Stade Rennais-Betis Séville: Et si l’image d’éternel loser du club breton prenait fin?
FOOTBALL•Rennes accueille le club espagnol en 16e de finale de Ligue EuropaManuel Pavard
L'essentiel
- Le Stade Rennais reçoit le Betis en 16e de finale aller de Ligue Europa ce jeudi, au Roazhon Park à 19 h.
- Rennes espère rompre avec son étiquette d’éternel loser. Quoi de mieux qu’un grand match en Coupe d’Europe pour gagner le cœur des fans de football?
Et si c’était enfin le grand soir pour le Stade Rennais ? Opposé au Betis Seville ce jeudi en 16e de finale aller de Ligue Europa, le dernier club français encore en lice tient là une belle occasion d’en finir avec son image d’éternel « loser ». Une étiquette qui colle aux crampons des Rouge et Noir depuis de longues années, suscitant les inlassables moqueries des supporters rivaux.
Alors, cliché ou réalité ? À Rennes, le qualificatif agace beaucoup, à tel point que le président Olivier Létang en a fait une priorité depuis sa nomination fin 2017, indiquant vouloir inculquer une mentalité de « winner » au club. Mais l’absence de titres récents et surtout les diverses occasions manquées par le Stade Rennais ces dernières saisons ont contribué à façonner cette image au niveau national.
« Quand Rennes lose, ils le font avec un certain panache »
Il faut dire que depuis les deux Coupes de France glanées par le club en 1965 et 1971, le palmarès rennais se lit aussi vite que celui des tennismen français en Grand Chelem. À trois reprises pourtant, les Bretons se sont retrouvés à 90 minutes de la délivrance. Trois finales perdues en dix ans : Coupe de la Ligue 2013 face à Saint-Étienne et surtout Coupes de France 2009 et 2014, à chaque fois contre Guingamp, humiliation supplémentaire pour les supporters rennais.
Pour ces derniers, ces deux défaites face au rival régional ont eu un goût particulièrement amer. « Les deux fois, ça nous a fait très mal, surtout qu’on avait presque l’impression d’avoir fait le plus dur et qu’on arrivait avec l’étiquette de favori », se souvient Alex, fidèle des tribunes du Roazhon Park. « D’habitude, on aime bien se moquer des Guingampais en les appelant paysans mais là, on rasait les murs en sortant du Stade de France. »
Et puis, impossible d’oublier ce fameux Lille-Rennes de 2007, avec cette improbable égalisation lilloise privant le club breton de Ligue des champions à l’ultime seconde de la dernière journée - comble de l'ironie, au profit de Toulouse, autre traditionnel loser. « En plus, ils prennent un but de Fauvergue à la 92e : quand Rennes lose, ils le font avec un certain panache », raille gentiment Antoine, de la Fédération française de la lose (FFL), présent à ce match en tant que supporter du Losc.
Une épopée européenne pour changer d’image
« À chaque fois que quelqu’un dit qu’il supporte le Stade Rennais, il sait qu’il va se prendre une vanne, ajoute Antoine. Mais ce qu'on adore avec les supporters rennais, c’est qu’à part quelques ultras vexés, ils font preuve de beaucoup d’autodérision en général. »
Ce n’est visiblement pas le cas d’Alex qui goûte peu à « l’éternel bashing » à l’encontre de son club. « Le discours sur le Stade Rennais gros loser, à la limite, on le tolère mieux quand ça vient des Nantais. C’est de bonne guerre et on le leur rend bien. Mais sinon, ça nous saoule un peu car on a quand même pas mal progressé par rapport aux années 1980-1990, quand on faisait l’ascenseur. Maintenant, on est un candidat régulier aux places européennes. »
Cette nouvelle dimension, Rolland Courbis l’a aussi constatée lors de son bref passage à la tête des Rouge et Noir, de janvier à mai 2016. « Tout est réuni pour un changement de vision de ce club, le stade et les installations sont superbes, plein de bons joueurs y passent, commente le coach. Je n’ai pas d’explication pour ce côté loser, c’est un concours de circonstances. Je voulais tout faire pour enlever cette étiquette, malheureusement je n’ai pas eu le temps. »
S’il avoue être superstitieux, Rolland Courbis ne croit pas à une quelconque fatalité qui condamnerait le Stade Rennais à la lose. Et pour changer d’image, rien de tel qu’une épopée européenne. Des Verts des années 1970 à l’OM de Tapie en passant par le Bastia 1978 ou l’AJ Auxerre de Guy Roux, plusieurs clubs français ont acquis leur popularité nationale sur la scène continentale.
« Gommer cette malédiction »
Jamais verni en Coupe d’Europe, échouant systématiquement au premier tour ou en phase de groupes jusqu’à cette saison, le Stade Rennais devra pour cela passer l’obstacle sévillan. Pas une mince affaire face à une belle équipe du Betis, actuelle 7e de Liga et réputée pour afficher l'un des plus forts taux de possession en Europe. Mais Rolland Courbis veut croire à « une qualification qui permettrait de gommer cette malédiction ». Le consultant de RMC « trouve le groupe rennais capable de battre beaucoup de bonnes équipes européennes » et donc de rivaliser avec les Andalous. D'après lui, « c'est du 51-49 pour le Betis, à cause du retour à Séville ».
Antoine de la FFL, qui rappelle « l’énorme résignation des supporters rennais », estime que ces derniers « méritent plus que d’autres cette belle aventure européenne. Les victoires sont encore plus belles quand on a vécu autant de frustrations les années précédentes. » Après tout, les exemples de Clermont, champion de France de rugby à sa onzième tentative, ou de l’Atletico Madrid, qui s’est défait de son image de loser depuis l’arrivée de Diego Simeone, montrent que rien n’est figé.
Évoquant un « privilège » que ses joueurs ont gagné avec leur parcours, l’entraîneur du Stade Rennais Julien Stéphan affirme quant à lui que cette place en 16e de finale « prouve que l’équipe est en train de grandir et de se développer ». Au point de définitivement tourner le dos à ses démons ? Premiers éléments de réponse ce jeudi soir au Roazhon Park.