JUSTICE«Ça sent mauvais pour lui», et si l’empire Ronaldo s’écroulait?

Accusations de viol: «Ça sent mauvais pour lui»... Et si l’empire Ronaldo s’écroulait?

JUSTICEL’attaquant portugais pourrait bien tout perdre s’il devait affronter un procès aux Etats-Unis…
Julien Laloye

Julien Laloye

Des nouvelles fraîches de Cristiano Ronaldo en provenance du meilleur marché aux poissons de la ville. Le Portugais vient de s’offrir les services d’un certain David Chesnoff, avocat du barreau du Nevada, pour assurer sa défense sur le lieu du crime supposé. « L’homme à connaître si vous avez un problème à Las Vegas », écrivait le Wall Street Journal en 2007. Signe, au moins, que le Ballon d’Or en titre a enfin pris la mesure de l’affaire qui est en train de lui tomber sur le râble, après les révélations du Spiegel et ses dénégations hasardeuses sur Twitter.

« « On a essayé par tous les moyens de connaître sa version à propos de ce qui s’est passé cette nuit-là, raconte Antje Windmann, une journaliste membre de l’équipe qui a sorti l’affaire au sein du quotidien allemand. Ses avocats nous ont intimé de ne pas publier pour des raisons de respect de sa vie privée, mais lui a refusé toutes nos demandes de confrontation. » »

L’ombre de Mike Tyson et Kobe Bryant

La fameuse stratégie de l’autruche poussée jusqu’au bout. Christian Schertz, représentant du footballeur en Allemagne, s’est en effet fendu d’un mail autoritaire à toutes les rédactions françaises, dont 20 Minutes, menaçant quiconque reproduisait « les accusations illégales » du Spiegel de poursuites judiciaires. Une tentative aussi vaine que désespérée. Tous les médias ont mordu à l’hameçon, y compris aux Etats-Unis. « Le Washington Post, le New York Times, les journaux locaux à Vegas, ils en parlent tous », confirme Mark Shaw. Ancien avocat de la défense dans les affaires criminelles, analyste juridique pour de nombreux médias et auteur à (très) grand succès aux Etats-Unis, Shaw a couvert de près toutes les affaires judiciaires qui ont concerné un sportif un tant soit peu connu de l’autre côté de l’Atlantique.

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Sans qu’on l’y invite, il dresse la comparaison avec Mike Tyson et Kobe Bryant, tous les deux poursuivis par la justice américaine pour les mêmes raisons pendant leur carrière. « L’un a été condamné alors que les preuves étaient faibles, parce qu’il était mal défendu et qu’il a été jugé dans un Etat très conservateur par un jury uniquement blanc, l’autre a échappé au procès alors que les indices étaient concordants, parce que ses avocats ont réussi à détruire la réputation de la victime. Dans tous les cas, les premiers éléments ne sont pas très favorables à Ronaldo. Ça sent mauvais pour lui, et il ferait mieux de se taire et laisser travailler ses avocats plutôt que d’appeler ça une fake news ».



« Le mouvement #MeToo a renforcé sa détermination »

Précisément, Selon le Spiegel, Kathryn Mayorga, la jeune femme (25 ans à l’époque des faits), qui prétend que Ronaldo l’a violée dans une chambre du Penthouse de l’hôtel Palms Place à Las Vegas une nuit de juin 2009, a dans un premier temps refusé de voir son nom apparaître publiquement pour ne pas risquer de voir sa vie analysée à la loupe et déchiquetée par la partie adverse. Avant de changer d’avis, encouragée par l’air du temps. « Mon impression, c’est que ça a été dur pour elle de garder le silence pendant si longtemps à cause de l’accord financier qu’elle avait signé, estime Antje Windmann. Selon moi, elle a compris que parler faisait partie du processus de guérison. Evidemment, le mouvement #MeToo a renforcé sa détermination à mener ce combat. »

Cristiano Ronaldo au club Rain de Las Vegas, en 2009, avec Kathryn Mayorga, qui l'accuse de viol.
Cristiano Ronaldo au club Rain de Las Vegas, en 2009, avec Kathryn Mayorga, qui l'accuse de viol. - WENN.COM/SIPA

La libération de la parole féminine et la chute de certaines idoles de l’Amérique, comme celle de l’acteur Bill Cosby, ont changé le panorama. C’est d’ailleurs pour donner à une plaignante la chance de poursuivre Cosby en justice que le Nevada a porté à 20 ans la période de prescription pour des faits de cette nature en 2017, tandis que les crimes sexuels sont désormais passibles de prison à perpétuité.

« « Pendant longtemps, on a considéré que les femmes qui attaquaient des célébrités le faisaient juste pour l’argent, avance Mark Shaw. Aujourd’hui, c’est totalement différent. On croit des femmes comme Kathryn Mayorga. Si à l’époque, la police de Las Vegas a pu être intimidée dans son enquête par le nom de Cristiano Ronaldo, ce ne sera pas le cas cette fois. Elle va explorer toutes les pistes possibles et faire son travail à fond. » »

A ce stade, on a vite fait le tour des options. Un procès au civil, où la plaignante et l’accusé chercheront un accord sur le plan financier, sans doute largement supérieur aux 200 000 euros pour l’instant réclamé par l’avocat de la jeune fille, ou un procès criminel devant un grand jury avec audiences préliminaires et tout le tintamarre. Une initiative qui dépend exclusivement du « District Attorney », l’équivalent du procureur dans la procédure américaine. Si la police locale a confirmé à 20 Minutes qu’elle avait décidé de rouvrir l’enquête après « de nouvelles informations fournies par la victime présumée », la perspective d’un procès est encore lointaine, selon un avocat pénaliste de Las Vegas interrogé par nos soins.

Nike s’inquiète

Selon Warren Geller, rien ne garantit par exemple qu’un juge admette les documents qui ont conduit le Spiegel à révéler l’affaire en raison de la façon dont ils ont été obtenus [par le biais de Football Leaks pour certains]. « Nous n’avons jamais discuté avec elle de la possibilité d’un procès », explique de son côté Antje Windmann. L’histoire montre pourtant qu’une fois lancée la justice américaine ne fait pas de prisonniers, même avec les stars du sport. Kobe Bryant, pour ne citer que lui, avait été arrêté brièvement avant de devoir se rendre à plusieurs audiences préliminaires devant un tribunal du Colorado. « Dans le cas de Ronaldo, cela conduirait immanquablement les Etats-Unis à demander au Portugal, l’extradition du joueur, éclaire Mark Shaw. L’impact médiatique serait énorme, Ronaldo est une immense star aussi aux Etats-Unis. »

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On va vite en besogne ? Certains sponsors du Portugais ont déjà commencé à sortir le parapluie. Nike, qui a associé à vie son image à celle de CR7, un privilège seulement accordé à Michael Jordan et Lebron James, n’a pas traîné pour répondre aux sollicitations médiatiques : « Nous sommes profondément préoccupés par ces allégations inquiétantes et nous allons suivre l’évolution de la situation de très près ». Dans la même veine, le site d’EA Sports, a déjà retiré Cristiano Ronaldo de la jaquette de Fifa 19, en sus d’une réaction du même acabit. Une attitude volontariste – au moins dans les mots- qui tranche avec le soutien sans faille déployé par les marques jusqu’ici.

« « Quand nous avons sollicité les sponsors du joueur après nos premières accusations, certains n’ont même pas daigné nous répondre, se souvient Antje Windmann. Il semble qu’ils aient choisi de jouer la montre en attendant de voir comment cela allait évoluer. Au vu de la dimension prise par l’affaire ces derniers jours, ils ont été obligés de réagir. Bien sûr, ces entreprises surveillent de très près tous les évènements qui pourraient nuire à leur réputation. » »

Les seuls à ne rien lâcher pour l’instant, même symboliquement, sont les employeurs sportifs du quintuple Ballon d’Or. La Juventus Turin, obligée d’effectuer un effort financier considérable pour arracher l’attaquant au Real Madrid cet été, s’est fendue d’un tweet quelque part entre lunaire et maladroit pour soutenir sa star. « Cristiano Ronaldo a montré son grand professionnalisme et son dévouement au cours des derniers mois, ce qui est très apprécié par tout le monde à la Juventus. Les faits incriminés remontant à presque dix ans ne changent pas cette opinion qui est partagée par tous ceux qui sont entrés en contact avec ce grand champion. » Une initiative qui a coûté 10% à la bourse de Milan au club champion d'Italie.

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La drôle de soutien de la Juventus

La sélection portugaise s’est montrée plus prudente, en choisissant de ne pas retenir le meilleur joueur de son histoire sans en livrer les raisons, tout en ménageant son ego si jamais les accusations devaient s’évanouir : « Je connais bien Ronaldo et je suis sûr qu’il ne commettrait jamais une chose pareille », s’est risqué Fernando Santos, le sélectionneur. Un avis encore partagé par une très grande majorité des supporters de l’attaquant lusitanien, qui ont littéralement assailli d’injures les journalistes du Spiegel à l’origine du scandale.

« On s’attendait à de vives réactions de leur part, concède Antje Windmann. Mais les insultes et les menaces reçues par certains membres de l’équipe sont absolument odieuses. De tels comportements sont inacceptables, même si on peut comprendre l’émotion suscitée par notre article. L’autre chose qui nous a surpris, c’est que certaines réactions positives des lecteurs venaient en fait de fans de Lionel Messi, ravis de voir son principal rival visé par des accusations de viol ». La déferlante ne fait que commencer.