INTERVIEW«Aux Etats-Unis, les petites filles ont la culture du foot»

Coupe du monde féminine: «Aux Etats-Unis, les petites filles ont la culture du foot»

INTERVIEWLa France affronte les Etats-Unis, ce vendredi à 21h, en quart de finale de la Coupe du monde féminine. Ancienne coach de trois internationales américaines, Amanda Cromwell explique les subtilités du système américain
Propos recueillis par Grégor Brandy

Propos recueillis par Grégor Brandy

L'essentiel

  • Amanda Cromwell a mené l’équipe féminine universitaire des UCLA Bruins au titre national en 2013.
  • Pour la coach, « la faiblesse de notre équipe » est « peut-être la défense ».
  • Elle explique comment l’université de Californie parvient à recruter les meilleures joueuses pour renforcer son équipe.

Vendredi, Amanda Cromwell verra trois de ses anciennes joueuses affronter la France en quart de finale de Coupe du monde. Championne universitaire en 2013, la coach des UCLA Bruins a passé deux saisons avec Samantha Mewis et Abby Dahlkemper, et un trimestre avec Mallory Pugh, avant qu’elles ne passent pros.

Car contrairement au système européen, la plupart des joueuses ne quittent pas le système scolaire avant de passer pro. C’est à l’université qu’elles font leurs classes, et certaines facs se battent pour recruter les meilleurs talents. Autant dire que dans un pays où le soccer est le sport roi chez les féminines, Amanda Cromwell occupe une place de choix en tant qu’entraîneuse de l’une des meilleures formations du pays.

Actuellement en France pour suivre le parcours de ses anciennes joueuses, elle a pris le temps de nous expliquer pourquoi le système américain sort tant de championnes, et la petite faiblesse que les Bleues pourraient exploiter.

A quoi les Bleues peuvent-elles s’attendre face aux Etats-Unis ?

L’une des forces des Etats-Unis est le milieu de terrain. Samantha Mewis joue très bien. Rose Lavelle aussi. Devant, avec Morgan, Heath et Rapinoe, les attaques américaines peuvent venir de partout. Il y a aussi une grosse profondeur de banc. Beaucoup de joueuses sont remplaçantes avec les Etats-Unis, alors qu’elles seraient titulaires ailleurs. Le niveau de jeu ne baisse pas quand on a un remplacement. Il augmente même, parce que cette remplaçante veut prouver quelque chose. On a beaucoup parlé de la défense, et c’est peut-être la faiblesse de notre équipe. On est peut-être parfois trop regroupé dans l’axe et on laisse des espaces sur les côtés. Il faudra régler ça avant le match contre la France, parce qu’elles sont très fortes quand on leur laisse ce genre d’espaces libres.

Le système américain est très différent de celui qu’on connaît en Europe. Plutôt que par les centres de formation, les joueuses vont dans des universités avant de passer pro. Est-il responsable en partie des succès de la sélection américaine ?

Chaque système a ses avantages et ses inconvénients. Aux Etats-Unis, on a plusieurs clubs un peu partout dans le pays, plusieurs ligues, des académies de développement, la US Youth Soccer… donc plusieurs niveaux différents. C’est très compétitif. On a beaucoup de bonnes joueuses, de bonnes équipes. Avec le système universitaire, et la façon dont on développe les joueuses, cela donne envie à ces jeunes joueuses de le rejoindre, d’aller à la fac pour le foot et les cours. Elles peuvent aller dans de très bonnes universités, continuer leur carrière, s’entraîner et avoir toutes les ressources nécessaires pour des athlètes-étudiantes. Et aux Etats-Unis, c’est fantastique. Nous avons ainsi deux joueuses de UCLA non-Américaines, en ce moment, à la Coupe du monde : Teagan Micah, la gardienne remplaçante de l’Australie et Jessie Fleming, titulaire avec le Canada.

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Seule Lindsay Horan n’est pas passée par l’université, côté américain. Est-ce que vous pensez que ça rend l’équipe meilleure d’avoir des joueuses qui ont toutes suivi le même chemin ?

Oui, car ça leur a permis de devenir matures, de grandir, de déterminer quelles joueuses elles sont. Quand elles arrivent, à 18 ans, elles jouent avec des joueuses qui ont trois, quatre ans de plus qu’elles. Elles sortent de leur zone de confort. Et plus le temps passe, plus elles deviennent des vétérans dans ces équipes. Elles doivent porter l’équipe sur leurs épaules. Elles doivent s’affirmer, devenir les leaders. Elles ne deviennent pas seulement meilleures sur les plans technique et tactique : il y a aussi un développement du leadership, de la maturité, du professionnalisme. Régulièrement, des joueuses pros qui sont issues de UCLA viennent s’entraîner avec nous pour préparer leur saison. Et elles nous expliquent souvent que nos ressources à UCLA sont meilleures que dans leurs équipes pros. On a un staff dédié, des préparateurs physiques, un staff médical… Ici, tout est pour elles. Les athlètes-étudiantes s’entraînent comme des pros. Il se trouve juste qu’elles vont aussi à la fac. Elles ont beaucoup de choses à faire. Mais leur environnement est parfois meilleur que ce qu’elles trouveront dans des équipes pros. C’est génial pour leur développement sportif, et les résultats le prouvent.

Pourquoi est-ce que les ressources sont meilleures en fac qu’en équipe pro ?

Attention, je ne pense pas que ce soit le cas partout, notamment en Europe. Aux Etats-Unis, Portand et Seattle sont très au point, mais ce n’est pas le cas de tout le monde. Certaines équipes en ligue professionnelle, aux Etats-Unis, n’ont pas de centres d’entraînement aussi évolués. Elles ont des staffs, des préparateurs physiques… Je ne sais pas exactement ce qui leur manque, mais les joueuses pros qui viennent se préparer avec nous, nous répètent régulièrement qu’elles aiment bien revenir ici, parce qu’elles ont tout sous la main. C’est un peu compliqué pour elles, et elles se rendent compte à quel point le système universitaire était agréable.

Vous parlez de « scooting ». Comment est-ce que vous parvenez à trouver des joueuses comme Mallory Pugh, Samantha Mewis ou Abby Dahlkemper ? Et comment est-ce qu’on réussit à les convaincre de rejoindre une fac plutôt qu’une autre ?

Quand je suis arrivée à UCLA, Abby et Samantha étaient déjà là. Mais j’ai recruté Mallory Pugh et Jessie Fleming, par exemple. C’est un processus : on essaie de créer une relation. On les fait venir, elles découvrent le campus, la fac, elles rencontrent l’équipe, le staff. On leur fait découvrir nos équipements, on leur explique comment elles pourraient se développer ici et comment on pourrait les aider à réaliser leur rêve : que ce soit de passer pro, de rejoindre l’équipe nationale, de jouer la Coupe du monde. On leur explique quelles joueuses sont passées par ici, et pas seulement les footballeuses. UCLA est une fac assez impressionnante sur ce point.

Et pour les trouver au départ ?

Nous avons de la chance, parce qu’on a des équipes nationales à partir des U15. Et ces joueuses sont celles sur lesquelles je vais garder un œil plus particulièrement. Pour Mallory Pugh, c’était assez facile, par exemple. Elle était dans les équipes de jeunes et tout le monde avait un œil sur elle. Mais on recrute aussi des joueuses qui n’ont pas encore atteint ce niveau-là.

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Où se situe le foot dans le sport américain aujourd’hui ?

Le foot est très populaire chez les jeunes, même si on a un petit problème chez les filles entre 12 et 14 ans. Certaines décident d’arrêter, d’autres de faire un autre sport. Mais comme je passe beaucoup de temps à recruter des joueuses, à aller sur des terrains, pour voir des filles de 12, 13, 14 ans, je peux vous dire que la génération qui arrive est très forte. Il y a beaucoup de joueuses et il y a cette culture du foot. Les petites filles veulent jouer, elles voient les filles en équipe nationale, elles voient leurs performances, elles voient les ligues pros, et elles espèrent en être un jour.

Est-ce que cette Coupe du monde va changer quoi que ce soit aux États-Unis ?

Je pense qu’elles auront ce qu’elles méritent, avec l’égalité salariale. On en a beaucoup parlé et la fédération va devoir faire quelque chose et s’assurer que la répartition soit plus équitable. Le Wall Street Journal a récemment dévoilé que les matchs des femmes avaient rapporté plus d’argent que ceux des hommes sur le territoire américain, ces dernières années. Je pense que cette Coupe du monde va pointer les projecteurs sur cette inégalité et sur la façon dont on rémunère nos athlètes.