FOOTBALLComment Deschamps a presque donné envie d’être réserviste dans ses listes

Coupe du monde 2018: «Il veut éviter une tragédie humaine», comment Deschamps a presque donné envie d’être réserviste dans ses listes

FOOTBALLFidèle à ses habitudes, le sélectionneur tricolore annoncera une liste de 23 partants sûrs et sept joueurs réservistes pour le Mondial en Russie jeudi soir sur TF1…
Julien Laloye

Julien Laloye

Supporters ou pas, remercions tous ensemble l’OM pour son parcours européen. Dix jours à en faire des tonnes sur une finale de Ligue Europa valait toujours mieux que dix jours à se tripoter le cerveau sur la liste à DD sur l’air de « kikietdedans et kikietpadedans ». Les débats sont toujours les mêmes : onze titulaires qu’on connaît à un ou deux choix près, cinq ou six remplaçants prêts à bondir, et cinq potes de chambrée, chargés de choisir entre Booba et Magic System pour la bande-son de l’aventure.

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Une satisfaction partagée entre tous : chacune de ces places est meilleure que celle du réserviste, le fameux type dans le paysage là-bas au loin, en flou et en tout petit. Celui qui reste dix jours à Clairefontaine mais qui ne prend pas le même avion que les copains au moment du départ. Celui à qui on demande de s’entretenir physiquement « au cas où » quand il a juste envie de vous envoyer une tarte dans la figure et de partir aux Maldives pour tout oublier.

Surtout, faire tout le contraire de Jacquet

Hasard du temps qui passe. A cinq jours près, Deschamps livrera le nom des fameux réservistes vingt ans après la funeste nuit des taxis du 22 mai 1998. C’est un souvenir un peu biaisé d’ailleurs. La plupart des bannis les plus connus du foot français sont rentrés chez eux dans la voiture d’un ami, d’un frère, d’un agent. Karim Nedjari, ancien journaliste au Parisien, revient sur le destin des grands perdants de l’histoire dans un livre qu’on conseille à tous les nostalgiques de cet été glorieux ( La nuit des Maudits, aux éditions Fayard). Martin Djetou, Nicolas Anelka, Lionel Letizi, Sabri Lamouchi, Pierre Laigle, Ibrahim Ba.

La Nuit des Maudits ou le destin contrarié des six bannis de 98.
La Nuit des Maudits ou le destin contrarié des six bannis de 98.  - Fayard

L’errance de Lamouchi dans les rues de Paris, le détachement apparent d’Anelka, la colère de Ba qui repense à cette embrouille avec Deschamps en Série A qui a peut-être causé sa perte, les mots incroyables de maladresse de Jacquet à la presse le lendemain (« Les absents ont été éradiqués au nom de la collectivité »), chaque ligne du bouquin se savoure comme une madeleine de Proust malgré les histoires cruelles qu’il dépeint.

Le rapport avec ce qui nous occupe aujourd’hui ? Comprendre à quel point cette nuit tragique a façonné le Deschamps sélectionneur. Le Deschamps capitaine n’était pas encore arrivé au Château le jour de l’éviction en 98, mais la légende murmure qu’il savait, comme un ou deux cadres, de quoi il en retournerait à la fin du bal. Nedjari :

« Il savait au moins les options probables, c’est sûr. Mais dans tous les cas, il a vécu de l’intérieur le traumatisme vécu par le groupe lors de l’annonce de Jacquet. Depuis 2014, il a donc construit ses listes en partant d’un principe simple : mieux vaut une addition qu’une soustraction. Ou dit autrement. Il est préférable de donner du bonheur à celui qui rentre que d’ajouter du malheur à celui qui sort ». »

C’est le fameux coup de maître du 23+7, un des plus belles trouvailles de DD pour dédramatiser un moment de la vie de groupe secondaire au regard de l’enjeu final. On ne gagne pas une Coupe du monde à 30 ou à 23, on gagne une Coupe du monde grâce au talent suprême de deux ou trois types au-dessus du lot au bon moment si on a de la chance (Mbappé, Pogba, Griezmann). Partant de là, le nom du 29e coché par le staff des Bleus, c’est de l’écume. Il suffit juste de s’épargner le mélodrame d’un départ en catimini ou en hélicoptère, comme en 2008, quand deux petits malins (Nasri et Benzema) venaient taper à la porte du coéquipier pour lui faire croire qu’il n’en serait pas, sans savoir au fond qui en était ou pas, à part eux.

Deschamps a saisi. Lui voit la place de réserviste comme une récompense plus qu’une punition.

  • Ses réservistes en 2014 >> Ruffier, Cabella, Gonalons, Schneiderlin, Perrin, Trémoulinas, Cabella, Lacazette.
  • Ses réservistes en 2016 >> Ben Arfa, Areola, Gameiro, Lacazette, Rabiot, Schneiderlin, Sidibé, Umtiti.

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Beaucoup de petits jeunes qui peuvent déjà s’estimer contents d’être là, ou des joueurs de devoir un peu juste pour le grand monde. Une exception, seulement : Hatem Ben Arfa, objet de discussions passionnées (avec Benzema) avant l’Euro 2016.​ Mais concernant l’ancien niçois, c’est presque une fatalité : avec quatre présences dans une liste élargie (2008, 2010, 2012, 2016) pour seulement une grande compétition disputée (l’Euro-2012 avec Laurent Blanc), HBA remporte la palme du plus grand réserviste de l’histoire tricolore. Un record qu’il va peut-être devoir partager avec Alexandre Lacazette, déjà déposé deux fois à la gare du coin (2014 et 2016) avant ce jeudi.

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L’avant-centre d’Arsenal fait partie des « probables », comme il le dit lui-même dans une interview accordée à l’Equipe. Probable dans les 23, et à peu près sûr dans les 30, un raisonnement qui s’applique aussi à Thauvin ou Fekir sans qu’il y ait de la place pour tout le monde. Karim Nedjari :

« Deschamps a repoussé sa liste au 17 après la finale de l’OM pour ne surtout pas apparaître comme un DRH calamiteux. Il est probable qu’il ne prenne pas Thauvin et Payet ou qu’il ne prenne que l’un des deux, et il ne veut surtout pas être tenu responsable si les deux meilleurs joueurs marseillais ont le moral dans les chaussettes avant une finale de Coupe d’Europe. Son obsession, c’est d’éviter la tragédie humaine ». »

Le sélectionneur des Bleus fait encore mieux que ça : il y a deux ans, il a inventé sans le vouloir le concept du gars qui passe de même pas réserviste à titulaire en puissance en convoquant Adil Rami après le forfait de Varane, alors qu’Umtiti figurait parmi les sept de réserve. Le Barcelonais a fini par se faire sa place au talent, parce que c’était inéluctable, et le message envoyé devenait double : vous êtes réserviste ? Si ça se trouve, vous serez titulaire en finale de la Coupe du monde. Vous n’êtes même pas réserviste ? Si ça se trouve, vous allez disputer le match d’ouverture. Si ça ne s’appelle pas concerner tout le monde jusqu’au bout, on n’y connaît rien.