FOOTBALLComment la France prépare cet étrange mercato sans queue ni tête

Coronavirus : Comment la France prépare cet étrange mercato sans queue ni tête

FOOTBALLAlors que les grands championnats songent à reprendre, la France pense mercato dans un contexte assez bizarre
William Pereira

William Pereira

L'essentiel

  • La saison de football est terminée en France
  • Les clubs de Ligue 1 commencent à basculer dans la période du mercato dans un contexte étrange
  • Les acteurs du foot français craignent un décalage avec les autres championnats européens dont certains ont repris ou vont reprendre

Le calendrier sportif est en panne, vous n’avez aucune idée des dates du prochain mercato ni de l’état des finances de votre club préféré ? Les rumeurs, cette Pythie du football contemporain, sont là pour vous guider. Dernier exemple en date avec Wanda Icardi : l’agent et compagne de Mauro a posté un message énigmatique sur Insta, laissant planer le doute sur l’avenir de l’attaquant prêté à Paris par l’Inter. « J’ai fait du bon travail… J’attends maintenant de bonnes nouvelles. Du haut niveau à venir bientôt. »

D’aucuns y voient un nouveau départ de l’Argentin loin du Parc, nous nous contenterons d’observer une actrice du marché bouger un pion dans ce grand jeu des transferts qui a déjà commencé en coulisses dans nos contrées. « Depuis l’annonce de la fin du championnat, les discussions avec les clubs ont commencé, nous confie l’agent Yvan Le Mée. Il y a beaucoup d’échanges, on ne signe pas forcément mais on a des vraies discussions avec des clubs. On bosse beaucoup. »

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L’étranger n’a pas la tête à parler transferts

Il n’empêche que la marge de manœuvre est pour le moment limitée tant par des questions de trésorerie que de mondes parallèles. Le Mée, toujours : « je suis actif sur le marché italien, mais les Italiens ne savent pas s’ils reprennent ou pas. Du coup, ils disent ne pas pouvoir parler de mercato » et les offres tombent dans l’oreille de sourds. Constat partagé au Stade brestois​, où le directeur sportif Grégory Lorenzi a du mal à attirer l’attention hors de nos frontières. « Le plus problématique, c’est ça. J’ai soumis des offres à des clubs à l’étranger dont les championnats ne sont pas encore terminés. Et le constat c’est que les clubs sont plus motivés à l’idée de statuer sur la fin de leurs championnats qu’à négocier pour des joueurs. »

Et voilà comment le deuxième pays exportateur de footballeurs dans le monde – pardon pour la déshumanisation – se retrouve renfermé sur lui-même, à s’occuper de prolongations de contrats, signer des joueurs libres et plus largement faire ses courses sur le marché national. « Il peut y avoir un marché local, souligne Le Mée, mais les clubs sont habitués à faire un ou deux deals avec des Espagnols, des Anglais, etc. Et là, ils ne peuvent pas le faire. » Ils pourront le faire plus tard. Trop tard ? Le président du syndicat Première Ligue, Bernard Caïazzo, suggérait il y a deux semaines de repousser le mercato français afin d’éviter toute dissonance avec l’Angleterre, l’Espagne, l’Italie et l’Allemagne.

« « Tout dépendra des autres championnats. S’ils se terminent plus tard que prévu, il faudra décaler notre mercato pour s’adapter. […] C’est le conseil d’administration de la Ligue qui décide des dates du mercato. Nous sommes un pays vendeur, on doit se caler sur les pays acheteurs. Donc on ne peut terminer ni avant ni après ces championnats. Dans les autres championnats, ça pourrait se terminer le 2 octobre. On ne pourra pas démarrer le 9 juin [date prévue d’ouverture du mercato] car la Fifa limite à 12 semaines consécutives [la fenêtre des transferts]. » »

Concrètement, avec une reprise de la Ligue 1 le 23 août, les acteurs du football français peuvent craindre d’être pillés par leurs voisins dans une période où ils ne pourront plus répondre sur le marché, notamment dans le cas où les championnats rivaux ne reprendraient qu’au mois d’octobre. « Et encore, là on parle que de l’Europe, insiste Yvan Le Mée. Mais les marchés chinois, du golfe… ça va être compliqué. Où alors la Fifa décide d’ouvrir les vannes, que le marché ouvre le 1er juillet ou le 1er août jusqu’au mois décembre et ça part dans tous les sens. Dans les deux cas on sera confrontés à quelque chose d’inhabituel. »

La crise, mais pas trop

Que les clubs français soient dans la position d’acheteurs avant de vendre est en soi quelque chose d’un peu inédit. Et la situation peut s’avérer d’autant plus difficile à gérer que la crise prive déjà beaucoup d’équipes de liquidités. « Il va falloir opter pour des achats par anticipation, suggère l’agent. En France, on n’est pas trop fan de ça, on préfère attendre de voir si des joueurs partent avant d’aller en chercher d’autres. C’est une prise de risque. Les dirigeants vont devoir faire preuve de courage. »

Pandémie ou pas, certains auront néanmoins le luxe de ne pas être confrontés à cet extrême. C’est le cas de Paris, évidemment, mais aussi l’OGC Nice, passé sous le pavillon d’Ineos, Rennes, qui goûte aux joies de la Ligue des champions, Angers, qui réalise le plus gros achat de son histoire avec Paul Bernardoni (7,5 millions d’euros + bonus) et… Brest. « Honnêtement je ne ressens pas du tout la crise sur l’enveloppe des transferts. On avait réussi à se dégager une enveloppe en cas de maintien en L1. Après on réadaptera, si on peut augmenter on le fera, c’est une possibilité », se réjouit Lorenzi, lequel soupçonne la concurrence de bluffer en plaidant le manque de fonds. « Là, si je fais une offre intéressante à une autre équipe pour un joueur, il se peut qu’on me la refuse sous prétexte d’un manque de trésorerie. En réalité, les clubs vont vouloir attendre la fin des autres championnats pour faire jouer la concurrence et en tirer le meilleur prix. » Entre les rumeurs des uns et les mind-games des autres, ce mercato de l’apocalypse ressemble quand même beaucoup aux précédents. « Le téléphone chauffe autant qu’avant, sourit le dirigeant brestois. Si ce n’est plus. En fait, c’est un mercato encore plus long, qui a quasiment commencé un mois plus tôt que d’habitude ». Reste à savoir jusqu’où il nous amènera.