Le choix de coeur des Turcs d'Allemagne
ALLEMAGNE•La Mannschaft ne profite pas du vivier des footballeurs de la communauté turque…Matthieu Goar
Lors de sa demi-finale de mercredi soir contre la Turquie, l’équipe d’Allemagne n’alignera aucun joueur d’origine turc. Un paradoxe dans un pays qui compte 2,4 millions d’habitants originaires de ce pays. Plus de 500.000 membres de cette communauté — la plus importante d’Allemagne — disposent même du passeport allemand.
Ce sont souvent des jeunes passionnés de foot mais la Mannschaft n’a jamais vraiment profité de ce formidable vivier. Ces dernières années, seul l’historique Mehmet Scholl, 36 sélections, dont le père était d’origine turque, a porté le maillot allemand. A part lui, personne. Sauf peut-être le défenseur Mustafa Dogan, deux sélections à peine en 1999…
Alors qu’elle a intégré des joueurs d’origine polonaise comme Podolski et Klose, l’équipe allemande n’a pas encore réussi à absorber les jeunes espoirs turcs. La raison de ce phénomène trouve ses racines dans la communauté turque. 63% des Turcs d’Allemagne sont en effet arrivés dans leur nouveau pays depuis moins de trente ans. «L’attachement des immigrés à leur pays d’origine reste très fort, raconte Riva Kastoryano directeur de recherche CNRS et spécialiste de l’immigration turque. Dès leur plus jeune âge, les Turcs d’Allemagne sont intégrés à des équipes de foot communautaire. Il existe l’équipe des jeunes Turcs de Hambourg, de Berlin, etc».
Entre la Mannschaft et l’équipe de Turquie, le cœur des «Deukische», ces jeunes immigrés à moitié «deutsch», à moitié «türkisch», bat donc très tôt pour l’équipe au Croissant.
Le choix des footballeurs pro
Celui des jeunes footballeurs pro aussi. Conséquence logique, l’équipe de Turquie profite de ce lien d’allégeance pour garnir ses lignes de joueurs formés en Allemagne. Certains d'entre eux auraient pu choisir de jouer pour la Mannschaft. La star Bästurk avait ainsi préféré s’aligner avec la Turquie alors qu’il habitait en Allemagne et était l'une des stars de la Bundesliga.
Retrouvez le portrait du joueur turc Kâzim
Pendant cet euro, l’exemple le plus symptomatique de ces jeunes à cheval entre deux pays est celui des frères jumeaux Altintop. Ils sont nés en Allemagne mais ont choisi de jouer pour la Turquie. L’aîné, Hamit, est sélectionné à dans le groupe des 23. «Je suis Turc et jouer pour mon pays a toujours relevé de l’évidence. Mes parents sont Turcs. A la maison, on parlait turc, on pensait turc, on mangeait turc», a-t-il expliqué à l’Equipe à propos de son choix de jouer en équipe de Turquie. Un phénomène rarissime en France où les jeunes d’origine immigrée nés en France qui ont le choix, à 18 ans, entre le maillot bleu et celui du pays de leurs parents, investissent souvent le maillot bleu.
«En Allemagne, les Turcs sont turcs et les Allemands sont allemands. Il n’y a pas la question de l’assimilation comme en France. Cela n’empêchera pas la communauté turque de soutenir les Allemands s’ils atteignent la finale», analyse Riva Kastoryano.