Copa América: «Apaisé» mais «perdu sur le terrain», comment Messi a changé depuis son retour avec l'Argentine
FOOTBALL•Messi et l'Argentine affrontent le Brésil en demi-finale de la Copa América, ce mardiAntoine Huot de Saint Albin
L'essentiel
- Messi est revenu en sélection argentine en mars après huit mois d'absence.
- Durant cette Copa América, il apparaît beaucoup plus tranquille et plus ouvert que d'habitude.
- Mais sur le terrain, c'est plus compliqué, avant la demie face au Brésil, ce mardi.
«Jésus reviens, Jésus reviens, Jésus reviens parmi les tiens. Du haut de la croix indique-nous le chemin, toi qui le connais si bien. » On n’est pas spécialiste de la musique argentine, mais on est à peu près sûr que ce grand classique de Patrick Bouchitey, dans La Vie est un long fleuve tranquille, a une adaptation propre de l’autre côté de l’Atlantique. Il n’est pas question ici de religion, quoique, mais de football. Abandonnés à deux reprises par leur Messi, les supporters de l’Albiceleste ont supplié le joueur du Barça de revenir parmi ses apôtres, lui qui avait décidé de ne plus guider l’Argentine, défait par les échecs successifs à la Coupe du monde et à la Copa América.
« La sélection, c’est fini pour moi, c’est la quatrième finale que je perds, la troisième de suite, expliquait D10S en 2016. J'ai fait tout ce que j’ai pu, mais ce n’est pas pour moi (…), ma décision est prise. » Cris, sanglots, vidéos hommage dans toute l’Argentine… qui a retrouvé son meilleur joueur finalement deux mois plus tard. « Il faut régler certaines choses dans notre football argentin, mais je préfère le faire de l’intérieur plutôt que de critiquer de l’extérieur, avouait Messi. J’ai sérieusement pensé à quitter la sélection, mais j’aime trop mon pays et ce maillot. »
« Il va falloir me supporter encore »
Deux ans plus tard, une frappe de bâtard de Pavard à la Coupe du monde en Russie accompagnée d’une élimination en quart de finale, et le joueur du Barça est retombé dans ses sombres pensées et ses plus gros cauchemars. Cette fois, pas question, officiellement, de prendre sa retraite internationale. On parlait plus d’une pause, pour se reposer mentalement, surtout. Vous savez, ce break que vous faites lorsque votre couple bat de l’aile dans l’espoir que chacun se ressource, mette les choses au clair, pour mieux se retrouver ensuite. « Quand il va jouer pour la sélection, justement ou injustement, on le critique, expliquait Carlos Tevez. C’est mauvais pour la sélection et lui. Je le comprends, car j’ai été dans cette situation. »
De retour en sélection en mars pour préparer la Copa América, Leo Messi a tenu à mettre les choses au clair, lors d’une interview à la radio argentine FM Palermo 94.7 :
« Mon fils me demande parfois : "Mais pourquoi on te flingue toujours en Argentine ? Pourquoi ils ne t’aiment pas ?" Plus rien ne me surprend. On invente des trucs sur moi. Tout ça me gave. Mes proches ne voulaient pas que je revienne en sélection. Mais je joue pour moi, ma famille, et ceux qui m’aiment. Pour tous les autres, il va falloir me supporter encore, car j’ai envie de gagner quelque chose avec mon pays. » »
Une équipe en transition
Pour gagner, il faudra attendre encore un peu. Certes, l’Argentine, qui affronte le Brésil ce mardi en demi-finale, peut toujours soulever la Copa América cette année. Mais après une phase de poule plus que poussive, on les voit quand même mal aller au bout. Surtout que Messi est plus que transparent depuis le début la compétition. Pas le fruit du hasard selon Andrés Eliceche, journaliste à La Nacion, qui couvre la compétition : « On est en pleine période de transition. La vieille garde [Mascherano, Biglia, Romero…] n’est plus là et Messi est aujourd’hui entouré de jeunes : 13 joueurs sur 23 avaient moins de 10 sélections avant le début de la compétition. »
Résultat, La Pulga n’a toujours pas trouvé son rythme de croisière. « Il est déguisé en argentin, il a le maillot, sûrement le passeport, mais ce n’est pas vraiment Messi, illustre Omar Da Fonseca, consultant beIN Sport, qui diffusera la rencontre Argentine-Brésil. Il est perdu sur le terrain, déboussolé. Les adversaires ne jouent pas contre l’Argentine, ils jouent face à Messi. »
Ça fonctionne sans Messi
Pourtant, malgré un Messi en deçà, l’Albiceleste a réussi à se qualifier pour les demi-finales de la Copa América, avec un match plutôt sérieux face au Venezuela en quarts. « C’est très bizarre, mais dans cette compétition, Messi n’est pas un joueur important pour l’équipe. C’est la première fois qu’on voit ça, que tout ne tourne pas autour de lui, commente Mauro Cetto, ancien joueur de Toulouse et du FC Nantes. Les nouveaux s’adaptent bien. Ça fait du bien à l’équipe, mais pas à Messi. On trouve des circuits de passes sans lui, c’est nouveau tout ça. »
En d’autres temps, tout le monde s’en serait donné à cœur joie pour se défouler sur l’enfant de Rosario. Mais pas là, pas maintenant, pas après tout ce qu’il a fait. « Il y a toujours une grande attente quand Messi est en sélection, assure Agustin, supporter de River Plate. Mais, en réalité, on n’est pas candidats à remporter le trophée, comme les précédentes éditions. » Moins de pression donc, plus de tranquillité aussi, ce qui influe sur le comportement de Lionel Messi. « Si sur le terrain, il n’est pas présent, émotionnellement, il porte l’équipe, avec beaucoup de relâchement », constate le journaliste. « On ne le voit pas fâché, énervé, ajoute Cetto. Il n’a pas cette négativité qui peut influencer l’équipe, avec une tête basse. »
Une première depuis 134 sélections
Habituellement très discret avec les médias, Leo Messi n’hésite pas à rester une quinzaine de minutes en zone mixte après les matchs, même s’il y a défaite, comme lors du premier match de la phase de poule contre la Colombie (0-2). « Et il le fait avec envie, ajoute Andrès Eliceche. Il est heureux d’être là où il est, comme s’il était en paix avec lui-même. » Autre exemple de ce changement : lors du quart de finale, Lionel Messi s’est mis à chanter l’hymne national ; 134 sélections que le peuple attendait ça. « Ça m’a surpris, ça m’a plu et ça me fait dire qu’il n’est plus dans l’attente de ce que vont penser ou dire les gens sur lui s’il fait telle ou telle chose, explique Mauro Cetto. Il est maintenant au-dessus de ces critiques. »
aPourtant se focaliser sur le comportement de La Pulga n’a pas lieu d’être pour Omar Da Fonseca : « Messi a été tellement critiqué et, aujourd’hui, beaucoup de journalistes argentins veulent se racheter avec Messi. On n’a pas assez apprécié le joueur, on ne l’a pas valorisé. Pour moi, il a toujours été apaisé sur le terrain. Ces histoires qu’il parle plus à la presse, qu’il chante l’hymne, ce n’est pas important. Le principal, c’est le terrain. Le reste, c’est pour décorer les maisons. »