Mondiaux d’athlétisme : Mekhissi forfait, Djilali Bedrani veut faire briller le 3.000 m steeple français
ATHLETISME•Djilali Bedrani, en pleine progression, s’aligne ce mardi sur 3.000 m steeple lors des Mondiaux de Doha. Sur une discipline où les Français ont souvent brillé, le Toulousain veut écrire sa propre histoireNicolas Stival
L'essentiel
- Djilali Bedrani disputera ce mardi les qualifications du 3.000 m steeple à Doha, le jour de ses 26 ans.
- S’il avoue craindre la chaleur, le Toulousain ne se « fixe pas de limites ».
- Le militaire évoque aussi sa préparation du quotidien, loin des caméras.
Cross, 1.500 m, 3.000 m, 3.000 m steeple. Djilali Bedrani est un touche-à-tout. Mais c’est grâce à la dernière discipline que le Toulousain s’apprête à disputer au Qatar son « premier championnat du monde chez les grands ». « Dans un premier temps, il faut passer les qualifications, explique le sociétaire du Satuc, qui fête ses 26 ans ce mardi, justement le jour des qualifs. Il faut prendre la température avant de se projeter. »
L’expression est particulièrement bien choisie pour parler des Mondiaux de Doha. « La chaleur, c’est la seule chose que j’appréhende un peu, confiait-il mardi dernier sur le bord de la piste du stade Daniel-Faucher, à un lancer de javelot du Stadium. Comment je vais réagir à ça ? »
Heureusement pour lui et ses concurrents, dont le favori marocain Soufiane El Bakkali, le 3.000 m steeple se courra dans une enceinte climatisée, à la différence du marathon ou des épreuves de marche. Le champion de France 2019, auteur d’un épatant 8’09”47 le 12 juillet à Monaco (quatrième meilleure performance nationale de tous les temps), peut légitimement se projeter sur la finale, vendredi. Et, pourquoi pas, perpétuer la tradition d’excellence tricolore sur la distance, après Joseph Mahmoud, Bouabdellah Tahri et Mahiedine Mekhissi, actuellement blessé.
« Je ne sais pas de quoi je suis capable »
« Mahiedine a toujours été sur les podiums internationaux ces dix dernières années, relève le successeur. Il a un palmarès de fou, c’est un exemple. Mais on a tous notre propre histoire. Et j’ai envie d’écrire la mienne. » Déjà qualifié pour les Jeux olympiques de Tokyo l’an prochain, le militaire détaché par le 3e RMAT (Régiment du matériel) de Muret ne se « fixe pas de limites ». « J’ai franchi un cap cette année, je ne sais pas de quoi je suis capable », assure, sans forfanterie, celui qui a raboté son temps de plus de 23 secondes sur 3.000 mètres steeple depuis 2017.
Mais il sait en revanche les efforts mis en place pour sortir, une ou deux fois l’an, de l’anonymat médiatique. « On est des mecs de l’ombre. On est seulement mis en lumière sur quelques meetings, les JO, un championnat du monde voire un championnat d’Europe. Toute l’année, je me sacrifie, je m’entraîne. Mais ce n’est pas une frustration car j’aime ça. »
« J’arrive à vivre car il y a l’armée »
Une bonne centaine de kilomètres avalés par semaine, un entraînement tous les jours, week-end inclus, cinq ou six stages par an, jusqu’au Kenya ou en Afrique du Sud… Mieux vaut avoir le goût de l’effort, en effet. Et pas trop le goût du luxe.
« J’arrive à vivre car il y a l’armée depuis 2016, reconnaît le champion du monde militaire de cross-country en 2017, par ailleurs double champion de France en titre de cross court. J’ai signé un contrat de cinq ans, je sais que je vais en signer un autre de la même durée. Sinon, tu ne vis pas de ce sport. Tu as quelques sponsors, à gauche, à droite. Mais si demain tu te blesses, ils peuvent te lâcher. »
Pas facile dans ces conditions de faire tourner une petite « entreprise » d’une demi-douzaine de personnes (coach, préparateur mental, chargée de communication, manager…). « Les gens veulent des médailles mais si on n’a pas les moyens, on ne peut pas les gagner. Aujourd’hui, j’ai mis en place une équipe autour de moi pour développer ma carrière et mon après-carrière. »
« C’est une course à risques, mais j’aime ça »
Celui qui se verrait bien passer aux courses sur route après les JO de Paris, en 2024, se consacre aujourd’hui à cette curieuse épreuve du 3.000 m steeple, avec ses cinq barrières de 0,914 m à franchir à chaque tour, et sa fameuse rivière.
« C’est la seule course de demi-fond avec des haies, reprend Bedrani. Il faut toujours rester lucide, regarder ses concurrents. Le plus dur, c’est le dernier kilomètre, les derniers obstacles, avec la fatigue accumulée. Plus on avance, plus c’est dur de monter les genoux. C’est une course à risques, mais j’aime ça. » Cela tombe bien, car au vu des premiers jours de compétition, les Mondiaux de Doha sont aussi des championnats à risques.