Ligue des champions : Comment Bruno Guimaraes a retourné l’OL avant la Juventus
FOOTBALL•Tout juste débarqué du Brésil, le milieu de terrain avait transformé l’équipe lyonnaise avant le match aller face à la Juve, obligée de remonter un but de retard vendredi, six mois plus tardJulien Laloye
Un bonbon vidéo parmi d’autres qui a égayé notre confinement, un jour où il a fallu éprouver le temps dans toute sa langueur plus encore que d’habitude. Une minute et 20 secondes de Bruno Guimaraes qui donne de l’amour au Parc OL face à la Juventus, coup du sombrero délicieux sur Juan Cuadrado inclus. Premier match en C1 et déjà une compilation de la part de l’UEFA, donc. Le tout précisément 15 jours après son premier entraînement avec Lyon. De mémoire de suiveur, rarement vu un joueur changer à ce point le visage d’une équipe en si peu de temps, surtout quand l’équipe en question joue au cécifoot un week-end sur deux malgré l’addition supposée de talents individuels.
La promesse de Juninho, le scepticisme de Garcia
Rewind. Bruno G débarque à Lyon le 12 février après une négociation de forcenés signée Juninho, qui s’est essuyé les pieds sur l’Atletico Madrid au passage. Promesse du directeur sportif lyonnais pour boucler le deal ? « Une place de titulaire contre la Juventus en Ligue des champions, une compétition que Bruno a toujours rêvé de disputer », confirme son agent Alexis Malavolta. Promesse qui n’engage que Juni, soit dit au passage, puisque même si le président Aulas a invité son ancien chasseur de coup-francs à mettre son nez dans les affaires de l’entraîneur au moment de son arrivée, c’est encore Rudi Garcia qui décide qui il aligne à côté de son gars sûr Lucas Tousart au milieu de terrain. Or, c’est peu de dire que l’entraîneur lyonnais, occupé à enchaîner les matchs toutes les trois heures, ne manifeste pas un enthousiasme débordant à l’égard de sa nouvelle recrue.
« On verra quand il jouera. J’ai besoin de savoir s’il peut comprendre ce que requiert le rôle de milieu de terrain, par des vidéos, par ses entraînements, par des discussions avec lui. Le championnat brésilien n’est pas le championnat de France. » Paye ta déclaration d’amour le jour de la Saint-Valentin. Le joueur a belle réputation, encore heureux, mais Roudi rafraîchit une assistance qui souffre d’une idée un peu trop noble du football, au regard de ce qu’est capable de proposer l’OL au cœur de l’hiver. Pas de Bruno G contre Strasbourg, donc, pour un match nul aussi oubliable que les précédents.
« Il faut lui expliquer la L1 et le jeu de l’équipe »
Ensuite ? Ensuite, c’est le redoutable FC Metz, avant la réception de la Juve. Rudi Garcia se montre un peu plus chaud sur son Brésilien, mais pas de quoi enlever la doudoune non plus. « On le verra incessamment sous peu. Il est fort techniquement, dans le jeu court, à une touche. Mais il faut lui expliquer la Ligue 1 et le jeu de l’équipe, notamment dans l’aspect défensif. Je lui ai montré en vidéo le rôle que j’attendais d’un milieu de terrain. Les supporters et le staff ont beaucoup d’attentes quand une recrue arrive. Mais c’est toujours particulier pour un mercato hivernal. Il n’y a pas de vérité sur l’adaptation. Il faut de la patience. » Pourtant, en interne, le degré de compréhension du jeu de Guimaraes après seulement quelques entraînements avec le groupe impressionne ses équipiers.
« Dès son arrivée, tout s’est passé très naturellement, insiste-t-on dans son entourage. Bruno fonctionne par défis et sa volonté de réussir en Europe est très importante. Il est arrivé à Lyon avec l’ambition de profiter de chaque opportunité. » La récompense intervient à Metz, dans un 3-4-3 inédit que Garcia explique après coup avoir mis en place pour mettre Bruno G le plus à l’aise possible « avec beaucoup de soutien derrière lui », signe qu’il n’est pas encore tout à fait conquis. D’ailleurs, l’ancien coach de la Roma hésite longuement avant de le lancer d’entrée face à la Juventus. Lors de la dernière mise en place, il échange même sa chasuble avec Tiago Mendes, censé faire le boulot pour lequel Bruno Guimaraes a été recruté, à savoir donner enfin une structure cohérente à une équipe souvent désarticulée sur le terrain.
Sûr de lui la veille de la rencontre
Néanmoins, l’ancien patron de l’Atletico Paranaense ne doute pas un seul instant de sa titularisation contre les Italiens. « La veille du match, il était très calme », souffle Alexis Malavolta. Comme s’il savait déjà qu’il allait conquérir l’Europe en un soir. Le lendemain, les suiveurs sont estomaqués : 12,5 kilomètres parcourus, 68 ballons touchés, 7 duels gagnés, 96,4 % de passes réussies, Bruno G a fait joujou avec le trio Pjanic-Rabiot-Betancur choisi par Maurizio Sarri. Si critiqué depuis son retour à la maison, Juninho boit du petit lait :
« « C’est un jeune qui est très bien formé, ce qui est rare au Brésil. Il a beaucoup d’humilité, il a toujours envie d’apprendre. Il a la capacité de voir des situations avant les autres. Quand je suis arrivé à Lyon, j’ai parlé de ce poste devant la défense qui est très important pour équilibrer l’équipe et donner du rythme. Bruno a toutes les qualités pour devenir un grand joueur. Deux membres de l’équipe nationale étaient là pour le voir et je pense qu’il sera vite appelé pour la première fois avec la Seleçao. » »
La convocation du mois de mars n’est que partie remise. Six mois plus tard, les bonnes vibes sont toujours là. Bruno G n’a jamais joué que cinq matchs avec l’OL, il a déjà eu droit à un traitement spécial des Lillois l’hiver dernier, et c’est lui qui s’est souvent chargé de charcuter Neymar au milieu de ses folles entreprises en finale de la Coupe de la Ligue, tel un Casemiro des grands jours. Marcelo Dijan dans le JDD : « En tant que directeur sportif à Cruzeiro, je l’ai affronté plusieurs fois et c’était le patron malgré son jeune âge, il initiait toutes les bonnes actions. C’est comme si l’OL avait recruté un Juninho 2.0. Les deux se ressemblent. Ils sont à la fois bien entourés et bien éduqués, et sur le terrain ils ont aussi la même technique et la même vision. »
« On peut gagner la Ligue des champions, j’ai confiance »
Tout juste. On est d’ailleurs tombés de notre chaise quand on a entendu le garçon répondre à un confrère dans un français impeccable quand Neymar ne sait toujours pas dire bonjour et au revoir. « On a pris des cours avec une prof brésilienne via Skype tous les jours pendant le confinement, plaisante son agent. Pour Bruno, cela fait partie de son travail pour avoir une communication fluide avec tous les membres du club. Vous savez, c’est un athlète très professionnel, qui fait très attention à lui aussi en dehors du terrain. Sa volonté de réussir sa carrière est assez incroyable. »
Trois matchs lui ont suffi par exemple pour comprendre qu’il lui faudrait prendre du muscle pour tenir le choc toute une saison de L1. « J’ai fait des tests de force, de masse grasse, j’ai pas mal évolué depuis février, je devais travailler là-dessus », précise le bougre dans l’Equipe, sa première grande interview dans un média français parue cette semaine.
Interview intéressante, par ailleurs. L’ambition du joueur y transpire avant de retrouver la Juventus. « On peut gagner la Ligue des champions, j’ai confiance. Notre force collective est très bonne, on peut réussir de grandes choses. Je ne pense qu’à écrire l’histoire et à être l’un des premiers jours à gagner la Ligue des champions avec Lyon, je ne veux penser qu’à ça. » Couillu quand on connaît le tableau de l’OL même en cas de qualif’ vendredi à Turin ? A dire vrai, les facultés d’adaptation ont de Guimaraes ont tellement surpris même à Lyon, qu’on se demande combien de temps le prodige va mettre à aller voir ailleurs.
Pas de départ dans l’immédiat
Lui assure qu’il est bien là où il est – « Toutes les promesses de Juninho se sont réalisées, c’est pour ça que tout se passe bien ici », assure son agent - mais les supporters lyonnais ne font pas de l’eczéma pour rien : Aouar et Depay sont annoncés partants quasi-sûrs sauf exploit intergalactique en C1, et cela risque de faire tout drôle à Bruno G à l’automne, quand il faudra donner des galettes à Traoré et Kadewere. D’ici là on a le droit de rêver, bien sûr.