Chelsea-Losc : Accent, gouaille et approximations... La voix du foot Christian Palka raccroche le micro
FOOTBALL•Journaliste emblématique de France Bleu Nord, Christian Palka commentera le dernier match de sa carrière ce mardi à Londres lors de Chelsea-Losc, dernière journée de poule de Ligue des ChampionsFrançois Launay
L'essentiel
- Arrivé à 45 ans à la radio, Christian Palka a notamment été coureur cycliste professionnel avant sa deuxième vie sur les ondes.
- Pour ses fans, son accent du Nord, son cheveu sur la langue et surtout son naturel imperturbable l’ont élevé au rang d’ovni légendaire dans un paysage radiophonique très formaté.
- Journaliste emblématique de la région, il retrace sa carrière et livre plusieurs anecdotes.
«Je suis un commentateur à part. » Christian Palka le sait : il ne laisse pas indifférent. Agé de 70 ans, le journaliste de France Bleu Nord s’apprête à commenter ce mardi à Londres le dernier match de sa carrière avec le Chelsea-Losc de Ligue des champions. Après, il sera temps de prendre une retraite bien méritée. Mais avec ce départ, c’est un style et une voix inimitables qui tirent leur révérence.
Pour ses fans, son accent du Nord, son cheveu sur la langue et surtout son naturel imperturbable l’ont élevé au rang d’ovni légendaire dans un paysage radiophonique très formaté.
« Christian Palka, c’est avant tout un personnage. C’est l’un des derniers Tontons Flingueurs de la radio. C’est vraiment Michel Audiard tous les jours que ce soit dans sa façon de faire, sa façon de parler. Ses expressions populaires, ses tournures de phrases sont toujours extrêmement imagées. C’est quelqu’un qui réfléchit aux choses de façon toujours pragmatique et qui fait les choses avec sincérité », raconte Benoît Dequevauviller, journaliste et collègue du phénomène à la radio depuis près de dix ans.
Un art de l’approximation qui insupporte ses détracteurs
A l’inverse, pour ses détracteurs, son art de l’approximation dans le commentaire des matchs de foot des équipes régionales avait fini par devenir insupportable.
« Je ne comprends pas pourquoi des gens me détestent mais je m’en fous. Ça m’a traumatisé au début, plus maintenant. A l’inverse, je ne comprends pas non plus pourquoi des gens m’aiment bien. Le mot qu’on me ressort souvent c’est "authenticité". On me dit que je ne triche pas. Par contre, ce qui m’étonne encore c’est qu’on me reconnaisse à ma voix. Ça m’arrive sans arrêt. C’est incroyable », n’en revient pas celui que ses proches surnomment « Palkuche ».
Arrivé à la radio à 45 ans
Il faut dire que rien ne prédestinait vraiment Christian Palka à devenir journaliste sportif. La première fois qu’il a parlé sur les ondes de Fréquence Nord, ancêtre de France Bleu Nord, c’était en 1994 à l’âge de 45 ans. Jean-Pierre Mortagne, commentateur sur la radio régionale à l’époque, se souvient.
« Comme c’est quelqu’un qui traîne partout, Christian traînait aussi le soir à la radio où on faisait des parties de tarot endiablées. Il faisait déjà des chroniques sur le vélo pour Fréquence Nord. Mais un jour, j’avais besoin de quelqu’un capable de récupérer tous les résultats de foot des divisions régionales jusqu’au National qu’on annonçait dans notre émission du dimanche soir. Vu que Christian connaissait tout le monde dans tous les endroits de la région, je lui ai proposé. Il s’est parfaitement attelé à cette tâche au point que des confrères de La Voix du Nord nous appelaient pour obtenir des résultats qu’ils ne réussissaient pas à avoir ».
Ancien cycliste professionnel aux côtés de Luis Ocana
Avant son arrivée sur les ondes, ce Lillois, né à Dunkerque, a eu mille vies. Mécanicien, livreur pour une blanchisserie, employé chez un traiteur, assureur ou encore transporteur, Palka n’a jamais connu le chômage.
Mais c’est surtout dans le sport cycliste, son immense passion, qu’il s’est fait un nom. Au début des années 1970, il est l’un des plus grands espoirs nordistes du vélo et devient pro dans la mythique équipe BIC pour épauler un certain Luis Ocana.
Tour d’Espagne, Paris-Roubaix ou encore Tour des Flandres, il joue son rôle d’équipier dans les plus grandes courses pendant quatre ans avant de mettre un terme à sa carrière prématurément. A son regret, il ne courra jamais le Tour de France. Alors, comme « un exutoire », il deviendra chauffeur sur la grande boucle tous les mois de juillet pendant 29 ans. Une expérience qui lui a permis de faire des rencontres improbables.
Un conteur hors pair accepté dans tous les milieux sociaux
« En 1984, j’étais le chauffeur de Bernard Tapie que j’ai vu verser une larme quand Hinault a perdu le Tour lors d’un contre-la-montre. J’ai également servi du champagne à Jacques Chirac et je me suis aussi fait servir une omelette aux cèpes par Régis Debray quand je suis allé le chercher un jour dans sa maison du Luberon », raconte l’ancien cycliste.
Des anecdotes comme ça, Christian Palka vous en sert à la pelle. Conteur hors pair, il a développé un réseau incroyable et s’est fait accepter dans tous les milieux sociaux où il est autant à l’aise avec les puissants que les plus modestes.
« Que ce soit un jeune supporteur devant un stade de foot, un élu, un député ou un sénateur, tout le monde l’appelle Palkuche. Daniel Percheron l’invite à dîner en tête à tête, Martine Aubry lui fait livrer des gaufres quand il fait une dédicace au Furet. Il est copain comme cochon avec Marc-Philippe Daubresse. Il a un carnet d’adresses extraordinaire », raconte Benoît Dequevauviller.
Le doublé du Losc en 2011 l’a marqué
Aussi attachant qu’imprévisible, capable de gros coups de gueule comme de gros coups de cœur, il aura commenté à la radio beaucoup plus de foot que de vélo. Un ballon rond qui n’est pas vraiment sa passion à la base.
« J’ai dit et répété à l’antenne que je n’étais pas un spécialiste mais je n’aurais pas dû le dire. Les gens me reprochaient de me tromper. Mais pourquoi savaient-ils que je me trompais ? Parce que je leur disais à l’antenne sinon ils n’en auraient jamais rien su ! A l’inverse, Antoine Kombouaré avait dit publiquement un jour qu’il m’appréciait parce que j’étais le seul à ne pas lui expliquer son boulot », se marre « Palkuche ».
« C’est un mec attachant et passionné par sa région », confie Gervais Martel
« Quand il venait aux conférences de presse du RC Lens, on se marrait bien. Il était à l’aise partout même s’il ne connaissait pas le sujet. Il arrivait avec ses gros sabots et sa gouaille. C’était succulent. Il incarne le Nord. C’est un mec attachant et passionné par sa région. Il s’est d’ailleurs attaché plus aux personnes qu’aux clubs », estime Gervais Martel, ex-président du RC Lens et proche de Palka.
Parmi ses milliers de matchs commentés en direct, la voix sportive de France Bleu Nord garde comme meilleurs souvenirs le doublé du Losc de 2011 et plus particulièrement la victoire en coupe de France face au PSG. Au rayon des pires souvenirs, la machine à anecdotes en ressort deux.
Quand Boulogne fête une fausse montée à cause de Palkuche
L’une remonte à 1997. Ce soir-là, Boulogne-sur-Mer joue sa montée en National. Le club maritime s’impose mais doit attendre le résultat de Raon-l’Etape son concurrent direct qui ne devait pas s’imposer.
« L’animateur de la radio me pressait pour avoir le score. A dix secondes de la fin, je rappelle mon contact sur place à Raon qui me dit que ça fait toujours 0-0 et que ça va se terminer. Je descends en studio et dis donc que ça a fait match nul. Le score est alors annoncé par notre journaliste sur place à Boulogne. La pelouse est envahie par les supporters qui fêtent la montée en National. Mais quand je sors du studio, je reçois un coup de fil qui m’annonce que Raon a marqué dans les dix dernières secondes et monte donc au détriment de Boulogne. Ça a été compliqué pour notre journaliste sur place… », se souvient Palka, un petit sourire aux lèvres.
Le jour où il a confondu les joueurs de Guingamp et de Boulogne
L’autre anecdote remonte à un Guingamp-Boulogne d’il y a dix ans. Arrivé en retard au stade du Roudourou, le journaliste ne prend pas le temps de regarder la feuille de match. Et pendant cinq minutes… il confond les deux équipes vu que Guingamp joue en rouge et noir, les couleurs traditionnelles de Boulogne.
« J’ai fini par m’en apercevoir quand un joueur, que je pensais être de Boulogne, a tiré en direction de Bedenik, le gardien maritime que je connaissais bien. Je ne comprenais plus rien jusqu’à ce que mon voisin en tribune me dise que je confondais les deux équipes », confie à moitié honteux le commentateur.
Avec son départ, le journalisme sportif régional va sans doute gagner en précision mais perd définitivement une gueule, une voix et une figure légendaire que personne ne pourra jamais remplacer.