JEUX OLYMPIQUESComment les athlètes tentent de préparer les JO malgré tout

Coronavirus : « C’est frustrant et stressant »… Comment les athlètes tentent de préparer les JO malgré tout

JEUX OLYMPIQUESEntre annulation des tournois de qualification, incertitude sur la tenue des JO en eux-mêmes et confinement, les athlètes olympiques sont dans le flou total
Nicolas Camus

Nicolas Camus

L'essentiel

  • Si le CIO se veut pour l’instant rassurant, la tenue des Jeux olympiques de Tokyo est incertaine en raison de l’épidémie de coronavirus.
  • Toutes les épreuves de qualification qui devaient se tenir en mars et avril ont été reportées, plongeant les athlètes du monde entier dans le flou.
  • En France, ils sont confinés, comme toute la population, et tentent de s’entretenir comme ils peuvent en attendant de connaître la suite des événements.

Dans le calendrier des grandes compétitions à venir, les Jeux olympiques résistent encore et toujours à l’épidémie de coronavirus. Le rendez-vous de Tokyo n’est fixé que dans quatre gros mois, et dans un contexte où les recommandations évoluent de jour en jour, il n’est pas encore l’heure « de prendre des décisions radicales », a estimé le Comité international (CIO), mardi.



Dans l’incertitude, les athlètes font du mieux qu’ils peuvent pour rester mobilisés. Si certains appellent d’ores et déjà à un report, comme les Français Pascal Martinot-Lagarde et Kevin Mayer, ou même l’ancienne quadruple championne olympique canadienne de hockey et actuelle membre du CIO Hayley Wickenheiser, d’autres essaient de ne pas trop se prendre la tête, sachant que la décision n’est de toute façon pas de leur ressort.

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« Honnêtement, aujourd’hui, je ne me dis rien, nous assure l’escrimeur Enzo Lefort. Je me lève, je fais un peu de yoga, je m’étire, je m’occupe de ma fille, j’essaie de pas trop mal manger et c’est tout. Ça change du jour au lendemain, c’est impossible de se projeter. » Le fleurettiste, champion du monde l’été dernier, est qualifié par équipe mais n’est pas encore sûr de pouvoir défendre ses chances en individuel. La dernière épreuve comptant pour la sélection (il y a trois places disponibles plus une en tant que remplaçant), qui devait se disputer à Los Angeles la semaine dernière, a été annulée au tout dernier moment après le discours de Donald Trump.

De retour chez lui, il a appris la fermeture de l’Insep, et il est désormais, comme tout le monde, appelé à rester à la maison. « On était censés avoir 10 jours de vacances après la compétition, du coup pour l’instant je reste là-dessus, explique le Guadeloupéen de 28 ans. Je vais juste prendre soin de mon corps, parce qu’on est à fond depuis septembre. Après, si le confinement se poursuit, et ça va sûrement être le cas, on verra. Il me faudra une activité physique plus soutenue, mais j’habite dans un petit appartement parisien, je n’ai pas de vélo ni de rameur… ça ne va pas être simple. »

C’est le moins que l’on puisse dire. Pour tous les athlètes olympiques, la saison 2019-2020 était balisée au jour près. Là un premier pic de forme pour les qualifs, là un autre pour un deuxième tournoi si ça se passe mal, là du repos, là du foncier et là la préparation des Jeux à proprement parler. « Ça rebat toutes les cartes, explique Enzo Lefort. Je ne sais pas quand je pourrai reprendre l’entraînement, je ne sais pas quand sera ma prochaine compétition, je ne sais pas pour quoi je me prépare, si c’est pour un objectif à court terme, c’est-à-dire mon épreuve de qualification, ou à moyen terme, déjà pour les JO. »

Double incertitude pour certains

Au moins lui sait que les Jeux l’attendent. La lutteuse Koumba Larroque, championne d’Europe et vice-championne du monde (- 68 kg) en 2018 à seulement 20 ans, devait quant à elle jouer sa qualification à partir de ce jeudi à Budapest, ou au pire le mois prochain à Sofia. Elle a appris l’annulation de ces TQO la semaine passée, alors qu’elle se préparait en Ukraine. « C’est frustrant et stressant, nous dit-elle. Ça fait des mois qu’on se prépare pour ça, et ça prenait beaucoup de place dans notre tête. On avait hâte que ce soit passé, qu’on sache si on devait se mettre en mode JO ou pas. »

Pour elle, comme pour les quelque 5.000 sportifs sur 11.000 attendus aux Jeux qui n’ont pas encore leur ticket, selon le décompte du CIO, l’incertitude est double. Car même si les tournois de qualification et les Jeux ont finalement lieu, il va falloir revoir tout le programme. La jeune championne de 20 ans souffle :

« « J’espérais me qualifier au mois de mars, pour me reposer un peu en avril puis repartir à fond ensuite. Ça va être dur d’enchaîner dans un temps si court, surtout qu’on ne peut pas se préparer pour ». »

Habituellement demi-pensionnaire à l’Insep, elle est confinée avec sa sœur dans son appartement à Créteil, où elle s’entretient en faisant du yoga et un peu de vélo. Son préparateur physique Michel Gillot lui envoie également des séances adaptées. Et quand elle veut courir un peu, direction… le sous-sol, où un vaste parking fait à peu près l’affaire.

Une « bulle olympique » pour les aider ?

Lueur d’espoir pour nos deux sportifs, l’idée de « bulle olympique » qui semble émerger depuis mardi. Le président de l’association des DTN Philippe Bana, en concertation avec le ministère des Sports et l’Agence nationale du Sport, réfléchit à la possibilité d’ouvrir exceptionnellement des lieux d’entraînement qui pourraient accueillir les athlètes. Rien n’est encore sûr, car cela impliquerait une logistique de dingue, entre les plannings des uns et des autres à gérer et la nécessité de décontaminer les lieux entre chaque séance.

« Si c’est possible, j’aimerais en profiter, bien sûr, rebondit la lutteuse. On est un sport où l’on a besoin de quelqu’un en face pour travailler. Tout seul on peut bosser la cardio et tout, mais pas la technique. » A moins d’apprendre à la petite sœur quelques prises, mais là, ça commence à vraiment devenir compliqué.

Pour l’instant, Koumba Larroque et Enzo Lefort n’ont qu’une chose à faire ; attendre, comme tout le monde. Tous les deux conviennent, évidemment, que ces préoccupations passent au second plan face à l’urgence sanitaire. Les infos qui parviennent du monde entier aident à relativiser.

« Je vis au jour le jour et j’en profite pour m’aérer la tête. J’ai de la chance, je ne suis pas seul », note l’escrimeur. On entend alors sa fille de 8 mois tenter de se faire entendre derrière lui. « C’est une préparation physique en soi, sourit-il. Et ça fait travailler le mental ! Je pense qu’on va tous ressortir grandis de cette expérience, et peut-être un peu plus humble aussi. »