TENNIS20 ans et déjà immense... Comment Tsitsipas est devenu un héros grec

Roland-Garros: 20 ans et déjà immense... Comment Stefanos Tsitsipas est devenu un héros grec

TENNISEn à peine plus d’un an, Stefanos Tsisipas, premier joueur de tennis grec de très haut niveau, est devenu une énorme star dans son pays. Ce dimanche, l'espoir de 20 ans, déjà sixième mondial, défiera Stan Wawrinka, en huitièmes de finale de Roland-Garros
Nicolas Stival

Nicolas Stival

L'essentiel

  • Stefanos Tsisipas, 20 ans et déjà n°6 mondial, défiera ce dimanche en huitièmes de finales de Roland-Garros le Suisse Stan Wawrinka, 34 ans, vainqueur du tournoi en 2015.
  • Les victoires tonitruantes du jeune Grec, notamment contre Federer et Nadal, ont permis au tennis de sortir de l’anonymat dans son pays, qui le rêve déjà en meilleur joueur du monde.

A Roland-Garros,

Il n’était pas au courant. En dominant ce samedi en quatre manches le Serbe Filip Krajinovic, lors d’un match commencé la veille, Stefanos Tsitsipas (20 ans) est devenu le premier Grec à atteindre les huitièmes de finale de Roland-Garros depuis Lazarios Stalios en 1936.

« Waow, vous me l’apprenez, s’est exclamé le numéro 6 mondial lorsqu’on lui a sorti l’information, dénichée au milieu des 102.917 stats pondues chaque jour par l’organisation du tournoi. C’est un petit pays. On n’a pas tellement de joueurs de tennis en Grèce, mais je suis fier d’être le premier de l’ère Open. Il y a encore plein d’autres records à battre, je pense. »

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Tsitsipas a déjà bien commencé, puisqu’il est devenu au mois de mars le premier joueur de son pays à intégrer le top 100 de l’ATP. Et c’est loin d’être fini. Car s’il y a un jeunot capable de bousculer (enfin) la Trinité des trentenaires (Nadal, Djokovic, Federer), c’est bien cet athlète d’1,93 m pour 85 kg, au revers à une main aussi soyeux que sa longue chevelure blonde ondulée.

« Depuis une année, son évolution a été impressionnante, c’est un joueur incroyable, juge Stan Wawrinka (34 ans), son prochain adversaire, ce dimanche en huitièmes de finale. Il a réussi à aller loin dans les grands tournois. Il a battu Roger [Federer] cette année en Grand Chelem [en 8es de finale de l’Open d’Australie] et "Rafa" [Nadal] sur terre [en demi-finale à Madrid]. »

« L’une des deux stars du sport grec »

Ses exploits ont éveillé en Grèce une passion pour une discipline jusque-là surtout considérée comme un aimable loisir. « Aujourd’hui, c’est l’une des deux stars du sport grec, avec le basketteur Giánnis Antetokoúnmpo [Milwaukee Bucks, NBA] », assure Vicky Georgatou, du site sportif SDNA. A Roland-Garros, elle est la seule reporter de son pays accréditée, même si un photographe d’un autre site est également présent. La journaliste suit le tennis lors des grands tournois depuis 2011. Autant dire que longtemps, elle s’est sentie aussi seule qu’un spécialiste de rugby à XIII au Portugal.

Vicky Georgatou, rare journaliste grecque spécialiste de ce sport, écume la planète tennis, comme ici à Wimbledon.
Vicky Georgatou, rare journaliste grecque spécialiste de ce sport, écume la planète tennis, comme ici à Wimbledon. - Vicky Georgatou

Et puis le divin Stefanos est arrivé. Et pas tout seul en plus. Car chez les dames, María Sákkari (23 ans) pointe aujourd’hui à la 30e place, même si elle n’a passé qu’un tour Porte d’Auteuil. « C’est une ère formidable pour le tennis grec », sourit Vicky Georgatou. La journaliste peut même établir la chronologie précise de la « Tsitsimania ».

« « Cela a commencé l’an dernier quand il a joué la finale à Barcelone [défaite contre Nadal, le 29 avril]. Mais ça a explosé avec sa finale à Toronto. Nous étions au mois d’août, il n’y avait pas de foot ni de basket, les sports majeurs en Grèce. Il a battu successivement Thiem, Djokovic et Zverev. Puis, lors de sa victoire contre Anderson en demie, je faisais un live et j’avais 200 commentaires par seconde ! Je ne contrôlais plus rien ! » »

Malgré l'échec final contre Nadal, cela faisait quatre membres du top 10 estourbis dans un même tournoi. Du jamais vu pour un joueur aussi jeune.

Le phénomène s’est ensuite un peu calmé, avant de s’enraciner définitivement en janvier, à l’Open d’Australie, où le futur vainqueur des tournois de Marseille et d’Estoril a poussé jusqu’en demi-finale, pour buter (encore) sur l’obstacle Nadal.

Un grand-père footballeur, champion olympique avec l’URSS

« J’étais à Melbourne, et ma mère m’a dit qu’au pays, les gens étaient fous, s’amuse Vicky Georgatou. Maintenant les enfants se mettent à jouer au tennis, les équipements se vendent de plus en plus. Heureusement qu’il n’habite pas en Grèce, c’est mieux pour sa tranquillité. »

Comme beaucoup de ses collègues, Tsitsipras, qui se prépare régulièrement à l’Académie Mouratoglou, vit paisiblement à Monte-Carlo. Entraîné par son père Apostolos, il baigne dans le tennis depuis ses trois ans, imité par ses deux frères et sa sœur, plus jeunes. Sa mère Julia, d’origine russe, a atteint la 194e place mondiale en 1990. Il ne manque plus qu’à évoquer le papy, Sergei Salnikov, footballeur médaillé d’or en 1956 aux JO de Melbourne avec la sélection d’URSS.

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Des gènes favorables, un physique « bankable » et – pour peaufiner le portrait d’une star – une personnalité ouverte, avec un fort penchant pour les réseaux sociaux où il partage des vidéos très élaborées de ses voyages… et des citations en grec ancien, trouvées sur Internet. « C’est une habitude que j’ai prise, je ne sais pas pourquoi », reconnaissait « Stef » de Monaco après son succès sur Krajinovic. Avant d’avouer : « Je ne parle pas le grec ancien. » Un peu comme si Fabio Fognini tweetait en étrusque.

Des Grecs « persuadés qu’il va devenir numéro 1 mondial »

Est-ce que ce caractère spécial explique aussi la popularité de Tsitsipas ? « Franchement, c’est surtout parce qu’il gagne sur un court, rectifie Vicky Georgatou. Les gens en Grèce sont persuadés qu’il va devenir numéro 1 mondial. » Le prodige a un objectif plus immédiat : remporter son premier titre en Grand Chelem dans une semaine sur le Chatrier.

Si la logique est respectée, il faudra pour cela marcher tout à tour sur Wawrinka, Federer, Nadal et Djokovic… Au pays, on s’est déjà enflammé pour moins que ça. De l’Attique au Péloponnèse, ce début de mois de juin pourrait être torride.