Coupe Davis: Larmes, émotions et adieux... C'était la dernière de Yannick Noah à la tête de l'équipe de France
TENNIS•Yannick Noah a vécu un dernier week-end rempli d'émotion pour sa der' à la tête de l'équipe de France...Aymeric Le Gall
L'essentiel
- Nommé en 2015 à la tête de l’équipe de France de Coupe Davis, Yannick Noah a tiré sa révérence dimanche soir au stade Pierre-Mauroy.
- Malgré la défaite des Bleus en finale contre la Croatie, c’est avec une certaine émotion que le capitaine a fait ses adieux aux Bleus.
De notre envoyé spécial à Lille,
Rideau. C’est au moment où la Coupe Davis dans sa formule actuelle tire sa révérence que le capitaine des Bleus met un terme à son aventure avec l’équipe de France. Les deux évènements ne sont pas liés, mais le symbole est joli quand on connaît l’opinion tranchée de Yannick Noah au sujet de la réforme menée par Piqué et le groupe Kosmos.
L’histoire retiendra que c’est sur une note amère et une défaite incontestable en finale contre la Croatie que Noah nous a dit « au revoir et merci ». Mais on ne garde évidemment pas que cela au moment d’écrire ces lignes. De retour à la tête de l'équipe de France de Coupe Davis en 2015, après avoir déjà remporté deux fois le trophée en tant que capitaine en 91 et 96, Noah a offert un nouveau saladier au tennis français en 2017 après une victoire contre les Belges dans cette même enceinte de Villeneuve d’Ascq.
La fin d’un beau voyage
Emu aux larmes au moment de la Marseillaise entonnée samedi avant le match de double remporté par la paire Mahut/Herbert, le désormais ex-capitaine a expliqué n’avoir pas pu retenir ses sanglots : « C’est la première fois que ça m’arrive. Il y a des choses qui sont remontées. Je me suis dit que c’était peut-être la dernière fois que je la chantais, comme ça, en public. J’ai pensé à ma mère qui était très fière que je sois nommé capitaine de l’Équipe de France. J’ai pensé à elle tout d’un coup pendant la Marseillaise et puis c’est monté. »
Malgré la déception liée au scénario du week-end, les joueurs ont tenu à lui rendre hommage par la voix de Lucas Pouille. « Comment résumer ces trois ans passés aux côtés de Yannick ? Formidable, c’est le seul mot qui me vient à l’esprit maintenant. Ça a été un honneur de faire partie de cette équipe, de vivre tous ces moments avec lui, les bons comme les mauvais et j’espère que malgré la défaite on va passer une dernière bonne soirée tous ensemble. La prochaine fois qu’on se retrouvera ça sera autour d’un dîner avec une bonne bouteille de vin. »
Conscient qu’il tenait là sa toute dernière conférence de presse, Noah a prolongé le plaisir et parlé pendant près de 45 minutes. « C’était un magnifique voyage, une très belle expérience, a-t-il commencé par dire. Je ne pensais pas vivre tant de bons moments durant ces trois années de bonheur. J’ai découvert un nouveau monde, le tennis a changé lors des 20 dernières années, ça n’a pas été simple pour moi d’en comprendre tous les nouveaux codes. Mais je pars heureux, je me suis fait de nouveaux jeunes amis. Ce que je retiens : beaucoup de joie, beaucoup de larmes, de magnifiques moments de vie. Je quitte cette équipe en laissant beaucoup de très bons amis derrière moi. »
Yannick le grand frère
On l’a beaucoup regardé ce week-end sur son banc et on peut au moins vous dire une chose : Yannick Noah n’a pas changé. Toujours cette impression de voir un gosse passionné serrant le poing à chaque belle action de ses joueurs, toujours cette tête de possédé quand il fallait remobiliser ses troupes. Plus qu’un capitaine, il se voyait « comme un grand frère, ou un papa vu l’âge de certains. J’ai essayé de donner tout ce que j’avais, je pense l’avoir donné, et je peux dire qu’eux aussi m’ont beaucoup donné. »
Le capitaine des Bleus ne s’est finalement pas arrêté très longtemps sur cette défaite face aux Croates. Qu’y avait-il de plus à dire finalement ? « On aurait pu faire tant de choses différemment, mais c’est trop tard, c’est du passé. On a fait ce qu’on a pu, mais ils étaient plus forts, ils nous ont battus, c’est tout. La barre était trop haute. C’est comme ça », a-t-il lâché, fataliste.
Croisé après la défaite de Lucas Pouille contre Cilic, Thierry Champion, patron du haut niveau à la FFT, a tenu à saluer un homme plein d’éloquence. Un orateur hors pair, un guide qu’on écoute plus que tous les autres.
« En trois ans, j’estime qu’il nous a apporté énormément, c’est un superbe orateur. J’étais en Fed Cup avec lui et je peux vous dire que quand on rentre dans un vestiaire, il sait trouver les mots. Il y a toujours beaucoup de naturel et de richesse dans ce qu’il dit. Quand il a fait un discours au CNE (Centre national d’entraînement de Paris) le jour de l’intégration et qu’il s’est adressé aux jeunes et aux parents, il a parlé 15 minutes, mais ces 15 minutes-là étaient tellement plus fortes que mes deux heures de discours à la con. Ça on ne pourra jamais le lui enlever. » »
« J’en ai fini avec le tennis »
« Très honnêtement, j’espère que Yannick ne va pas partir trop longtemps sur son bateau et qu’il va rester proche de nous parce qu’on va avoir besoin de lui, conclut Champion. Là, on va lui laisser un peu de temps mais on va discuter pour qu’il reste proche de nous à l’avenir. » Pour ne pas le laisser dans le doute, on s’est permis de poser directement la question de son avenir à Noah.
Réponse : « J’ai de très bonne relation avec Thierry et avec Pierre Cherret, le directeur technique. Je ne sais pas si j’ai encore énormément de choses à donner. Je leur ai proposé une forme d’approche différente du fait que je trouve que ce n’est pas normal qu’un pays comme le nôtre ait si peu de résultats. Voilà, j’ai proposé quelque chose que je vais peut-être accompagner à l’avenir mais sinon j’en ai fini avec le tennis. Si je m’y remets, ça sera pour des associations de quartier. Mais le tennis de compétition, c’est terminé pour moi à partir de maintenant. Je repars dans ma vie. J’ai toujours eu des rêves dans ma vie et je vais essayer d’en profiter un maximum. »
Avant de se lever et de quitter la salle sous des applaudissements nourris, Yannick Noah a tenu à dire un dernier mot : « Merci à vous tous, sincèrement, c’était fort, c’était un beau voyage. Maintenant je repars dans mon autre life. Je remercie aussi tous les supporters de l’équipe de France, j’espère qu’il y aura eu plus de beaux moments que de mauvais. Et puis, si un jour on se croise dans la rue, on ira boire une bonne bière ensemble. » Le rendez-vous est pris.