VIDEO. Natation: «A 21 ans, sans bagage scolaire, j’étais à deux doigts d’arrêter»... Alain Bernard veut aider les jeunes nageurs
NATATION•Champion olympique du 100 m en 2008, Alain Bernard raconte son après-carrière…François Launay
L'essentiel
- Alain Bernard était de passage à Lille le 24 octobre.
- L’ancien champion olympique de natation était venu donner une conférence à des étudiants lillois.
- Agé de 35 ans, il est revenu sur ses réussites mais aussi ses échecs de sportif de haut niveau tout en parlant de son après-carrière.
Seul champion olympique français du 100 m nage libre (à Pékin en 2008), Alain Bernard était de passage à Lille ces derniers jours. Retraité des bassins depuis six ans, il est venu rencontrer des étudiants de l’école de management de l’ISEFAC pour raconter ses moments de gloire mais aussi de doute durant sa carrière. Une bonne occasion pour parler des engagements actuels de l’ancien champion qui s’est confié à 20 Minutes.
La conférence que vous avez donnée à Lille s’appelle « Rebondir après l’échec ». Pourquoi parler de ce sujet qui ne semble pas vous concerner au vu de votre palmarès ?
Je pense que beaucoup de champions réussissent parce qu’ils ont échoué et je pense faire partie de ceux-là. Ma carrière n’a jamais été un long fleuve tranquille. On occulte facilement les doutes de tous les jours. Mais avant qu’on arrive derrière un plot pour faire un 100 mètres qui dure 50 secondes, ce sont des années et des années de travail.
Quels sont les gros échecs de votre carrière ?
J’ai eu une grosse déception en 2004 où je loupe ma qualification pour les Jeux d’Athènes pour 19 centièmes de seconde. J’étais à deux doigts d’arrêter ma carrière après ça. J’avais 21 ans, aucun bagage scolaire, un BAC obtenu avec deux ans de retard. Ça a été une grosse remise en question. Mais je me suis obstiné pour participer aux Jeux.
Et quatre ans plus tard, ce n’est pas une participation aux JO mais trois médailles que j’ai eues dont un or remporté avec 11 centièmes d’avance sur le deuxième. C’est le destin. Mais j’ai eu la chance de m’exprimer en temps voulu. Et sans l’échec de 2004, je n’aurais sans doute pas eu cette hargne à construire ça tous les jours. J’avais une revanche à prendre. C’est pour ça qu’il faut croire en soi tous les jours même s’il y a forcément des hauts et des bas.
Quand on devient champion olympique, on le reste à vie Dans ces conditions, est-ce que l’échec ne disparaît pas puisque le Graal a été atteint ?
Au contraire, l’échec est encore plus difficile à gérer à ce moment-là. La période 2008-2012 a été très compliquée à gérer pour moi. C’est le moment où j’ai commencé à gagner ma vie après dix ans passés à vivoter comme 95 % des sportifs français de haut niveau. Après Pékin, j’ai dû gérer les sollicitations médiatiques, les journées partenaires tout en étant performant à l’entraînement. Et ça a été délicat.
Car les doutes liés aux échecs sont amplifiés. Avant, je doutais de moi et il n’y avait que mes copains d’entraînement et mon entraîneur qui le voyaient. Mais là, ça devenait tout de suite médiatique, il fallait justifier pourquoi je nageais moins bien. Ce sont des choses qui donnent matière à réflexion. Il m’a fallu deux ans pour appréhender ça grâce à l’aide d’un préparateur mental qui m’a aidé à coordonner ça.
Vous êtes retraité des bassins depuis six ans. L’après carrière a-t-il été délicat à gérer ?
J’ai eu la chance de faire la transition grâce aux partenaires avec lesquels j’étais en contrat d’image avant. J’ai eu un rôle plus investi auprès de ces marques. J’ai notamment pu devenir consultant chez Eurosport. Ça s’est fait en toute sérénité. Aujourd’hui je n’ai toujours pas pris de décision pour m’engager dans une voie précise.
J’ai un partenariat avec EDF mais aussi MP, la marque développée par Michael Phelps, qui me conduit à rencontrer des jeunes nageurs. Je fais aussi des stages de natation chez moi à Antibes. Je fais également des interventions en entreprise. C’est une façon de transmettre ce que j’ai pu apprendre sur moi. J’ai cette aura [de champion olympique] qui me suit. Et tant que ça suit, j’aimerais continuer dans cette voie.
Vous êtes très attentif aux budgets alloués par l’Etat au sport français. Vous avez récemment signé, avec d’autres sportifs, une lettre ouverte à Emmanuel Macron dans ce sens. Pourquoi ?
Parce que je voudrais que des jeunes bénéficient a minima des conditions que j’ai pu avoir. Et même si elles étaient exécrables jusqu’à mes 15 ans, je ne veux pas qu’elles soient dégradées. Quand on dit qu’on veut X médailles aux Jeux Olympiques et qu’on ne met pas en face les moyens pour y parvenir, ça me frustre. Ce n’est pas cohérent.
Dans quel domaine aimeriez-vous vous engager plus ?
Par exemple, durant mon adolescence, j’ai vécu des périodes au collège où on a essayé de monter des aménagements scolaires pour pratiquer la natation. Mais les proviseurs avaient refusé. Alors que ces aménagements sont capitaux pour la natation qui demande une grande exigence dès le plus jeune âge. Si le programme scolaire n’est pas adapté, on n’a aucune chance de faire éclore des champions.
Et à 18 ans, les champions hésitent entre faire de la natation pour peut-être faire un jour une finale internationale ou faire des études supérieures. Et on perd plein de champions comme ça. En fait l’aménagement scolaire post-bac est très mal aménagé sur le territoire. J’aimerais donc apporter de meilleures conditions dans ce domaine. Il faudrait s’inspirer du modèle anglo-saxon.