif au Covid à deux jours des Champs-Elysées).
La réponse de Steve Chainel : J’y crois à 100 %. Il est vraiment en passe de le faire, il a les capacités physiques et psychologiques. Après, ça reste une course de vélo sur trois semaines, il ne faut pas avoir de pépin ou de jour sans. Son énervement lors du Dauphiné, pour moi c’est positif, ça prouve qu’il est un vrai winner, qu’il avait envie de gagner et qu’il ne se cache pas. Je pense que son équipe est au niveau pour lui faire gagner le Tour. On disait en 2011 que les Europcar de Voeckler n’avaient pas le niveau, mais un maillot jaune ça sublime. Et chez FDJ-Groupama, le potentiel est là.
Ineos va-t-elle devenir une équipe de seconde zone ?
Sans Froome ni Thomas, hors de forme, l’équipe Ineos n’aura dans son équipe « qu’un seul » ancien vainqueur du Tour, Egan Bernal. Que des douleurs au dos ont poussé à l’abandon au Dauphiné. Ineos, c’est plus ce que c’était
L’avis de la rédac : Malgré tout leur talent, Sivakov, Carapaz ou Castroviejo ne donnent pas à l’équipe la puissance des années précédentes. Ineos est moins fort sur le papier, mais tout va dépendre de l’état physique de Bernal. A lui tout seul, en forme, il peut faire exploser le peloton en haute montagne.
La réponse de Steve Chainel : Bien évidemment que non. Il faut rester les pieds sur terre, ça reste l’équipe favorite. Pour moi ils ont plus d’expérience que la Jumbo. Ils peuvent remporter le Tour rien qu’avec Bernal. Mais s’ils ne placent pas un coureur sur le podium, ce sera une contre-performance totale et tout sera remis en question. Mais c’est une équipe avec un budget illimité, elle ne sera jamais de seconde zone.
Julian Alaphilippe qui joue le général, c’était un one-shot ?
Ah Julian, si près et si loin l’an passé. Cinquième à Paris après avoir passé deux semaines en jaune, le Français n’était pas passé si loin d’une victoire au général sans jamais affirmer le jouer. La même en 2020 ?
L’avis de la rédac : On parie qu’il fait exprès de perdre un gros éclat dès la première étape de montagne pour pouvoir partir tranquillement jouer les étapes et le maillot à pois.
La réponse de Steve Chainel : Je pense que c’était un one-shot, oui. L’an passé il a eu les conditions parfaites pour faire ce genre d’exploits. Un jour, il pourra jouer le général mais cette année, ce n’est pas possible je pense vu le parcours pour grimpeurs. Julian est en très bonne condition, ce sera soit le maillot à pois, soit le maillot vert.
Est-ce que comme au basket, tout va se jouer dans le money-time de la Planche des Belles Filles ?
Trois semaines de course et une avant-dernière étape qui pourrait tout changer. Un contre-la-montre un peu spécial, avec une trentaine de kilomètres vallonnés avant la terrible Planche des Belles Filles. Là où tout va se jouer ?
L’avis de la rédac : Pas impossible, si Roglic n’a pas le maillot jaune sur les épaules en arrivant à cette étape, qu’il fasse tout exploser sur ce contre-la-montre qui lui convient parfaitement.
La réponse de Steve Chainel : La Planche pourra chambouler le podium. De là à dire qu’on ne connaîtra pas le nom du vainqueur avant elle, je ne sais pas, des écarts seront probablement déjà faits. Mais ce chrono va être hyper important. La Planche, c’est super irrégulier, c’est une belle saloperie et après trois semaines de course, les coureurs en auront plein les socquettes. Les 30 kilomètres avant la montée ne sont pas plats. Thibaut n’y perdra pas une minute sur Roglic.
Le col de la Loze est-il le col français le plus dur ?
C’est un monstre qui attend les coureurs à l’arrivée de la 17e étape, juste après avoir monté la Madeleine. La Loze et ses 21 kilomètres à presque 8 %, avec des passages au-dessus de 20 % dans les derniers kilomètres, est inédit sur le Tour de France.
L’avis de la rédac : Difficile à dire encore car c’est la première fois que le Tour l’empruntera. Attendons de voir les dégâts qu’il fait avant de le comparer aux mythiques sommets du Tour. Mais le spectacle promet d’y être fabuleux.
La réponse de Steve Chainel : Non quand même pas, même s’il est très dur. De là à dire que c’est le plus dur… Je crois qu’en France, on est à la recherche de notre Angliru, de notre Mortirolo, de ce col qui va faire peur à tout le monde.
Est-ce qu’il faut s’attendre à plein de chutes ?
Depuis la reprise du vélo, on en voit à chaque course ou presque. Peut-être que les types ont perdu l’habitude de rouler en peloton…
L’avis de la rédac : Vu les rares sprints massifs et le nombre de descentes importantes en fin d’étape, on craint le pire…
La réponse de Steve Chainel : Il y a des chances, oui. Le Tour amène de toute façon son lot de chutes car tout le monde est nerveux. Mais on se rend compte depuis le retour de la saison que des réflexes ont été perdus. Et on sait que la saison est très courte, on ne peut pas laisser des occasions, chaque place est un gros enjeu. Alors ça met une grosse pression sur les équipes pour replacer leurs coureurs…
Entre les chutes et le Covid, risque-t-on de finir avec un peloton de 50 coureurs à Paris ?
Le protocole du Tour semble clair : dès deux cas positifs dans une équipe, staff compris, cette dernière doit se retirer du Tour. Voilà qui risque de faire de l’espace dans le peloton assez rapidement, sauf si la bulle fonctionne parfaitement.
L’avis de la rédac : On n’est pas épidémiologistes, mais terminer le Tour sans cas de Covid relèverait du miracle.
La réponse de Steve Chainel : C’est possible, et c’est assez incroyable. Je me demande même comment ça pourrait être possible qu’on soit plus de 50 à l’arrivée. J’ai peur pour ce Tour, je ne suis pas serein, je ne sais pas si on ira au bout de ce Tour. Du coup, ça va peut-être pousser les coureurs à tenter des trucs de fou en se disant « si le Tour s’arrête au bout de 12 jours, ça vaut le coup d’être bien placé à ce moment-là ».