ENVIRONNEMENTComment le sport va survivre au réchauffement climatique

COP24: Salles climatisées, Tour de France en Suède ou courses nocturnes... Comment le sport va survivre au réchauffement climatique

ENVIRONNEMENTÇa ressemblera à quoi le sport en 2050 ?….
Bertrand Volpilhac

B.V.

L'essentiel

  • A l'occasion de la COP24, qui se tient du 2 au 14 décembre à Katowice en Pologne, 20 Minutes réalise une série d'articles sur les conséquences du réchauffement climatique.
  • En sport, l'évolution des températures va obliger les différentes disciplines à se réinventer, ou au moins à s'adapter.

Une vague de chaleur et « une source d’inquiétude ». Des températures s’élevant jusqu’à 40 degrés ont étouffé Tokyo cet été, et, de passage dans la future ville hôte des JO 2020, le président du CIO Thomas Bach s’est ému de la dangerosité d’un marathon dans de telles conditions météorologiques. Rien de neuf : il y a quelques semaines, un comité de scientifiques avertissait sur le risque de « mort » pour les athlètes sous de telles chaleurs et réclamait que le départ de la course soit avancé à 5h30 ou 6 heures du matin au lieu de 7 heures. Voire à minuit, comme ce sera le cas à Doha au Qatar, lors des prochains Mondiaux.

Une course aussi médiatique en pleine nuit, voilà l’un des premiers ajustements visibles du sport de haut niveau au réchauffement climatique. Les circonstances sont particulières, certes. Toutes les compétitions de haut-niveau n’auront pas lieu au Moyen-Orient au mois de septembre et le marathon, parmi toutes les épreuves, est celle sur laquelle « l’impact de la température sur la physiologie humaine » est le plus important, explique Jean-François Toussaint, directeur de l’Institut de Recherche Médicale et d’Epidémiologie du Sport (IRMES).

« Pour ce type d’épreuves d’endurance, la température idéale est de 10°C, explique Cyril Schmit, chercheur qui a étudié les problématiques de l’effort en chaleur à l’Insep en vue des Jeux de Rio. Chaque degré d’augmentation au-dessus de 10°, on perd 0,5 % de performance. » Plusieurs études américaines ont ainsi noté au fil des années et de l’augmentation des températures la baisse des performances moyennes sur les 42,195 kilomètres.

Accompagner la performance face à la chaleur

A court, moyen ou long terme, le sport n’échappera pas au réchauffement climatique. De quoi imaginer des marathons olympiques gagnés en 2h30 ou 2h45 en 2050 ? Pourquoi pas. De quoi imaginer aussi des matchs de Coupe du monde tout mollassons au milieu d’un été brûlant. Cyril Schmit développe : « Pendant les 30 à 50 prochaines années, la question qui va se poser c’est : "est-ce que les adaptations que le sport sera capable de faire seront aussi rapides que l’augmentation de la température du globe ?" La réponse est "oui" sur le court terme. Mais à l’échelle de générations ça va prendre plus de temps. Il faudra donc mettre en place d’autres systèmes pour accompagner la performance. »

Il voit trois axes pour cet accompagnement :

- l’acclimatation, à moyen terme : « Habituer le corps au stress de la chaleur, en répétant les exercices en ambiance chaude de manière à apprendre à l’organisme à évacuer la chaleur qu’il emmagasine. »

- le refroidissement, à court terme : « appliquer ou ingérer quelque chose de frais pour refroidir le corps de manière interne ou externe et apporter une aide artificielle pour gérer la chaleur »

- la programmation : « Mettre une compétition à 8 heures plutôt qu’à 20 heures, dans un climat extérieur plus frais, plus à même de dissiper la chaleur du corps. »

Car si l’entraînement va forcément évoluer, le sport va aussi devoir se réinventer structurellement à grosse échelle, ou au moins se modifier. Pour Cyril Schmit, les sports « longs et intenses » comme le marathon, le football, le tennis, le triathlon, et à un degré moindre, le cyclisme sont les plus susceptibles d’être chamboulés. Par exemple, il est inévitable que l’Open d’Australie ne puisse plus ouvrir la saison de tennis en plein cœur de l’été austral. Il n’est pas impensable non plus qu’une Coupe du monde foot en hiver (comme ce sera le cas au Qatar en 2022) devienne la norme.

Une athlète exténuée par la chaleur
Une athlète exténuée par la chaleur - SIPA

Et il n’est pas dingue d’imaginer la réduction des durées de matchs, l'allongement de celles des mi-temps ou la mort de certains événements trop exposés. Que va-t-il advenir du Tour de France quand le mois de juillet sera trop chaud pour nos plates routes ?

« « Il ne va pas s’arrêter, mais il va être adapté, imagine Jean-François Toussaint. On court le prologue en Suède, les premières étapes au Danemark et on arrive en France pour les Alpes. » »

Une étude conduite par l'Université de Waterloo au Canada l'an dernier assurait qu’un tiers des villes hôtes des JO d’hiver ne pourraient plus les accueillir aujourd’hui. Et si les sports de neige sont à part (et on vous en parlera la semaine prochaine), le constat vaut aussi pour les jeux olympiques d’été. Une étude américaine publiée elle en 2016 assurait qu’autour de 2085, il n’y aurait plus sur Terre qu’une trentaine de villes en capacité d’organiser les JO : 25 en Europe, au nord de l’Angleterre (Belfast, Leicester, Malmö, etc.), deux en Asie (Bishkek et Oulan-Bator), deux au Canada et San Francisco. « On pourrait organiser l’intégralité des JO de nuit et en intérieur, mais ça ne sera pas les J.O. que l’on connaît aujourd’hui », résumait alors Kirk Smith, un des directeurs de l’étude.

Le sport en boîte

Le sport en intérieur et climatisé, il existe déjà. La moitié ou presque des stades de foot américains, par exemple, sont couverts. Une aberration écologique qui pourrait devenir le recours universel pour changer sans rien changer. « C’est tout le paradoxe humain, pas que celui du sport, souffle Jean-François Toussaint. On contribue à accélérer les conditions du déclin. Le sport va s’isoler, en fonction des revenus qu’il génère et s’autorise. Ne construire que des arènes climatisées devient la règle, le sport devient en boite ou sous cloche. Tant qu’on aura l’économie pour le faire… Tous les changements climatiques dont on parle n’auront pas d’impact ».

Le sport deviendrait alors cher, très cher. L’organisation de Tokyo 2020 a récemment dévoilé que l’installation de brumisateurs mobiles ou le recouvrement des routes avec de la peinture antichaleur, allaient peser sur le budget de l’évènement. Ce n’est, évidemment, que le début. « Les modifications se feront par le biais direct du réchauffement climatique ou par le biais indirect, conclut Jean-François Toussaint. La déstabilisation économique est plus rapide et c’est sans doute par ce biais-là qu’on risque de voir des changements. Et souvent, ce sont les plus fragiles qui partent les premiers. Le sport amateur, par exemple, risque de devoir mettre la clé sous la porte avant même le milieu du siècle. »