Coup de tonnerre aux JO, Liu abandonne
JO2008•La plus grande star chinoise de ces JO a abandonné lundi à Pékin. Un drame national...Stéphane Colineau
Envoyé spécial à Pékin
C'est peut-être le plus énorme des coups de théâtre qui pouvait survenir aux Jeux olympiques de Pékin. Liu Xiang, l'idole d'1,3 milliard de Chinois, attendu comme le messie de l'athlétisme national depuis sa médaille d'or sur 110 mètres haies à Athènes en 2004, a jeté l'éponge lundi midi à Pékin (6 heures à Paris).
Le temps fort de l'édition 2008 des JO ne sera donc pas, comme prévu, la finale qui devait l'opposer jeudi au Cubain Dayron Robles.
Liu Xiang fait son apparition sur la piste ensoleillée du stade olympique un peu avant 11h50. Très vite, il ne semble pas dans son assiette. Il traîne la jambe. Pire, après ses premières foulées d'échauffement, il grimace de douleur.
Liu ne franchit pas la première haie
Il se place dans les starting-blocks, toujours grimaçant. Le silence s'installe dans le stade olympique. Le starter délivre les hurdlers, puis les rappelle immédiatement. Faux départ. Tous les concurrents s'y sont fait prendre, se précipitant sur la première haie.
Liu ne la franchira même pas. Il se tord de douleur. Sa souffrance est trop grande, l'homme de Shanghai se dirige vers la sortie, en prenant soin d'échapper aux journalistes qui patientent en zone d'interview.
Le témoignage troublant de Ladji Doucouré
Témoin privilégié de l'avant-course, le concurrent de Liu Ladji Doucouré, au départ de sa série un peu plus tôt, décrit un peu plus tard cette scène étonnante: «Je venais de le voir sur la piste, un peu avant sa course. Avec mon anglais bizarre je lui fais remarquer que ça fait longtemps qu'on s'est pas vu et je lui demande si ça va. Et lui avec son anglais bizarre aussi il me répond non, ça ne va pas, je suis out, j'ai mal au tendon.»
«Je ne suis pas sûr d'avoir compris alors je lui demande ce qu'il a dit. Il me dit laisse, on se revoit après les championnats, bonne compétition.» Ce témoignage laisse à penser que Liu, conscient de ne pouvoir prendre le départ de sa course, s'est mis en scène afin de se présenter à, son public au moins une fois sur la scène du stade olympique.
C'est une thèse battue en brèche pas le coach de Liu et l'entraîneur en chef de l'athlétisme chinois, quelques minutes plus tard au cours d'une conférence de presse absolument surréaliste.
Le visage grave, les deux hommes font face à plusieurs centaines de journalistes. Lorsque l'un d'eux questionne Sun Haiping, coach de Liu Xiang, sur l'ampleur de sa déception, la conférence de presse bascule.
L'entraîneur de Liu s'effondre en larmes
Sun Haiping, homme mûr et dégarni, s'effondre en larmes. Ses pleurs résonnent dans le micro posé devant lui. Silence gêné dans la salle. Tant bien que mal il se reprend. Puis cède à nouveau.
Ce sera le cas une demi-douzaine de fois pendant l'interview A chaque série de ses sanglots, toujours amplifiés par son micro, les flashs des photographes crépitent comme des mitraillettes.
Abattu lui aussi, mais moins marqué, le patron de l'athlétisme chinois Feng Shouyong livrera l'explication officielle sur l'abandon de Liu. «Il traîne depuis des années une blessure au pied droit. Les médecins l'on toujours soigné du mieux possible, mais elle s'est réveillée samedi 9 août. Samedi dernier Liu allait mieux. Il s'est entraîné à 100%. Mais ce matin la douleur est revenue. Une douleur horrible, insupportable, là où le tendon touche l'os.»
Les accusations de la presse
Ces éclaircissements permettent de rejeter les accusations de la presse, selon laquelle le forfait de Liu était prévisible depuis deux ou trois jours.
«Nous avons vu ces informations sur la blessure de Liu ces dernières heures dans les journaux chinois et sur l'Internet. Mais on ne pouvait pas annoncer son forfait alors qu'hier encore nous pensions qu'il allait courir», se défend Feng Shouyong
Une pression insensée sur le jeune Chinois
L'entraîneur en chef admet que la pression insensée exercée par les Chinois sur le jeune athlète, âgé de 25 ans, a pu avoir un impact négatif sur sa préparation. «Liu nous expliquait que lorsqu'il sortait dans la rue, il voyait sa photo partout. Et quand il allait sur l'Internet, il tombait sans cesse sur des informations sur lui.»
Ne reste plus qu'à demander aux Chinois de pardonner. Feng Shouyong ne doute pas. «Il y a six mois une enquête sur l'Internet a interrogé les Chinois, ils étaient 60% à dire qu'ils comprendraient si Liu ne gagnait pas à Pékin.» Quarante pour cent de la population chinoise, ça fait encore du monde pour lui en vouloir.