Finale de Fed Cup : Ashleigh Barty est-elle la numéro 1 mondiale la plus sous-cotée de l’histoire ?
TENNIS•L'Australienne, adversaire principale des Bleues ce week-end à Perth, écrabouille le circuit féminin à la surprise générale ces derniers moisMaxime Ducher
Un chéquos de 4,4 millions d’euros après sa victoire au Masters de fin d’année du circuit féminin et deux milliers de points d’avance sur la deuxième joueuse mondiale au classement WTA. Pas dégueu pour une joueuse de cricket. On force le trait, mais voilà à peu près l’évolution hallucinante en un peu plus de trois ans d’Ashleigh Barty, l’épouvantail australien que vont devoir se coltiner les Bleues en finale de Fed Cup à partir de vendredi.
Passée par le cricket
La trajectoire de la joueuse de 23 ans ne ressemble à aucune autre. Alors qu’elle n’arrive pas à faire décoller une carrière souffreteuse en simple, malgré un Wimbledon gagné chez les juniors à 15 ans, Ashleigh Barty décide, en 2014, de plaquer le tennis pour tester le cricket, ce sport bizarre qui n’intéresse que les peuples qui ont un jour été colonisés par l’Angleterre. Deux ans à apprendre la vie aux joueuses du Brisbane, et puis l’envie soudaine de revenir sur les courts de tennis, en 2016.
« Elle ne s’était pas entraînée pendant deux ans. Elle avait un peu perdu de son tennis, mais il ne lui a pas fallu longtemps pour que ça revienne. Le plus grand chantier c’était de retrouver son niveau physique », se remémorait son coach Craig Tyzzer dans L’Equipe après le succès de sa protégée lors du dernier Roland-Garros. Car oui, la petite (1,65m) australienne a gravi les marches quatre à quatre depuis son retour, jusqu’à cette brillante année 2019 que pas grand monde n’avait vu venir.
Il n’empêche. Elle a beau être dans la forme de sa vie, Barty, avec son jeu très complet mais sans énorme point fort, ne renvoie pas non plus l’image d’une fille injouable qui écrase tout sur son passage. C’est ce que semble penser le capitaine des Bleues Julien Benneteau, en tout cas.
« « On a des filles qui l’ont battue dans l’équipe [Mladenovic en 2019, Garcia en 2017, et même Cornet 2014]. Quand on est joueur, ça reste. Même si ce sont des conditions différentes, ça reste. On va pouvoir s’appuyer sur ça, en discuter ensemble pour faire les meilleurs choix possibles. » »
Entre les mots du capitaine, un sentiment partagé sur le circuit féminin : à la différence de beaucoup de joueuses qui l’ont précédée en coup de vent à la première place depuis que Serena vieillit, Barty renvoie l’image d’une joueuse lambda, en lien direct avec la discrétion qu'elle dégage hors terrain. Elle ne sort de sa réserve que pour un seul sujet. Son engagement auprès de la communauté aborigène, dont elle est originaire par son père. Engagement qui en a fait une star dans son pays.
Ambassadrice de la cause aborigène
« Elle est passionnée par son rôle d’ambassadrice, elle le prend vraiment au sérieux et elle s’y met à fond, se réjouit Kieren Gibbs, membre du Réseau indigène du Sud-Ouest australien (SWIN), qui a côtoyé Barty à quelques reprises. Elle veut sensibiliser à la cause indigène et en faire encore plus dans le futur. » Les journalistes présents Porte d’Auteuil il y a quelques mois ont d’ailleurs bien compris l’importance de cette cause pour la championne. Chaque conférence de presse était l’occasion de glisser un mot sur ses racines. « Ashleigh est une idole pour tous les Australiens, reprend Kieren Gibbs. Les enfants indigènes vont pouvoir grandir en l’admirant. On ne pensait pas avoir une ambassadrice à un aussi haut niveau sportif. Les indigènes n’auraient jamais pu s’imaginer que quelqu’un de leur communauté puisse un jour dominer le tennis mondial. »
En attendant de savoir si cette domination peut durer un peu plus longtemps que six bons mois, Barty a quand même bien la tête de la joueuse qui va coller 2 et 2 à nos Françaises ce week-end. L’ancienne joueuse de Fed Cup Sarah Pitkowski en est convaincue, « les chances de la battre sont très minces. Si une des Françaises y parvient, ce sera miraculeux. Barty a un niveau de jeu et un état de forme bien supérieurs à celui des Françaises. Seules la pression de jouer chez elle et la fatigue pourraient la faire perdre ». On y croit moyennement.