«La Ligue des champions, c'est un autre monde», prévient Michel Seydoux, l'ancien président du Losc
FOOTBALL•L’ancien président lillois a vécu les cinq premières campagnes de Ligue des champions du club nordiste qui s’est qualifié dimanche pour la plus belle compétition européenneFrançois Launay
L'essentiel
- L’ancien président lillois a vécu les cinq premières campagnes de Ligue des champions du Losc à la tête du club.
- Il raconte ce que ça va changer pour une équipe nordiste qualifiée dimanche pour la sixième Ligue des champions de son histoire.
Il a connu les cinq précédentes campagnes du Losc en Ligue des champions. Président du club nordiste de 2002 à 2017, Michel Seydoux connaît tout des avantages et des erreurs à ne pas faire quand on se qualifie pour la plus belle compétition européenne.
Alors que Lille a officiellement décroché dimanche son ticket pour une sixième participation à la Ligue des champions, l’ancien dirigeant raconte son expérience sur la piste aux étoiles.
Quel est votre sentiment après la qualification du Losc en Ligue des champions ?
J’avais tweeté en octobre que Lille serait l’une des équipes de l’année. Chapeau Galtier et chapeau à l’équipe. C’est un travail extraordinaire.
aAu vu de la saison dernière, cette issue semble quand même inespérée…
Quand on arrive dans un club, la première saison est toujours très compliquée. Une fois qu’on commence à comprendre les choses et qu’on prend les hommes qui vont bien avec le projet, ça peut bien se passer. Ils ont évité la catastrophe l’an passé parce que les hommes en place étaient compétents et se sont aperçus des lacunes. Même si on ne pensait pas forcément qu’ils finiraient seconds.
Avez-vous douté quand vous avez revendu le Losc à Gérard Lopez en 2017 ?
Je ne me suis pas inquiété sur les hommes. J’ai toujours eu confiance en Gérard Lopez et je l’ai aidé comme je le pouvais. Mon engagement était vraiment de réussir ma succession. Mais il y a eu une période de doute. Je n’ai pas vraiment eu peur. Il y avait au début un apprentissage sur comment gérer ce club. La première saison a été dure. Le succès aujourd’hui du projet est basé sur trois hommes : Gérard Lopez, Luis Campos et Christophe Galtier. Quand on voit notamment ce que Campos a fait avec Monaco, ça rejoint ce qu’il fait aujourd’hui avec Lille. Il a trouvé des joueurs dont personne ne soupçonnait l’existence (rires).
Que change la Ligue des champions ?
Ça change tout ! Ça apporte de la crédibilité dans votre projet et ça permet de mettre de l’essence dans le réservoir. Quand vous êtes second, vous êtes qualifiés directement. C’est la meilleure configuration. Vous n’avez pas un risque de non-qualification comme ça peut arriver quand on finit troisième. Tout ça permet de faire des prévisions avec des rentrées d’argent beaucoup plus importantes.
En plus, c’est génial car ça va permettre de faire la transition à un arrive à un moment où la Ligue 1 va devenir très intéressante financièrement avec le nouveau contrat des droits télés qui va débuter en 2020. C’est un superbe coup de pouce pour le projet de Gérard Lopez. Vous pouvez travailler dans la sérénité. Vous avez du temps pour préparer la saison prochaine. Vous ne reprenez pas trop tôt. La compétition ne commence qu’en septembre. Vous pouvez même rectifier le mercato jusqu’à fin août. Pour les dirigeants, c’est un vrai rêve. On peut tout prévoir.
Est-ce que ça permet d’attirer de meilleurs joueurs ?
Forcément. Vous devenez quasiment aussi attractifs que le PSG car comme eux, vous jouez la Ligue des champions. Avec la différence que Paris ne laisse pas vraiment sa chance à ses jeunes. Des jeunes que le Losc peut récupérer par exemple.
Qu’est que ça apporte en termes de reconnaissance ?
Dans ce métier, on fait ça pour ça. Ça traduit votre réussite personnelle. Galtier et Lopez, qui ne l’ont jamais connu, passent dans une classe supérieure. La Ligue des champions, ce n’est pas le même monde. Vous êtes dans la cour des grands.
Comment faire pour bien gérer cette compétition ?
Il faut déjà une équipe un peu plus complète pour donner du temps de jeu à tout le monde. Il faut aussi avoir des gens qui sont prêts à assumer mentalement une charge émotionnelle très forte. Il faut arriver à faire ce qu’a réussi l’Ajax Amsterdam cette saison en étant à la fois concentrés, décontractés et insouciants. Il ne faut pas se poser de questions. Le poids n’est pas sur les épaules des outsiders. Le poids, il est sur le PSG pas sur Lille. Si le club va en huitièmes de finale, ce sera le plus gros exploit de son existence. C’est une chance extraordinaire qui s’ouvre au Losc mais il ne faudra pas y faire de la figuration.
Même si le club va perdre Pépé comme vous aviez perdu Hazard à l’époque…
C’est inévitable. Pépé fait une année exceptionnelle et a un potentiel extraordinaire. Il faut que Campos sorte un miracle tous les ans. Quand on a perdu Hazard (vendu 40 millions d’euros en 2012), c’était très différent. Nous, on est champions trop tôt dans notre petit stade (le Stadium). Il fallait qu’on remplisse le stade Pierre Mauroy. Quand Hazard est parti, on a pris des joueurs confirmés qui n’ont pas été brillants tout de suite comme Dimitri Payet. Leur challenge sera de continuer à garder l’équilibre entre l’expérience et la jeunesse qui existe cette saison.
D’un point de vue commercial, que change cette compétition ?
Vous allez pouvoir remplir le stade Pierre Mauroy. La Ligue des champions va redonner un engouement global. Vous allez attirer les sponsors, vous allez remplir vos loges VIP. C’est un vrai cadeau pour le service commercial. Ce n’est plus vous qui appelez le client, c’est lui qui vous appelle ! C’est la grosse différence. Quand vous avez le produit que les gens veulent, ils ont envie de venir. Pour attirer le public dans les grandes villes, il faut du beau spectacle. Et la Ligue des champions au stade Pierre Mauroy, ça a de la gueule ! C’est un stade fait pour ça.
Que retenez-vous de vos cinq campagnes de Ligue des champions ?
Quand vous réussissez un examen, vous changez de catégorie. C’est à peu près cette impression-là. Au début, j’étais un peu éberlué. Je rencontrais des gens passionnants comme à Manchester par exemple. En France, ça vous donne une considération différente de la part des autres clubs de Ligue 1. Comme diraient les jeunes, c’est respect. (rires).
A titre personnel, ce sont des choses qui restent gravées avec par exemple la victoire à San Siro et notre qualification en huitièmes de finale en 2007. Ça a été mon heure de gloire sur la scène européenne. Je regrette juste de ne jamais être allé au Real ou au Barça. Mais si le Losc tombe contre eux, j’appellerai Gérard Lopez pour venir. Je me suis abstenu de tribunes pendant un an et demi, avec la Ligue des champions j’ai envie de revenir.