FOOTBALLDe Trezeguet à Ogbeche… Où en est l’Indian Super League?

De Del Piero et Trezeguet à Ogbeche et Machado… Où en est l’Indian Super League?

FOOTBALLIl n’y a plus vraiment de grandes stars dans le championnat indien…
A Mumbai, il n'y a pas une foule immense dans le stade (5.000 de moyenne).
A Mumbai, il n'y a pas une foule immense dans le stade (5.000 de moyenne). - Anupam Nath/AP/SIPA
Antoine Huot de Saint Albin

Antoine Huot de Saint Albin

L'essentiel

  • Au moment de son lancement en 2014, l'ISL avait réussi à attirer de grands noms du football, qui étaient sur la fin de leur carrière.
  • Aujourd'hui, le championnat indien a baissé un peu de niveau avec le départ de ces stars.
  • Le football reste bien derrière le cricket en Inde

Remballez tout de suite votre onze de légende sur FIFA 19. On vous en a concocté un pas piqué des hannetons : James (oui, il faut toujours un point faible) - Zambrotta, Nesta, Lucio, Roberto Carlos - Sissoko, Malouda, Pirès - Del Piero - Trezeguet, Anelka. Tous ces joueurs, dont certains nous ont provoqué quelques frissons (on parle de vous, les Alessandro), ont eu la joie de découvrir la fameuse Indian Super League, une ligue fermée (huit équipes au début, dix aujourd’hui) à la manière de la MLS aux Etats-Unis, lancée en 2014.

Un peu plus de quatre ans après, l’ISL n’a plus vraiment de stars cinq étoiles sur lesquelles s’appuyer. Certes, les noms ronflants étaient plutôt sur la fin de leur carrière, plus là pour encaisser un gros chèque et participer au développement du foot en Inde que pour démontrer leurs aptitudes techniques… Mais passer de Del Piero, Forlan, Ljungberg à Bartholomew Ogbeche (ex-PSG), Kalu Uche (ex-Bordeaux), Modou Sogou (ex-Marseille) ou Paulo Machado (ex-Toulouse et Sainté), il faut bien se mouiller la nuque dans le Gange. Alors, comment en est-on arrivé là ?

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« A partir de la troisième année, ça s’est gâté »

Déjà, en Inde, le foot se heurte à un boss de fin de game assez coriace : le cricket. « La différence entre les deux sports est immense, le cricket est comme une religion ici, nous affirme Akash Khanna, journaliste sportif à NDTV. C’est dans la culture ici que les enfants aient une batte de cricket avant d’avoir un ballon de foot. » Différence de popularité, et donc différence de moyens, aussi. Selon Forbes, en 2017, Hero MotoCorp, constructeur de deux roues, a lâché 25 millions de dollars pour apposer son nom à l’ISL pendant trois ans (comme Conforama avec la L1). En comparaison, le championnat de cricket a reçu 340 millions de dollars de la part de la marque chinoise de smartphones Vivo pour un contrat de cinq ans. Voilà pour le contexte.

« A ses débuts, les clubs de l’ISL ont beaucoup investi dans des marquee players, des joueurs phares, qui venaient disputer le championnat qui durait deux-trois mois, indique l’ancien Caennais Cédric Hengbart, qui a disputé trois saisons en Indian Super League. Cela a entraîné un engouement populaire extraordinaire, à part, peut-être, dans des grandes villes comme Mumbai ou New Delhi, où le cricket supplante tout [on y revient]. A partir de la troisième année, cela s’est gâté. Beaucoup d’agents ont commencé à graviter autour de l’ISL. Et ils sont venus avec des joueurs sud-américains ou africains moyens. Certains venaient par exemple de quatrième division brésilienne. Les clubs pensaient détenir des pépites, mais, dans l’ensemble, ça a été un gros flop. Ces joueurs avaient de très bons contrats, parfois les mêmes que des joueurs européens qui avaient des références. » Et, au milieu de tout ça, les joueurs frissons ont évidemment fait leurs valises.

Changement de format

Ce qui nous donne une équation à zéro inconnue : moins de grosses stars + des joueurs moyens qui les remplacent = le niveau du championnat baisse. « Moi, j’ai été agréablement surpris du niveau, c’est assez dynamique, ça joue à ras de terre, rétorque l’Uruguayen Federico Gallego, qui évolue à NorthEast United, dans la ville de Guwahati, dans l’est du pays. Il y a des erreurs, mais de moins en moins. Il y a des entraîneurs étrangers (Espagne, Angleterre, Pays-Bas) qui apportent leurs idées, et les joueurs apprennent beaucoup. » L’ISL a aussi souhaité donner plus d’importance aux joueurs locaux, pour, notamment, améliorer la sélection nationale (qui s’est fait sortir de la Coupe d’Asie dès la phase de poules cette année). « Le nombre d’étrangers par club est limité à 7, et on ne peut en aligner que 5 en même temps sur le terrain, explique Gallego, qui joue avec Ogbeche. C’est fondamental pour la participation des joueurs indiens. A tous les matchs, un joueur indien de moins de 21 ans doit aussi être aligné. »

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Et, s’il y a moins de stars, c’est aussi parce que le format de l’ISL a changé. Cédric Hengbart détaille :

« Ils sont passés d’une saison de 2-3 mois, à une saison de 8-9 mois. Et vu que la vie est très compliquée en Inde, c’est dur de rester là-bas autant de temps. Avant, les matchs s’enchaînaient, tu n’avais pas le temps de t’ennuyer. Là, comme c’est une fois par semaine, tu passes ton temps à l’hôtel, tu n’as pas la possibilité d’aller faire des activités en dehors. » »

Une impression confirmée par Gallego : « Là où je suis, il n’y a pas grand-chose à faire. La majeure partie de l’équipe vit à l’hôtel et c’est tout. C’est peut-être pour ça qu’il n’y a plus autant de joueurs qui viennent. » Et de gens qui viennent les voir. Car pour assister à un duel Sogou-Machado, on ne s’arrache plus forcément les billets.

« Vu que la saison est longue… »

Ainsi, à Kerala, où a joué Cédric Hengbart, la moyenne de spectateurs sur une saison est passée de 48 000 à 21 000 en quatre ans. Seul le club de l’Atlético de Kolkata (partenaire de l’Atlético de Madrid) a vu sa moyenne de spectateurs nettement augmenter. Pour l’ancien Auxerrois, le nouveau format de la compétition joue aussi un rôle dans cette baisse d’attractivité : « Quand la saison durait deux-trois mois, les gens venaient au stade à tous les matchs, car ils savaient qu’ils n’allaient plus voir de football pendant longtemps. Là, vu que la saison est très longue, dès qu’il n’y a plus rien à jouer, les gens ne viennent plus trop. »

Sur place, les acteurs du championnat semblent néanmoins ravis de l’engouement populaire : « L’ISL est bien organisée et tous les matchs de chaque journée sont télévisés, indique Mikel Guillen, préparateur physique du Bengaluru FC. Dans notre stade, on a une moyenne de spectateurs qui s’élève à 16.000 [fact-cheking : 12.000 en réalité] et quand il y a un match en fin de semaine, on peut atteindre 20.000. » « La quantité de gens qui va au stade m’a vraiment marqué, ajoute, de son côté, Federico Gallego. Les stades sont très grands et les gens poussent vraiment leur équipe. Peu à peu, une culture foot est en train de se former dans le pays. » Si c’est comme en France, comment dit-on footix en indien ?