Coronavirus : Le protocole Covid va-t-il tuer dans l’œuf la nouvelle saison de Ligue 1 ?
FOOTBALL•Le calendrier pourrait vite devenir insoluble si trop de rencontres doivent être reportées dés l’entame du championnatJ.L, avec N.C, C.C, et F.L
Jaume Roures en a vu d’autres – beaucoup, même, à ce qu’on raconte. Mais le boss de Mediapro ne s’attendait certainement pas à ça il y a deux ans, quand il s’est engagé à verser plus de trois milliards d’euros à la LFP pour avoir le droit de retransmettre les matchs de Ligue 1 de 2020 à 2024. A sa décharge, absolument personne ne pouvait prévoir la pagaille mondiale engendrée par la pandémie de coronavirus. A l’échelle qui nous intéresse, tout comme ce bon Jaume, c’est la reprise de la Ligue 1, à partir de ce week-end, qui s’annonce comme un immense boxon.
Déjà deux matchs reportés ce week-end ?
Le nombre de cas positifs au Covid-19 a sérieusement augmenté parmi les effectifs de l’élite ces dernières semaines (plus de 40 selon un décompte de l’AFP). Beaucoup de matchs amicaux ont dû être annulés et, mardi, on apprenait le report d’OM-Saint-Etienne, que Mediapro avait choisi comme match d’appel pour le grand lancement de sa chaîne Téléfoot, vendredi. Quatre personnes – joueurs ou membres du staff – ont en effet été contaminées côté marseillais, atteignant la limite à partir de laquelle la toute récente Commission Covid de la LFP considère que le virus est « circulant » dans un club. Et donc qu’il faut reporter le match de l’équipe en question.
Pour l’instant, seul ce qui devait être le match d’ouverture de la première journée est officiellement décalé. Mais cela ne devrait certainement pas être le dernier. Mardi, le coach stéphanois Claude Puel se disait sur France Info « très pessimiste quant à la tenue du championnat ». « Il n’y aura pas de dates pour reporter systématiquement les matchs et très vite, on se retrouve dans le mur », craint-il. L’entraîneur du Losc, Christophe Galtier, ne dit pas autre chose : « On parle beaucoup des reports en interne. C’est un mauvais signal que l’on envoie dès la première journée. On a été une des rares ligues à arrêter le championnat et quand on redémarre, il y a déjà des matchs reportés. Le calendrier est très compact et ça va avoir des incidences sur la forme des effectifs ».
« Ça va être un casse-tête pour recaler les matchs dans le calendrier »
Contacté par 20 Minutes, Olivier Guégan, l’entraîneur de Valenciennes (Ligue 2), rejoint ses homologues de l’élite : « Je ne pense pas que reporter les matchs soit la meilleure solution, parce que ça peut fausser la donne. Tout le monde ne jouera pas les mêmes matchs en même temps, note-t-il. Ça va être le flou artistique et un gros casse-tête pour recaler les matchs dans un calendrier déjà très serré. Par exemple, 15 matchs sont déjà prévus sur décembre-janvier. Si l’épidémie repart fort, ça risque d’être vraiment compliqué. »
Les trois techniciens jugent le protocole prévu par la Ligue trop drastique. « Il y a une vraie réflexion pour savoir si ce sont les bonnes préconisations, estime Puel. On aurait pu très bien penser que tous les joueurs négatifs de Marseille puissent être disponibles et mettre en quarantaine ceux qui ont été testés positifs. »
Alors, le protocole de la Ligue va-t-il avoir raison de la « saison d’après » en Ligue 1 et en Ligue 2 avant même qu’elles ne commencent ? Il y a quand même des inévitables exigences de prévention sanitaire à respecter. « A partir du moment où on est à quatre joueurs, les spécialistes infectiologues estiment que l’on est sur un virus qu’on a du mal à tenir correctement. Cela veut aussi dire qu’on a de grandes chances d’être à six, huit ou dix cas dans quelques jours. C’est le problème du virus circulant. La commission se doit d’interdire que le match se déroule », a défendu mercredi Emmanuel Orhant, directeur médical de la FFF et membre de la Commission Covid, auprès de RMC Sport.
Le président de la commission Covid « n’a pas d’états d’âme »
Dans l’Equipe, le docteur Jean-François Le Chapellier, président de la fameuse commission défend aussi son bout de gras en rappelant que le protocole a d’abord été imaginé pour protéger la santé des joueurs : « On n’a pas à avoir d’états d’âme. J’ai lu des choses sur les joueurs asymptomatiques, mais ce qu’on sait en médecine, c’est qu’ils peuvent avoir des pathologies cardiaques ». Une précision utile quand on regarde du côté du top 14, où le Stade Français a par exemple annoncé que plusieurs de ses joueurs souffraient de lésions pulmonaires les empêchant de reprendre l’entraînement. Surtout, le protocole de reprise a été élaboré en collaboration avec les médecins de club, même si certains le trouvent trop exigeant.
« « C’est une vraie usine à gaz, souffle un responsable du secteur médical d’un gros club de L1. Ce n’est pas impossible à mettre en place mais c’est beaucoup de contraintes. Il y a les tests 48h avant et surtout ce questionnaire à remplir pour les joueurs et le staff le jour du match. C’est une dizaine de questions: avez-vous de la fièvre, avez-vous été en contact avec un cas ces derniers jours… Le problème, par exemple, c’est qu’un joueur peut très bien avoir de la fièvre le jour du match car il a une petite gastro ou une angine… On fait comment dans ce cas-là ? Et surtout c’est un peu bidon car c’est fait par le médecin du club ou en interne, chacun peut dire ce qu’il veut ». »
Vers un assouplissement du protocole sans franchir la ligne rouge des 4 cas positifs
Ainsi, la veille du match, une fois les résultats des tests PCR connus, et les questionnaires remplis, le référent Covid du club établit un certificat « de bonne foi » pour dire que rien ne s’oppose à la tenue du match. Selon nos informations, plusieurs points de friction ont été remontés au bureau fédéral, et le protocole sanitaire pourrait encore être assoupli dans les prochains jours. Mais la commission médicale de la LFP ne lâchera pas sur sa ligne rouge : à quatre cas de Covid-19 dans l’équipe, on arrête. « Pour moi, c’est une norme qui tient la route, concède Olivier Guégan. Imaginons que ce soit quatre titulaires qui soient concernés, ce n’est pas rien. Il fallait bien mettre des règles en place. On a beau discuter, ne pas être d’accord, on doit s’adapter ».
Emmanuel Orhant ajoute que c’est aux joueurs de se prendre en main : « Un entraînement, c’est trois heures dans une journée. Un joueur est donc 21 heures à côté à gérer sa vie. Il faut que tout le monde comprenne que toutes les personnes qui gravitent autour des joueurs doivent être irréprochables. La distanciation sociale, le port du masque doivent permettre de faire évoluer la courbe vers le bas. N’oublions pas que si la courbe évolue vers le haut, ce seront des villes entières qui seront confinées, et on ne parlera plus de trois ou quatre cas mais de plusieurs semaines sans match. »
« Les personnes qui gravitent autour des joueurs doivent être irréprochables »
Plusieurs acteurs de L1 souhaiteraient toutefois que les consignes sanitaires du championnat de France se rapprochent de celles édictées par l’UEFA, beaucoup plus laxistes. Sur le papier, il suffit qu’il reste 13 joueurs négatifs au Covid-19 pour que le match puisse se disputer, l’objectif étant de jouer coûte que coûte, même en alignant l’équipe réserve. Un volontarisme qui ressemble à une grosse ficelle de com'.
D’abord parce que l’institution européenne doit se conformer aux normes sanitaires des pays qui accueillent les rencontres, ensuite, parce qu’elle a déjà fait une entorse à ses propres règles : la semaine passée, l’équipe kosovarde de Drita, qui devait affronter les Irlandais de Linfield en tour préliminaire de la Ligue des champions à Nyon, en Suisse, a perdu le match sur tapis vert… à cause de deux cas positifs. Une mésaventure qui pend au nez à un autre club du Kosovo, le FC Pristina, dont le match a été dans un premier temps reporté mercredi soir par l’UEFA après la découverte de huit cas positifs.
Le protocole de l’UEFA pas vraiment exemplaire
C’est un de plus que Montpellier, où Andy Delort est venu rejoindre la cohorte de joueurs testés positifs depuis le mois de mars (Sambia, Oyongo, Mollet, Tamas, Vargas). Les Héraultais peuvent d’ailleurs remercier les Lyonnais d’avoir poussé jusqu’en demi-finales de Ligue des champions. Sans quoi cela aurait fait un deuxième match reporté dès la première journée, en attendant de savoir ce qu’il adviendra de Nîmes-Brest. Aux dernières nouvelles, on comptait déjà quatre dépistages positifs dans l’effectif gardois.