Coronavirus : Malbouffe, ennui et attente...Confiné dans un hôtel d'Abu Dhabi, le cycliste Stéphane Rossetto n'en peut plus
INTERVIEW•Le coureur de Cofidis est confiné dans un hôtel avec son équipe depuis le 26 février à cause du coronavirusFrançois Launay
L'essentiel
- Seize membres de l’équipe cycliste Cofidis sont confinés dans un hôtel d’Abu Dhabi depuis le 27 février à cause du coronavirus.
- Le Français Stéphane Rossetto raconte son quotidien de Français bloqué dans sa chambre d’hôtel à l’étranger.
Stéphane Rossetto n’en peut plus. Venu dans les Emirats la semaine dernière pour participer au tour UAE, le cycliste de 32 ans ne s’attendait pas à être rattrapé par le coronavirus. Mais depuis le jeudi 27 février, le coureur et quinze autres membres de son équipe (coureurs, mécanos, soigneurs…) sont confinés dans leur hôtel d’Abu Dhabi.
Une mesure prise depuis que deux soigneurs d’une autre équipe séjournant au même endroit ont été déclarés positifs au Covid-19. En attendant de pouvoir enfin sortir, Rossetto essaie de tuer le temps mais ne mâche pas ses mots sur les mesures prises après cinq jours de confinement, qu’il raconte à 20 Minutes.
Quelle est la situation au bout de cinq jours ?
On a refait un test dimanche soir. On devait avoir les résultats ce lundi matin mais on ne les a toujours pas. Du coup, on attend et c’est très long. On commence sérieusement à perdre patience.
Comment se passe ce confinement ?
De jeudi à samedi, on ne pouvait pas sortir de l’hôtel mais on avait le droit de circuler à l’intérieur. On avait accès aux piscines par exemple comme tous les gens de l’hôtel et les autres équipes qui logeaient là. Mais depuis samedi soir, on est confinés dans nos chambres du quatrième étage de l’hôtel comme les équipes de la FDJ et de Gazprom. Toutes les autres équipes ont pu repartir sauf nous. Tous les gens, coureurs comme clients, qui logeaient au quatrième étage de l’hôtel ont été priés d’y rester. On n’a pas été autorisés à repartir car une personne de la FDJ et une autre de Gazprom ont été déclarées fiévreux.
Cela dit, s’il y avait un virus, il ne se serait jamais arrêté au quatrième étage. Pendant deux jours, on a tous pris les mêmes ascenseurs, tous mangés dans la même salle et on est tous allés dans la même salle de sport. C’est donc totalement débile d’avoir condamné cet étage-là. Surtout que tous les fiévreux ont été déclarés négatifs. On aurait donc tous dû rentrer en même temps. On est vraiment là pour rien, limite en otage à cause d’autorités sanitaires qui sont désagréables et nous manquent de respect.
C’est-à-dire ?
Ils nous manquent de respect par leur traitement. On reste dans les chambres, ils nous déposent des box de nourriture au pied de la porte. C’est du fast-food d’hôtel, du Mac Do amélioré, dans un pays qui n’a pas vraiment la culture de la bouffe. En plus, ils n’ont pas fait la chambre depuis deux jours. Les gens portent des masques, les box de nourriture restent dans les couloirs. C’est un peu un hôtel fantôme dans lequel il ne reste plus que les personnes du quatrième étage.
Vous êtes énervés ?
Non, on est très calme. Tout le monde tue le temps comme il le peut. Moi, je suis en train de perdre patience.
Comment tuez-vous le temps ?
En regardant la télé, en lisant un livre, en partageant des moments avec l’équipe et en mangeant de la fast-food malheureusement. Ce n’est pas terrible pour ma condition physique mais c’est comme ça. On est dans une atmosphère où on attend tout le temps. On ne peut pas se dire qu’on est là pour deux, trois jours. Chaque fois que je me lève, je me dis qu’on va avoir du nouveau mais en fait non. Du coup, on attend. Le matin on attend l’après-midi et l’après-midi, on attend le soir.
C’est un peu un jour sans fin ?
Oui. Ce qui est sûr, c’est qu’on va repartir de là en plus mauvaise santé qu’en arrivant.
C’est une catastrophe pour la préparation physique en ce début de saison cycliste ?
C’est clair. Tout ce qui a été fait ces dernières semaines a été réduit à néant. Je sais que je vais vite retrouver ma condition physique et perdre le poids que j’ai pris ici. Mais surtout, je n’ai pas que ça à faire. Je perds du temps. C’est un vrai manque à gagner pour nous. On s’est entraîné dur pour retrouver une condition physique et on va repartir de là en ayant tout perdu.
C’est vraiment impossible de vous entraîner ?
Mais pour quoi faire ? Ça sert à quoi ? Mon rythme d’entraînement c’est quatre-cinq heures par jour en montagne ou ailleurs. Je fais du cyclisme, pas du gainage. Je fais des exercices de gainage après mes heures de vélo. Je ne suis pas ici pour faire vingt pompes le matin. Ce n’est pas mon métier. Ce que j’ai envie de faire, c’est être libre et faire mon métier dans des bonnes conditions.
A l’inverse, cette mésaventure vous a-t-elle permis de resserrer les liens entre vous ?
Pas avec les autres équipes car on est tous invités à rester dans nos chambres. On est d’un côté du couloir, la FDJ est au milieu et les Gazprom sont de l’autre côté. On se croise mais on reste entre nous. Il y a un très bon contact entre nous. C’est sûr qu’après ça, on aura une histoire en commun à raconter. On se connaît un peu plus désormais. En arrivant ici, j’étais le seul coureur français de l’équipe. J’aurai sans doute progressé en anglais en restant ici (rires).
Passez-vous beaucoup de temps avec vos proches au téléphone ?
Oui. On communique beaucoup par messages mais en même temps, vous voulez que je leur raconte quoi ? Je vous en parle parce que vous êtes journalistes mais sinon, la seule question qui revient c’est : « tu rentres quand ? ». Et je réponds que je suis toujours bloqué là. Voilà.