«A moins qu’un Kilian Jornet ne débarque»... Un coureur viendra-t-il à bout un jour de la Chartreuse Terminorum?
ULTRA-TRAIL•En deux éditions de la Chartreuse Terminorum, aucun coureur n'est parvenu à parcourir... la moitié de l'épreuve sans balisage (300 km et 25.000 m de dénivelé positif au total) inspirée de la mythique Barkley (Etats-Unis)...Jérémy Laugier
L'essentiel
- La Chartreuse Terminorum, avec ses 300 km et 25.000 m de dénivelé positif, est encore très loin de connaître son premier finisher.
- Les deux derniers concurrents ont lutté pendant 40 heures avant d’abandonner samedi à 3 heures, à moins de la moitié des cinq boucles de l’épreuve.
- La Barkley, modèle de la Chartreuse Terminorum, a mis dix ans avant d’avoir un vainqueur. Qu’en sera-t-il pour la redoutable course iséroise ?
Valéry Caussarieu et Laurent Gueraud sont les deux vainqueurs officieux de la deuxième Chartreuse Terminorum. Après 40 heures de course (de jeudi à samedi), ils ont fait mieux que le plus résistant concurrent de l’édition 2017, Gaëtan Janssens. A savoir parcourir… près de la moitié de l’épreuve considérée comme la plus dure en France dans le monde de l’ultra-trail avec ses 300 km et 25.000 m de dénivelé positif. Le tout en autonomie, sans balisage ni recours au GPS et avec une quinzaine de livres à retrouver dans chacun des cinq tours dans les environs de Saint-Pierre-de-Chartreuse (Isère).
Une véritable « Barkley à la française » conçue par Benoît Laval, fondateur de la marque Raidlight ayant puisé toute son inspiration en participant en 2016 et en 2017 à la mythique course d’environ 200 km dans le Tennessee (Etats-Unis). « L’objectif n’est pas de proposer la course la plus dure au monde mais nous souhaitons qu’elle soit à la limite du faisable, avec 1 % de finishers », explique le directeur de cette Chartreuse Terminorum. Sur la Barkley, il a fallu attendre la dixième édition pour voir un coureur arriver dans les temps (15 finishers au total… depuis 1986 !).
Le package boue, pluie, grêle et descentes dans la neige au programme
Qu’en sera-t-il dans cette course iséroise où personne n’a encore su conclure ne serait-ce que trois tours sur cinq dans les temps ? La boue, la pluie, la grêle et des descentes assez dingues dans la neige n’ont pas vraiment aidé les 39 participants cette année. « On ne peut quasiment jamais courir tant le parcours est technique, et avec un enchaînement incessant de montées et de descentes. Il faut vraiment avoir envie d’en baver », explique JD Barth, qui a conclu sa première boucle une heure trop tard (17 heures au lieu des 16 heures programmées pour rester dans les délais).
« Sur la ligne de départ, les rares coureurs croyant un peu pouvoir finir la course étaient des novices, confie Bertrand Lellouche, lui aussi éliminé après une première boucle hors délais lors des deux premières éditions [22 heures au lieu de 16 vendredi]. Le niveau a eu beau grimper par rapport à 2017, les meilleurs pouvaient juste ambitionner conclure trois tours. Chacun cherche surtout à voir jusqu’où il est capable d’aller. »
« J’ai vu des lutins sur les arbres et des feuilles se transformant en animaux »
Si ce coureur de 50 ans a conclu des redoutables courses d’ultra-trail comme l’UTMB, la Diagonale des Fous (La Réunion) et le Tor des Géants (330 km en Italie), il sait que la difficulté est encore tout autre ici, avec un seul ravitaillement tous les 60 km et surtout cette absence de balisage. « Le cerveau peut se reposer dans un ultra-trail, explique Bertrand Lellouche, auteur de l’ouvrage Trails et ultras mythiques. Là, on bouffe une énergie assez monstrueuse en devant gérer la navigation qui prend bien selon moi 25 % du temps total passé sur la course. »
C’est pourquoi de nombreux duos s’organisent « pour moins s’épuiser mentalement », comme Valéry Caussarieu et Laurent Gueraud l’ont fait pour vivre durant 40 heures l’aventure, jusqu’au milieu de leur deuxième nuit, au cœur de la forêt domaniale de Grande Chartreuse, non sans quelques hallucinations. « Avec le manque de sommeil, j’ai vu des lutins sur les arbres et des feuilles se transformant en animaux », a ainsi indiqué Laurent Gueraud au Dauphiné Libéré.
« Il faudra attendre un paquet d’années »
Alors, à quand un premier finisher dans ces conditions si extrêmes ? « Je trouve cette course presque plus difficile que la Barkley, lance Laurent Gueraud. Il faut courir régulièrement, sinon on ne passe pas la barrière horaire. Je ne sais pas qui fera les cinq tours… »
Un sentiment partagé par JD Barth : « Il faudra attendre un paquet d’années et peut-être l’arrivée de coureurs américains de niveau international. Ils sont plus habitués à être livrés à eux-mêmes que nous ». Bertrand Lellouche se fend d’un pronostic des plus précis : « J’imagine mal un vainqueur avant 2022. A moins qu’un Kilian Jornet ne débarque… »