Premier League : « Une malédiction »… Le coronavirus a fait planer sur Liverpool l’ombre de la lose éternelle
FOOTBALL•Les Reds ont eu peur que le coronavirus vienne gâcher leur saison de rêveWilliam Pereira
L'essentiel
- La Premier League reprend ses droits mercredi.
- Largement en tête, Liverpool va pouvoir terminer sereinement sa marche vers le titre.
- La rumeur d'une annulation avait fait son trou en Angleterre après l'interruption pour cause de coronavirus, laissant planer sur Anfield le spectre de la lose éternelle.
La vie d’un supporter de Liverpool est un curieux paradoxe. Prenez d’abord l’historique européen des Reds depuis le début du siècle : une victoire en Coupe de l’UEFA en 2001, une Ligue des champions en 2005 après une finale dingue et une autre en 2019 après une remontada à Anfield contre le Barça, chaque sacre étant empreint d’interventions divines. Même constat en Premier League, mais dans l’autre sens. Ces 30 dernières années, les Scousers ont joué de poisse à plusieurs reprises alors qu’un 19e titre national leur tendait les bras, même si l’histoire retient surtout 2014 comme chef-d’œuvre ultime de lose. Un coup en deux bandes à trois journées de la fin. Les Reds dilapident d’abord leur avance sur Manchester City en glissant devant Chelsea à Anfield puis se sabordent en concédant un nul à Crystal Palace alors qu’ils mènent 3-0 à la 78e.
« Le jour de la glissade de Steven [Gerrard] j’étais devant l’écran quand c’était arrivé, se souvient Gérgory Vignal, passé par Liverpool début 2000. Le connaissant [les deux hommes sont aujourd’hui aux Glasgow Rangers] ça a dû être terrible pour lui. Il a porté le club sur ses épaules toutes ces années et ce jour-là, il glisse. C’est le football, on peut pas l’expliquer, ça échappe à la logique. Pourquoi Demba Ba intercepte le ballon et s’en va seul au but ? C’est comme ça. Peut-être qu’il gagnera un jour la Premier League avec Liverpool en tant que manager. »
« Meilleur deuxième de l’histoire, on s’en fout »
Cette mésaventure aura au moins servi de leçon aux supporters du club, qui avaient accueilli les joueurs à coups de « on va gagner le championnat » avant que les Blues de Mourinho n’activent la clim’. Babacar Sall, éminent supporter des Reds sur les réseaux :
« « Clairement, quand t’es supporter des Reds tu sais que c’est jamais terminé avant la fin. En 2014 c’est Chelsea et Palace, mais il faut aussi rappeler que l’année dernière tu fais deuxième avec 97 points parce que t’as un ovni à côté. On nous a dit qu’on est le meilleur deuxième de l’histoire, mais on s’en fout. Tant qu’il y a pas écrit ‘’champion’’, on s’en fout. On ne se souvient pas de ceux qui terminent deuxièmes. On se souviendra de City champion en 2019, pas des Reds. » »
Reconnaissons d’ailleurs à Jurgen Klopp d’avoir réussi à convaincre ses hommes qu’ils étaient capable de faire mieux qu’une saison quasi-parfaite pour écraser la concurrence dès le mois d’août. « J’ai pas le souvenir d’une équipe aussi dominante. Même Arsenal, l’année des invincibles, faisaient beaucoup de matchs nuls. Mais là, un seul nul et une défaite, 25 points d’avance sur le deuxième, c’est énorme. Il y aura sûrement un record à la clé », s’émerveille Darren Tullet, qui retrouvera le foot anglais ce week-end sur beIN Sports avec le Championship.
« Si le championnat avait été annulé, il y aurait eu des manifs »
Il y aurait pu ne pas en avoir. Ni record, ni titre. Rien. Quand ce n’est pas la pelouse qui glisse ou les jambes qui tremblent, c’est la fin du monde en personne qui vient narguer Liverpool. Le 9 mars, après un récital de Leicester contre Aston Villa (4-0), la Premier League ferme ses portes pour cause de coronavirus. Le Royaume s’interroge d’abord sur son propre sort, sur celui de Boris Johnson, et, une fois que tout ça s’est un peu calmé, sur celui de son championnat. L’hypothèse d’une fin de saison prématurée et, pire, celle d’une saison nulle font leur chemin alors que les champions d’Europe ne sont qu’à six longueurs du tant attendu 19e titre. Ce qui fera dire à Arsène Wenger dans un élan de mansuétude que « quelle que soit la décision de l’Angleterre, Liverpool sera champion dans l’esprit de chacun ».
Visiblement, ça fait une belle jambe à notre supporter : « même si dans l’idée les gens nous avaient reconnus comme les meilleurs, je me disais qu’il manquerait forcément un truc. Il n’y aurait écrit nulle part’’ Liverpool champion’’. Et si t’es pas champion là, franchement, tu peux plus l’être après. Tu te dis que c’est une malédiction, parce que des saisons comme celle de l’année dernière et cette année tu ne les referas pas. » « C’aurait été de trop pour les fans des Reds, renchérit Darren Tulett. Il y aurait eu des manifs partout dans le monde pour protester contre l’annulation. Parce que Liverpool a des supporters partout dans le monde. J’ai des amis fans des Reds à l’Ile Maurice qui me disaient : ‘’Darren, c’est pas possible, ils peuvent pas nous faire ça !’’»
Une fête folle, mais quand ?
Juin. L’orage est passé et la Premier League s’apprête à reprendre à huis clos. Liverpool va renfiler le bleu de chauffe chez le rival d’Everton, le titre arrivera bien assez vite pour peu que le dauphin City – qui joue ce mercredi soir contre Arsenal – y perde en plus quelques plumes. Mais la fête devra attendre, circonstances sanitaires obligent. Babacar Sall : « Comme l’a dit Klopp, si on veut fêter le titre l’année prochaine à la 13e journée, personne ne nous en empêchera. Moi, j’avais déjà pris en février mon billet d’avion pour mai à Liverpool. C’était évident qu’on allait fêter ça pendant quatre jours, donc j’ai pris un billet de samedi à mardi. En termes de festivités ça aurait été deux fois plus grand que pour la victoire en Ligue des champions, c’est clair. »
Grégory Vignal voit aussi les choses en grand. « Les célébrations seront magnifiques. J’ai le souvenir de notre victoire en Supercup en 2001. Je m’étais retrouvé dans le bus, j’avais seulement 21 ans c’était la première fois que je vivais ça. Il y avait tellement de monde que je me demandais où j’étais. C’était déjà un moment incroyable, alors là ce titre, ça va être magique. » Pour peu que le prochain n’arrive que dans 30 ans, ça serait bête de ne pas le fêter en bonne et due forme.