Moins de moyens, van et pédagogie... La VAR qui débarque en Ligue 1 ne sera pas la même qu'en Russie
FOOTBALL•La VAR à la française fait son apparition en Ligue 1 dès OM-Toulouse, vendredi…William Pereira
Scandale au siège de la Fédération française de football. Les deux ou trois dizaines de journalistes invités à une conférence matinale par le DTN de l’arbitrage, Pascal Garibian constatent – après avoir siroté un café et croqué au choix dans des viennoiseries ou une salade de fruits offerts par la maison – qu’une clé USB en forme d’équipement de l’équipe de France les attend. On est fin juillet. Voilà deux semaines que les Bleus sont doubles champions du monde, pourtant, à y regarder de plus près, ladite clé n’est ornée que d’une pauvre étoile. L’indignation est totale.
Mais comme souvent quand il s’agit de clés USB, l’important est à l’intérieur : deux dossiers, dont un PDF de 25 pages sur l’assistance vidéo à l’arbitrage. Attention, ne jamais prononcer le terme « arbitrage vidéo », au risque de froisser Pascal Garibian et l’autre ancien homme en jaune reconverti dans les hautes instances arbitrales qui l’épaule ce jour-là, Fredy Fautrel. Pour que tout le monde s’y retrouve, on préférera employer trois lettres : la VAR, qui fera son apparition en Ligue 1 cette saison dès son coup d’envoi, vendredi, à l’occasion d’OM-Toulouse.
Moins d’arbitres VAR qu’en Russie
Une fois installés et rassasiés – on a choisi la salade de fruits - nous voilà donc face à ce PDF projeté et décortiqué par le binôme, dans une ambiance que l’on qualifiera de bon enfant (ou « sud-américaine » si on s’appelle Ousmane Dembélé). « On aimerait bien, si possible, que cette réunion soit informelle, qu’il y ait de l’échange », commence Garibian, qui a autant envie que nous d’éviter la projection façon cours d’histoire-géo au collège. Un peu raté sur les premières minutes : l’assistance observe et écoute religieusement ce qui se dit sur le bilan de la VAR lors de la Coupe du monde 2018.
- 64 matchs
- 45 faits de jeu vérifiés
- 20 recours à la VAR
- 19 décisions changées (dont 15 sur des situations de penalty)
Le tandem nous dit que ça s’est somme toute bien passé mais qu’il « n’est pas là pour refaire les matchs » quand un confrère tente d’appuyer là où ça fait mal en évoquant la main qui mènera au penalty de Griezmann en finale contre la Croatie. Et puis, surtout, surtout, on nous prévient après déballage des chiffres que la VAR de la Coupe du monde ne sera pas tout à fait celle que l’on verra en Ligue 1. Pas au niveau des règles, vu qu’elles sont établies par l’IFAB (International football association board) mais des moyens mis en œuvre pour assurer l’assistance vidéo.
Pendant le Mondial 2018, quatre arbitres, dont trois assistants, et quatre opérateurs étaient présents dans un centre de visionnage. « C’est quasiment une équipe de foot. C’était un dispositif hors-norme pour sécuriser l’événement », confie Garibian. Et d’annoncer la couleur pour la Ligue 1 :
- Pas de centre de visionnage fixe, les arbitres VAR seront dans un van comme en Italie ou au Portugal. « On espèreavoir un replay center au plus vite », confie-t-il.
- Moins de moyens techniques donc le risque de panne (c’est arrivé en Serie A et en Liga Nos la saison dernière) « est envisagé ». En cas d’incident, capitaines et entraîneurs seraient informés de la mise hors-service du dispositif.
- Au minimum trois personnes dans le van, un arbitre, un assistant et un opérateur. Le nombre d’opérateurs peut doubler s’il y a plus de 12 caméras dans le stade et passer à trois s’il y en a plus de 24.
- Les arbitres VAR compteront dans leurs rangs d’anciens arbitres pro de L1 et L2. Certains sont encore en cours de formation et ne s’occuperont pas de plus d’un match par journée. « C’est un travail qui demande un niveau de concentration extrêmement élevé et qui est donc très fatigant », justifie Fautrel.
En attendant que les Alexandre Castro, Lionel Jaffredo et consorts soient opérationnels et sûrement pour garantir des débuts optimaux à l’assistance vidéo en France, la VAR sera assurée par des arbitres de champ en activité en L2 lors des premiers matchs de Ligue 1. Des gars « formés à la VAR pendant 18 mois », insiste l’ancien arbitre. Bref, l’élite. La crème de la crème du sifflet hexagonal.
Pédagogie auprès des clubs et du public
Au siège de la FFF, le ton informel s’installe finalement. Les questions fusent, Fautrel nous met face à des situations ultra-compliquées comme si nous étions arbitres, dont un cas de possible hors-jeu insoluble malgré 50 rediffusions, deux angles de vue différents et une mise en perspective. Dans ce cas précis, la première décision de l’arbitre central prévaut. Double moralité : l’homme en jaune garde le pouvoir et la vidéo n’est pas infaillible. Garibian :
« « Il faut arrêter de croire que la vidéo réglera tout. La VAR corrigera un maximum de situations. C’est une vérité, mais ce n’est pas la vérité. Le football n’est pas binaire. Il restera humain, même avec la vidéo. » »
D’ailleurs, c’est écrit dans le PDF de la clé USB une étoile : « la philosophie n’est pas de corriger l’ensemble des décisions ou d’obtenir 100 % de bonnes décisions. » Et puis de toute manière, 100 % de bonnes décisions, ça n’existe pas vu que la plupart des actions sont sujettes à interprétation. Bref, la route de la VAR française est pavée de pédagogie et afin d’éviter tout quiproquo sur l’essence même de l’assistance vidéo, Fredy Fautrel est déjà parti prêcher la bonne nouvelle du côté de l’OL, l’OM et Saint-Etienne avec des fortunes diverses. Ainsi, Bruno Génésio estime que le nouvel outil (pas formidable) « risque d’amener plus de polémiques » alors que Rudi Garcia en fait un allié rétroactif qui aurait sûrement permis à Marseille d’accrocher les places en Ligue des champions l’année dernière (on demande à voir).
Dans les stades, les supporters auront également droit à leur séance de sensibilisation à la VAR, dont le fonctionnement sera à la fois expliqué dans les programmes des matchs et à travers un clip vidéo sur les écrans géants des stades avant chaque rencontre (à défaut, l’image ci-dessous sera diffusée et le texte lu par le speaker dans l’indifférence générale).
Le public sera en outre averti en cas d’utilisation de l’assistance vidéo et informé de la décision prise par l’arbitre. Par exemple « but annulé, hors-jeu ». En revanche, il n’est pour le moment pas question de diffuser les actions litigieuses dans le stade histoire d’éviter les ambiances bar PMU grandeur nature. Pour polémiquer, il faudra donc rester devant sa télé.
Contestation, c’est carton
Expliquer, c’est bien gentil, mais rien ne vaut la répression pour avoir la paix (affirmation philosophiquement discutable, on en convient). Et pour les arbitres, « paix » signifie ne pas être encerclé par 22 enragés avant ou après avoir mimé un quadrilatère avec ses index façon M.Caceres pendant Iran-Portugal. « Il est hors de question de voir de tels comportements sur les pelouses de Ligue 1 », sévit Garibian après visionnage des vives protestations de joueurs iraniens après que la VAR a accordé un penalty à Cristiano Ronaldo. « Seul le capitaine sera autorisé à dialoguer avec l’arbitre en cas de situation ou de décision avec la VAR. On veut éviter les comportements déviants. »
Bref, toute contestation liée à la vidéo sera sanctionnée d’un jaune, histoire que ça rentre bien dans le crâne. « De toute façon, il faut que les joueurs comprennent que ça ne sert à rien de contester sachant que toute situation est vue et revue par les arbitres VAR », argumente Fautrel. On en revient toujours à la pédagogie. C’est peut-être ça, la clé.