INTERVIEWGuion aimerait que «les matchs de L1 soient beaucoup plus festifs»

David Guion: «On doit faire en sorte que l’environnement des matchs de L1 soit beaucoup plus festif»

INTERVIEWDeuxième partie de notre entretien avec David Guion, entraîneur du Stade de Reims
William Pereira

Propos recueillis par William Pereira

L'essentiel

  • Deuxième partie de notre entretien fleuve avec David Guion
  • L'entraîneur de Reims analyse la Ligue 1 et le foot français
  • Il pointe aussi ses lacunes et érige la Bundesliga en modèle à suivre

Après avoir pris repris avec grand succès le Stade de Reims en Ligue 2, David Guion découvre cette année les joies de la Ligue 1 sur le banc des rouges et blanc. Au vu de la saison de son équipe, à la lutte pour les places européennes, on est en droit de croire que la bascule L1-L2 s’est faite sans mal. Fort de ces trois quarts de saison prometteurs, Guion livre en seconde partie d’interview ses premières impressions sur l’élite, ses individualités, sa densité mais aussi ses lacunes. Spoiler alert : il aimerait beaucoup voir la France s’inspirer de la Bundesliga.

C’est comment, la Ligue 1 ?

C’est ce que j’avais expliqué en fin de saison dernière. Pour moi le gros changement par rapport à la Ligue 2 c’est cet environnement médiatique. Après bien sûr on rencontre des joueurs avec des qualités individuelles exceptionnelles qui peuvent déverrouiller des matchs à eux seuls. Mais voilà, on s’attache toujours comme en Ligue 2… Là je prépare Strasbourg comme si j’allais préparer un match à Orléans l’année dernière. Je cherche les mêmes choses, ce qu’il faut attaquer, où il faut faire attention. Dans le travail en lui-même, pas grand-chose ne change. Après, il faut savoir appréhender tout l’environnement, qui soit interne ou externe, de façon à bien protéger son groupe et qu’on puisse continuer à progresser sans être trop pollué.

Que faites-vous pour vous adapter à ces individualités ? Les Neymar, Mbappé, Pépé, etc., vous avez des stratégies contre eux ?

Vous savez, on peut pas… On essaye toujours de trouver des solutions collectives. Parce que si on joue ces équipes-là, si on essaye de faire des choses en se focalisant sur l’individu on va manquer de réponses. On essaye de trouver la solution d’un point de vue collectif en mettant en place un plan de jeu et pour l’instant ça nous réussit pas trop mal.

C’est une erreur donc pour vous de se focaliser sur les individualités adverses ?

Ça dépend, il faut être en capacité de réduire les points forts de l’équipe adverse, sans négliger non plus sa propre identité. C’est des choses qu’on a bien fait contre Lyon, contre Lille à l’aller, donc voilà, on a essayé de réduire leurs points forts tout en étant nous-mêmes sur des moments du match et c’est à travers ces matchs que les joueurs prennent confiance.

On évoquait la dernière fois la progression des joueurs notamment les plus expérimentés. Des trentenaires qui tournent à fond on en voit énormément en Italie, peut-être un peu moins chez nous. Comment l’expliquer ?

Je pense que par rapport au foot italien, nous les garçons quand ils ont 16, 17, 18 ans ils jouent déjà. En Italie faut attendre 22, 23 ans pour jouer à moins d’avoir un phénomène comme là dernièrement Moise Kean. Sinon, pas avant 22, 23 ans. Ce qui fait que les joueurs n’ont pas tout tout de suite, et ils arrivent un petit peu plus tard et ils sont très bon à la trentaine. Nous, on est un pays formateur, on leur donne leur chance très tôt et au bout de 22, 23, 24 ans ils veulent déjà chercher ailleurs autre chose… Donc le fonctionnement n’est pas le même.

Vous parlez donc des individualités comme un des points forts de notre championnat. Quelles en sont les autres forces, quelles en sont les faiblesses ?

Je pense qu’on a un championnat très dense, c’est une certitude. On a un championnat où on a quelques individualités qui font la différence dans les grandes équipes et puis on a un championnat qui a mon sens, tactiquement est aussi relevé parce que c’est très dur de gagner un match en Ligue 1. A part le PSG, on sait qu’on est tous très proches, on sait qu’on peut gagner contre tout le monde et perdre contre tout le monde. Il y a cette particularité dans ce championnat de Ligue 1.

David Guion
David Guion - Jean-Charles Gutner / SIPA

Qu’est-ce qu’il manque encore à ce championnat pour évoluer un cran au-dessus ?

Peut-être prendre un petit peu… Je pense que ce qui serait vraiment intéressant ce serait se tourner vers ce championnat allemand où je trouve qu’il y a tout un environnement qui permet aujourd’hui aux joueurs de jouer libérés, de jouer pour aller marquer un but de plus, avec de l’intensité. Il faut faire en sorte que l’environnement autour des matchs soit beaucoup plus festif que ce qu’il ne l’est en Ligue 1. En Espagne c’est la culture du jeu, en Italie c’est la culture du résultat et en Angleterre celle de l’intensité. Je trouve que l’Allemagne réunit ces trois aspects-là et dans un superbe environnement, les stades sont pleins. Il faut qu’on se tourne vers ça.

Paradoxalement c’est l’un des footballs, sinon le football vers lequel on se tourne le moins, parmi ceux que vous citez…

Parce que tout simplement très peu de joueurs étrangers qui viennent en Allemagne, peut-être aussi parce que le pouvoir économique est moins important qu’en Angleterre. Mais en Angleterre, si on enlève les matchs du Top 6, les matchs sont pas obligatoirement très, très intéressants… Tandis qu’en Allemagne, Wolfsburg qui doit être 12 ou 14e… Schalke aussi, tout ça c’est des belles équipes et des stades magnifiques.

Vous avez l’air d’accorder beaucoup d’importance à l’ambiance dans les stades…

Oui, oui. C’est un spectacle, faut pas l’oublier. Sur la pelouse, autour. C’est important pour les joueurs, c’est une source de motivation extrinsèque qui est à mon avis déterminante.

Que pensez-vous de la gestion de nos supporters, de nos ultras en France ?

Ça dépend de qui on juge, de quel club. Il y a des clubs qui sont vraiment très ancrés. Après il faut faire attention aussi en France, les supporters sont là pour soutenir leur club dans les bons, les mauvais moments, et faut pas qu’ils sortent de ce cadre. Il faut juste faire attention à ça. Après on a quelques clubs emblématiques en France aussi, mais pas suffisamment encore. Il y a encore beaucoup de clubs qui doivent faire des efforts pour attirer leurs supporters.

On n’est pas encore près de voir un mur jaune en L1.

Tout doucement il y a des clubs français qui quand même y arrivent un peu… Mais on n’en est pas encore là. Il y a quatre, cinq clubs en France, on devrait en avoir plus. Sur la seconde partie de classement, à part Nantes, il n’y a pas beaucoup d’équipes qui ont un engouement populaire exceptionnel.

Pour rester sur ces influences étrangères, beaucoup de coachs étrangers ont entraîné en L1 ces dernières années. On les a beaucoup opposés aux entraîneurs français. Comment vous les accueillez, vous ?

Ce qui est intéressant, c’est quand ils apportent une philosophie différente et que nous ça nous interpelle, on regarde. Ça peut être très enrichissant. On s’aperçoit que ces derniers temps, y’a pas eu énormément de bonnes pioches puisque je crois que tous les entraîneurs [étrangers] qui étaient là l’année dernière, tous sont sortis donc c’est pas facile. Notre championnat est très difficile. Maintenant, ces garçons-là si c’est pour apporter quelque chose, si ça nourrit notre championnat bien sûr il faut ne pas les négliger et leur ouvrir la porte. Si ça permet de développer et d’optimiser notre championnat.

Vous avez brièvement côtoyé Claudio Ranieri. Qu’en gardez-vous ?

Ouais, j’avais bien aimé parce que j’y étais allé pour mon BEPF à l’époque. Et j’avais beaucoup aimé les échanges qu’on avait eus ensemble. On sentait que c’était quelqu’un de très rigoureux qui savait ce qu’il voulait faire et encore une fois ce que j’ai beaucoup aimé quand je lui ai demandé des conseils, il m’a dit « surtout j’ai qu’un seul conseil à te donner, sois toi-même ». Et il a raison, parce qu’en fin de compte on est unique et il faut vraiment faire soi-même sa méthodologie par rapport à son environnement, son caractère, sa personnalité et puis essayé d’optimiser tout ça.