« On va s’adapter »… Le calendrier de l’UCI n’effraie pas du côté de la Groupama-FDJ
INTERVIEW•Le directeur sportif de Groupama-FDJ se dit prêt à relever le défi du nouveau calendrier World TourPropos recueillis par William Pereira
Une promenade à pied en solitaire début mai, voilà bien longtemps que Franck Pineau n’en avait plus fait. A cette époque de l’année et depuis 20 ans, on le retrouve normalement dans les voitures de la Groupama-FDJ, à sillonner les routes du World Tour derrière le peloton. Manque de pot, 2020 avait des projets casaniers pour l’humanité et il a fallu revoir sa copie. Le directeur sportif a su s’en accommoder. Il en retient même du positif. « Avec ma femme, on sait maintenant qu’on ne se tapera pas dessus quand je prendrai ma retraite », plaisante-t-il. Malgré tout l’optimisme du monde, il n’empêche que le temps sans vélo commence à être long. Pour Pineau et pour les coureurs. « C’est des pur-sang, pour les tenir sur des home-trainers c’est pas facile. On est en contact avec eux chaque semaine, on a tous les mecs. On les a même plus eus que d’habitude, parce que les temps sont durs. »
Fort heureusement – restons néanmoins prudents – il semblerait que l’on aperçoive la lumière au bout de cet interminable tunnel. Déconfinement et donc sorties individuelles à vélo dès le 11 mai, possiblement en groupe à partir de juin et un nouveau but depuis mardi après-midi : être prêt pour la reprise de la saison le 1er août, comme prévu par le calendrier World Tour revisité par l’UCI, genre de mille-feuilles de vélo : une couche de Giro sur un lit de Vuelta et un nappage de classiques, bonjour la boulimie. Pas de quoi effrayer pour autant le DS de la Groupama-FDJ qui voit là un nouveau défi.
Que penser de ce calendrier World Tour très condensé ?
On est content que ça reprenne, on aurait pu ne pas avoir de Tour de France ni de fin de saison. Economiquement dans notre métier ç’aurait été une catastrophe. Il faut donc s’en réjouir avant tout. Concernant le calendrier, on va s’adapter. D’ailleurs, on a déjà commencé à s’adapter, comme tous les Français : on s’est confinés, on a essayé de sauver ce qui était sauvable. Les gars ont pu faire du home-trainer et s’entraîner, à partir du 11 ils pourront ressortir.
Comment vous voyez cette suite et fin de saison pour votre équipe ?
On va faire les grands tours, c’est une obligation. Et le calendrier français, on se doit de le faire. Ça serait super-malvenu de notre part de ne pas faire les courses françaises, par patriotisme, et aussi parce que notre manager [Marc Madiot] est président de la Ligue nationale de cyclisme. Il va falloir faire des choix, mais on a toujours travaillé sur deux trois fronts, on sait le faire. Les courses de renom comme Paris-Roubaix, les grands monuments aussi, tout ça, on y sera.
Ça ne va quand même pas poser problème, ce rapprochement dans le temps ? Ne serait-ce que pour dispatcher vos coureurs sur différents fronts…
On a 28 coureurs et on a la chance d’avoir une équipe continentale. On a un réservoir de 28 coureurs + 12, on a mis beaucoup d’années à le mettre en place, on va pouvoir s’en servir. On a un petit coup d’avance sur d’autres équipes en alignant ces coureurs de continental, mais au fond je pense que ce calendrier est gérable pour toutes les équipes. En temps normal on fait déjà des choix. Il ne faut pas oublier que s’aligner sur une course c’est envoyer des coureurs mais aussi le personnel, le staff, les véhicules. Etre sur trois fronts ça consiste à avoir 80 salariés, c’est pas simple. Donc on est déjà préparés.
Il y a quand même des choix inhabituels qui se profilent. Giro ou Vuelta ? Giro ou classiques, etc.
Bien sûr. Il y a des coureurs qui vont faire le Giro et qui ne pourront pas faire Paris-Roubaix, ça ne sera pas facile de trancher. Mais ce qui prime avant tout, c’est de garder nos coureurs en bonne santé. Et au bout du compte, la saison va être un peu décalée. Si on finit le calendrier mi-novembre avec la Vuelta, il n’est pas dit qu’on parte en stage mi-décembre comme on a l’habitude de le faire. En revanche on replongera en janvier dans la saison prochaine avec l’Australie, etc.
Revenons-en aux choix. Il va falloir trancher entre Tour et Mondiaux, aussi ?
Une fois de plus c’est là qu’il faudra être stratège et savoir où mettre les pieds. On peut être très bon sur le Tour et aux Mondiaux. Thomas Voeckler ne va de toute façon pas attendre les Champs pour faire sa sélection. Si vous vous préparez à disputer les Mondiaux, même en faisant le Tour, vous pouvez y performer. Le haut niveau c’est très psychologique, il faut pouvoir avoir une vision sur le long terme pour être prêt. Finalement, c’est comme de se dire qu’on allait plonger dans un Tour sur quatre semaines au lieu de trois. Il faut savoir que si on sort du Tour sans être malade, on peut être plus fort que ceux qui l’ont pas fait. Si on prend les mecs qui carburent à San Sebastian en temps normal, c’est des mecs qui ont fait le Tour et parfois même qui ont performé sur le Tour. Entre le Tour et les Mondiaux il faudra simplement que les coureurs se gèrent, restent actifs avec du repos, des siestes et des petites sorties, sans sortie à haute intensité.
Pour les classiques en revanche, c’est plus compliqué. On se dirige vers des Ardennaises et Flandriennes au rabais ?
C’est possible que les classiques soient au rabais mais c’est pas certain non plus. Il y aura une course et un résultat, ce qui, vu le contexte, est déjà un moindre mal. Peut-être que les courses ne se feront pas avec les coureurs qu’on espérait voir mais justement, ça sera intéressant, on verra peut-être d’autres coureurs s’illustrer. Peut-être que en ça motivera certains de voir que des gros clients ne seront pas là. Il faut pouvoir s’adapter pour se resservir de tout ça les années suivantes. Bien évidemment, ç’aurait été mieux qu’il n’y ait pas de Covid, entendons-nous bien là-dessus. Mais ce calendrier va nous permettre de voir qui va s’adapter. C’est un défi en soi.