Dopage: Le patron de l’agence antidopage russe raconte sa lutte contre « les dérives » de son pays
DOPAGE•Youri Ganous se bagarre depuis deux ans maintenant pour faire le ménage au sein d'un système de dopage organisé, comme il le raconte à L'Equipe» ce mercrediN.C.
Youri Ganous n’a pas une vie facile. Il y a deux ans, il a accepté de prendre la tête de l’Agence antidopage russe (Rusada) pour faire le ménage dans le système de dopage organisé mis au jour par le rapport McLaren en 2016. Il a commencé à licencier tout le monde, pour partir sur de bonnes bases dans cette mission titanesque, que certains voient comme une trahison et qui lui vaut des menaces quotidiennes dans son pays.
Ça ne l’empêche pas de la poursuivre, comme il l’a expliqué dans une interview accordée à L'Equipe ce mercredi. « En Russie, on ne me donne pas la parole, on estime que je participe à la promotion des idées américaines contre les intérêts de la Russie, indique-t-il. [Mais] nous avons de plus en plus de supporters. (…) Nous réussissons à tenir, à nous développer. »
Youri Ganous doit faire face à la méfiance du ministère des Sports et de la majorité des fédérations. Comme celle d’athlétisme, qu’il critique vertement, à neuf jours des Mondiaux à Doha. « J’ai appelé à la démission de tous les dirigeants de cette Fédération. Nous coopérons avec l’IAAF (la Fédération internationale d’athlétisme), nous menons des enquêtes. L’échelle des dérives y est juste folle ! C’est un problème de système (…) parce qu’il y a des preuves de l’intervention d’une autorité supérieure », dit le directeur de la Rusada.
La Fédération russe d’athlétisme est suspendue de toute compétition internationale depuis novembre 2015 et les révélations d’un vaste scandale de dopage institutionnel. L’IAAF doit une nouvelle fois examiner ses progrès en matière de lutte antidopage le 23 septembre lors de son Conseil, pour décider d’une réintégration ou non de la Russie avant les Mondiaux (27 septembre – 6 octobre).
« La vérité est de mon côté »
Plusieurs révélations ont secoué en juin la fédération russe, concernant des entraîneurs suspendus pour dopage toujours en fonction, ou l’aide que la fédération d’athlétisme aurait apporté au sauteur en hauteur Danil Lysenko, en fabriquant de faux documents pour justifier des contrôles antidopage manqués.
« Tant que nous ne serons pas honnêtes avec nous-mêmes, la communauté internationale ne pourra pas lever la sanction de la Russie. Nous arrêterons ce désastre au moment où nous admettrons que la punition est inévitable et que personne ne se soustraira à ses responsabilités », estime Youri Ganous. Un discours qui ne plait pas à beaucoup, on s’en doute, et qui rend la tâche périlleuse. Dangereuse, même ? « Non, la vérité est de mon côté », croit cet ancien expert indépendant de l’anticorruption au ministère de la Justice.