« Cela semble possible », pourra-t-on remplir les stades de public pour la reprise du foot en France ?
FOOTBALL•Les clubs et le gouvernement préparent l’option de recevoir plus de 5.000 supporters au moment de la reprise du footNicolas Camus, avec W.P.
L'essentiel
- Seul « grand » pays européen à avoir annoncé l’arrêt définitif de sa saison, la France entend revenir fort. C’est-à-dire avec des supporters dans les stades, et bien au-delà de la jauge des 5.000 personnes qui prévaut actuellement.
- Noël Le Graët ne s’est lui pas trop embarrassé avec les précautions d’usage, disant ouvertement espérer un Stade de France rempli à ras bord pour les finales de Coupe de France et de Coupe de la Ligue.
- L’une des pistes envisagées est de définir une jauge d’accueil au cas par cas, selon la taille du stade et le plan proposé par le club, en accord avec sa ville.
Il y a quelques semaines encore, le simple fait de poser la question semblait une parfaite incongruité. « Je déteste dire que je suis sûr à 100 %, mais j’en suis plus proche que jamais sur le fait qu’on ne pourra pas remplir les stades tant qu’on n’aura pas de vaccin », déclarait courant avril au Times Zach Binney, épidémiologiste à l’Université d’Emory, aux Etats-Unis. Ce qui nous amenait à début 2021, au mieux. Il était loin d’être le seul à le penser. On ne savait même pas quand on pourrait revoir du sport, alors du public… Et puis la propagation du coronavirus a ralenti, ouvrant le champ, comme l’avait dit le Premier ministre Edouard Philippe lors de son discours du 28 mai, vers un retour à « une vie presque normale ». Et donc pour ce qui nous concerne à un match de foot avec du public.
Seul « grand » pays européen à avoir annoncé l’arrêt définitif de sa saison, la France, qui reprendra avec la finale de la Coupe de la Ligue PSG-OL fin juillet ou début août, entend revenir fort. C’est-à-dire avec des supporters dans les stades, et bien au-delà de la jauge des 5.000 personnes qui prévaut actuellement. « Nous allons évidemment travailler pour que, si la doctrine sanitaire le permet, la jauge puisse augmenter », a fait savoir lundi la ministre des Sports Roxana Maracineanu.
La donne a donc changé très rapidement. Edouard Philippe ne disait-il pas aussi, fin mai, que les grands rassemblements restaient « notre plus grand adversaire » ? Mais Maracineanu se montre volontiers engagée sur le sujet. Peut-être pour montrer que ses propos d’avril sur le sport qui ne sera « pas prioritaire dans les décisions prises par le gouvernement », mal perçus par beaucoup, appartiennent au passé. Peut-être aussi (et surtout ?) pour signifier à tout le monde qu’il est temps d’avancer, après toutes les polémiques qui n’ont pas grandi le foot français et ses dirigeants.
Plus facile dans les grands stades
Noël Le Graët ne s’est lui pas trop embarrassé avec les précautions d’usage, disant ouvertement espérer un Stade de France rempli à ras bord pour les finales de Coupe de France et de Coupe de la Ligue. « Je vais être excessif… Cela me semble possible », a-t-il lâché au Figaro mardi. Vraiment ? On n’en est pas encore là, évidemment. « Il pousse la balle un peu plus loin, c’est bien, mais ça ne veut pas dire que ça sera ça », précise-t-on au ministère des Sports.
Déjà, beaucoup de choses dépendront des annonces du Premier ministre pour la phase 3 du déconfinement, le 22 juin. Edouard Philippe dira, selon les données sanitaires dont il dispose, si les acteurs du foot peuvent pousser plus loin la réflexion. En attendant, Roxana Maracineanu a envoyé un courrier à la FFF et à la LFP (comme aux autres Fédérations et Ligues) pour leur demander de formuler des propositions sur la manière dont le retour du public pourrait être mis en place, avec quelles modalités et quel protocole sanitaire.
« Il s’agit surtout, pour nous, de la manière dont les supporters se rendent au stade, avec quels moyens de transport. C’est pour ça qu’on tient à responsabiliser les acteurs d’événements aussi bien que les spectateurs pour proposer un protocole qui permet d’assurer tout le monde », a expliqué la ministre en début de semaine.
Le processus est engagé depuis de nombreuses semaines, en réalité. « Ça fait un moment qu’on essaye de travailler avec mes confrères des autres clubs pour répondre à tout un tas de questions d’ordre logistique et sanitaires et convaincre le gouvernement, confie à 20 Minutes Xavier Perrot, stadium manager de l’Olympique Lyonnais. On sait par exemple que ce sera plus facile de gérer un certain afflux pour les stades plus grands que les petites enceintes, pareil pour les stades disposant de plus de portes d’accès. On essaye de s’accorder avec les autres clubs mais on sait que ça dépendra aussi des préfectures. »
C’est donc au niveau local que la réflexion est lancée. L’une des pistes envisagées est de définir une jauge d’accueil au cas par cas, selon la taille du stade et le plan proposé par le club, en accord avec sa ville. Toutes les options sont sur la table, de toute façon. Le ministère veut couvrir tous les angles.
Galop d’essai à Lyon en juillet ?
Les principaux intéressés ne sont pas oubliés. Lundi, Roxana Maracineanu a organisé une réunion en visio avec des représentants de l’Association Nationale des Supporters (ANS). Ce que ces derniers apprécient. « On n’est pas mis de côté dans les discussions, on nous demande notre avis sur la manière dont les supporters pourraient revenir. C’était l’une de nos demandes, et c’est un bon point », note Kilian, qui en était.
Un groupe de travail va être mis en place au sein de l’ANS pour développer les différentes pistes proposées. « L’annonce de la phase 3 conditionnera la direction dans laquelle iront nos travaux », précise Kilian. En tout cas, pas question de voir en France des ambiances créées de toutes pièces, comme on peut le voir depuis la reprise en Allemagne et en Espagne. « Notre position est claire, on est complètement contre tout ce qui est artificiel », assène-t-il au nom de l’association. Ça tombe bien, ce n’est pas dans les projets du ministère.
Un galop d’essai pourrait être organisé à Lyon, à l’occasion des deux tournois amicaux annoncés mercredi par Jean-Michel Aulas. Le premier, avec des équipes masculines (dont le PSG ?) aura probablement lieu entre le 13 et le 18 juillet. « Notre volonté est de montrer que c’est possible d’accueillir du public, confirme Xavier Perrot. Nous n’avons qu’une envie à Lyon, c’est d’avoir du public, de retrouver de la ferveur pour ce début de saison. Mais il ne faut pas se relâcher, le port des masques va certainement perdurer, par exemple. »
Si l’épidémie est sous contrôle, le virus est toujours présent. Santé Publique France a détecté 3.520 nouveaux cas la semaine passée, sur 236.000 tests pratiqués. « On sera de l’autre côté de la vague quand on aura moins de 100 nouveaux cas quotidiens, a expliqué l’épidémiologiste Antoine Flahault, directeur de l'Institut de santé globale à Genève, au JDD. La veille sanitaire n’en capte environ qu’un sur dix. Il est donc encore trop tôt pour lever tous les freins. »
Le foot, comme toutes les composantes de la société, d’ailleurs, a deux échéances cruciales devant lui : la déclaration d’Edouard Philippe dans dix jours et la fin de l’état d’urgence sanitaire, le 10 juillet. La tendance est à l’optimisme, mais il va tout de même falloir convaincre le gros de la population que ce retour à grande échelle se fera sous contrôle.
Tout le monde a en tête le rôle joué dans la propagation de l’épidémie par le 8e de finale aller de la Ligue des champions entre l’Atalanta et Valence, disputé à Milan le 19 février dernier. Un match qualifié rétrospectivement de « bombe biologique » par l'immunologue italien Francesco Le Floche dans le Corriere della Serra. « Il est possible que la jauge reste à 5.000 tout juillet et tout août. Il ne faut pas écarter cette possibilité », prévient-on au ministère des Sports. On n’aurait pas cru dire ça il y a un mois, mais franchement, on ne pourrait pas s’empêcher d’être un peu déçu.