Coupe du monde : « Fatalement, on l’attend »… Alexis Pinturault et la difficile obligation de succéder à l’ogre Hirscher
SKI ALPIN•Le skieur français, qui entend se relancer à Val d’Isère ce week-end après un géant décevant à Beaver Creek, est en tête de liste des candidats au trône laissé vacant par l'AutrichienNicolas Camus
L'essentiel
- La Coupe du monde de ski alpin fait étape à Val d’Isère ce week-end, avec un slalom samedi et un géant dimanche.
- Alexis Pinturault, qui a souvent brillé ici, fait partie des favoris.
- C’est une étape importante pour lui en ce début de saison, où il ambitionne la succession de Marcel Hirscher au classement général.
C’est censé être sa saison, et celle du ski français par la même occasion. Alexis Pinturault, deuxième du classement général de la Coupe du monde l’année dernière, a enfin la voie dégagée pour succéder à Luc Alphand, dernier vainqueur français du Gros Globe de cristal, il y a déjà 22 ans. L’ogre Marcel Hirscher, qui n’a rien laissé à la concurrence ces huit dernières années, a décidé de laisser la possibilité à ses petits camarades de s’amuser un peu en annonçant début septembre qu’il se retirait du circuit, à seulement 30 ans.
Voilà donc la chasse au trône ouverte, pour la première fois depuis des lustres. « La saison sera différente de toutes celles que j’ai connues », disait le skieur français à l’entame de cette nouvelle ère, en octobre, à Solden. Pinturault a d’ailleurs sorti les muscles d’entrée, avec une victoire lors du slalom géant d’ouverture. La suite a été moins glorieuse, avec un gros tour d’air à Levi et une performance mitigée à Beaver Creek la semaine dernière, où il a pris une surprenante 4e place sur le super-G avant de passer à côté en géant (17e).
La concurrence, représentée notamment par le Norvégien Henrik Kristoffersen – adoubé par Hirscher himself – et l’Italien Dominik Paris – même si ce dernier a le désavantage d’être spécialiste des épreuves de vitesse – est déjà devant. De quoi rendre l’étape de Val d’Isère ce week-end encore plus électrique. « Si on se détache des ambitions qu’il peut avoir par rapport à l’arrêt de Marcel Hirscher, si on ne s’occupe pas des autres mais que de lui, il a plus de points que les autres années au même stade, tempère David Chastan, le directeur des équipes de France. L’heure n’est pas aux débats et analyses raccourcis. Ça ne fait que quatre courses, la saison est très longue. »
On ne va pas lui donner tort. Pinturault, l’un des skieurs les plus complets du circuit, s’aligne super-G, en slalom géant, en slalom et en combiné. Soit plus de trente courses dans la saison. Il n’empêche qu’à la maison, sur cette face de Bellevarde qui lui a si souvent réussi (une victoire en slalom et deux victoires en géant ces dernières années), le Français est très attendu. Au-delà des points, c’est le moral qu’il faut penser à soigner.
Une structure sur-mesure
« Le géant de Beaver a été une grosse déception pour lui, reconnaît Fabien Munier, l’entraîneur fédéral détaché auprès du Français pour toute l’année. Il a du mal à comprendre en quoi il s’est trompé, pourquoi ça n’a pas marché alors que la semaine précédente aux entraînements il était très bien. Mais on a débriefé, il a dit ce qu’il avait sur le cœur et on est déjà passé à autre chose. »
Pas le temps de gamberger. Pinturault s’est remis au boulot, entouré de sa cellule personnelle. Preuve de la confiance qui lui est faite et des ambitions très élevées, David Chastan a accepté pour cette saison la mise en place d’une structure à part qui lui est entièrement dédiée, avec technicien, préparateur physique et kiné, en plus de Fabien Munier. Ce dernier a toute latitude pour définir le programme d’entraînement de l’homme aux 24 victoires en Coupe du monde.
« On tente le coup, et on verra en fin de saison si c’est quelque chose qui sert vraiment ou pas, explique Chastan. Parfois il s’entraîne avec nous, à d’autres moments il a besoin d’aménagements différents, parce qu’il est celui qui fait le plus de courses parmi nous. On est obligés de prendre en compte cette particularité et de trouver un système qui lui permette d’être au mieux. »
Forcément, ces changements nécessitent quelques ajustements, qui sont encore en cours en ce début de saison. Ils ont aussi, peut-être, accentué le devoir de résultat. Fabien Munier apprécie le challenge. « Il est très pro. C’est facile de s’adapter à lui car il sait où il va, et à partir du moment où on essaye de faire le maximum pour le comprendre et lui amener des choses, il est à l’écoute », note l’entraîneur. En tout cas, le Savoyard, en pleine force de l’âge à 28 ans, est en première ligne cette saison, scruté par le team France comme par la concurrence.
« Je n’ai pas l’impression que ça lui pèse, reprend Munier. Il sait qu’il n’est pas Marcel Hirscher. Lui, il ne se trompait jamais. Il était tout le temps en bas, d’une régularité monstrueuse. Non, il est Alexis Pinturault. Il a aussi pas mal vendangé de courses par le passé, c’est quelque chose qu’il faut accepter. »
« La science du sport n’est jamais simple, et celle du ski encore moins »
« C’est normal qu’on en parle beaucoup, embraye Chastan. Sur les six-sept dernières saisons, Alexis était là. Fatalement, on l’attend. Mais pas parce qu’il était son dauphin et que Marcel n’est plus là qu’il va prendre sa place automatiquement. Il y a beaucoup d’autres skieurs qui la veulent. »
L’intéressé en a parfaitement conscience. « La science du sport n’est jamais simple, et celle du ski encore moins », faisait-il remarquer jeudi depuis Val d’Isère. Excité à l’idée de s’élancer face à une foule bleu-blanc-rouge massée en bas, sur ces pistes où « il faut serrer les dents du début à la fin », Pinturault n’en reste pas moins pragmatique quand on évoque le classement général. « Il reste des jokers, surtout pour un athlète comme moi qui fait beaucoup de disciplines. Mais c’est sûr que plus on en grille, moins c’est à notre avantage. » Imparable.