Roland-Garros: «On se marrait comme des imbéciles»... Ce que le fou rire en 2010 a changé (ou pas) entre Nadal et Federer
TENNIS•Il y a neuf ans, Federer et Nadal nous offraient leur plus beau fou rireWilliam Pereira, avec B.V et G.B
L'essentiel
- En dehors des terrains, une scène entre Federer et Nadal est entrée dans la postérité. C’était en 2010, à Cincinatti, pendant le tournage d’un spot pour le « match for Africa » au cours duquel ils ont offert leur plus beau fou rire.
- Les deux joueurs se respectent. Sans pour autant nourrir une vraie relation d'amitié.
Melbourne 2017, Wimbledon 2008, Roland-Garros 2008… Les moments cultes entre Rafael Nadal et Roger Federer sur les courts de tennis sont tellement inquantifiables qu’on ne saurait désigner lequel prévaut sur les autres. Hors des quatre lignes, en revanche c’est plus net : une scène en particulier est entrée dans la postérité. C’était en 2010, à Cincinatti, pendant le tournage d’un spot pour le « match for Africa » opposant les deux rivaux, à l’initiative du Crédit Suisse et de la Fondation Roger Federer. Ça ne vous parle pas ? Mais si, la scène du fou rire de Rafa et Roger. Ça ira peut-être mieux avec un gif.
Tout part d’un échange de regards entre les deux hommes, installés côte à côte dans une salle minuscule sous les spots et le regard d’une quinzaine de personnes. Federer entrera plus tard dans les détails pour la chaîne Eurosport.
« « Ça a commencé parce que j’attendais Rafa pendant un long moment. […] Il faisait très chaud. On avait le script : allez, ça va être super simple, plié en deux minutes. Et on a complètement merdé. J’ai commencé à regarder Rafa et au moment où il m’a regardé, on a rigolé. Ça a duré une bonne vingtaine de minutes ce fou rire, on se marrait comme des imbéciles et à la fin on s’est même mis à jurer car on n'y arrivait pas. C’est l’un de mes moments favoris. On a réussi à faire la prise à la fin, c’est l’essentiel, mais quelle blague ce truc. » »
Ils sont humains
Réussir est un bien grand mot, à mieux regarder la version finale du spot. Entre l’anglais inaudible de l’Espagnol, le regard fuyant du Suisse au bord de l’apoplexie et l’incapacité de Nadal à se retenir de rire après sa dernière réplique, ça respire la bonne marrade. « On ne les voit pas rire, mais on sent bien qu’il s’est passé quelque chose », en sourit encore une source qui a organisé la rencontre.
Le Crédit Suisse finira par diffuser le making-of (3 minutes et 17 secondes de lol en barres) sur son compte Youtube avec l’aval des deux joueurs – Federer trouvera l’idée géniale – dans ce qui constitue aujourd’hui la vidéo la plus vue du groupe bancaire. « A ce moment-là, Roger était n°1 mondial et Rafa n°2 et ils se tiraient la bourre, mais dans cette vidéo on voit bien qu’ils s’entendent bien. C’est sans doute la raison pour laquelle elle est devenue aussi virale et pourquoi les gens l’aiment tant : ils ne sont pas concentrés comme en match. Ils sont humains. »
Il y a toujours eu du respect entre Nadal et Federer. D’ailleurs, vous pouvez poser la question de la relation entre les deux rivaux à Pierre, Paul ou Jacques (en l’occurrence Juan-Carlos Ferrero, Lionel Chamoulaud et une poignée de journalistes suisses et ibères), « Ils se respectent énormément » reviendra inévitablement dans la discussion. Chamoulaud : « Ca se voit encore aujourd’hui. Quand Rafa ouvre son académie, il demande à Roger de venir et Roger est là. C’est un exemple parmi d’autres. »
Pas des amis, mais « de très bons compagnons »
L’épisode du fou rire est important parce qu’il marque un tournant dans la manière dont le public perçoit les rapports dans l’axe « Fedal ». Il rend Nadal plus sympa aux yeux des fans de Federer, dont il était jusqu’alors le bourreau incontestable, allant jusqu’à faire pleurer l’idole en la battant en finale de l’Open d’Australie 2009, et inversement, séduit le public de l’Espagnol, qui voit d’un œil nouveau l’esthète dont le jeu relègue au rang de bourrin leur protégé. Il est d’ailleurs intéressant de lire certains commentaires récents sous la vidéo de la cérémonie de remise du trophée à Melbourne en 2009 et de constater que le respect mutuel a fini par déteindre sur les fanbases.
A propos du fou rire, Federer dira plus tard que « beaucoup de choses sont sorties de tout ça. » De l’amitié ? Difficile à dire. En 2012, Toni Nadal évoquait une relation de profond respect mutuel, mais pas d’amitié. « Rafa préfère celles qu’il entretient avec David Ferrer ou Feliciano Lopez. » Sept ans après, il semblerait que tout ceci ait évolué, sans pour autant franchir le cap de la bromance. Explications de Nadal en avril dernier au détour d’une opération de com’ avec Movistar. « Pour moi, la langue est un obstacle à l’établissement d’un lien aussi fort qu’une amitié, par exemple avec Roger Federer. Je dirais que nous sommes de très bons compagnons. » Lionel Chamoulaud poursuit :
« « Chacun a sa vie, chacun a sa personnalité. Comme ce sont des garçons intelligents, ils se sont rendu compte qu’en étant l’un face à l’autre, ils sont encore plus forts que s’ils étaient arrivés l’un après l’autre. » »
Un rapprochement preuve d’intelligence, donc. Et signe d’intérêts communs face à un adversaire, Novak Djokovic, qui s’est encore dit jeudi motivé à l’idée de marquer l’histoire de ce sport et menace leur suprématie ? « Pour être clair, ils ne peuvent pas se saquer. Federer, Nadal et Murray se respectent, mais Djokovic ce n’est pas leur tasse de thé », assurait un connaisseur du circuit, début mai. Le vaincu du 39e Roger Federer vs Rafael Nadal vivra forcément mal son revers, mais aura moins de mal à l’accepter si le vainqueur de l’affrontement ramène la coupe à la maison dimanche. En revanche, si Djokovic venait à gagner Roland-Garros, pas sûr que ça fasse marrer grand monde chez Fedal.