OM, histoires de finale (3/4): Fierté marseillaise, la bagarre de Bologne en 99 a-t-elle coûté la finale à l'OM?
FOOTBALL•Balayé par Parme à Moscou (3-0), l'OM avait laissé trop de forces (et de joueurs) dans la baston mémorable de la demi-finale retour à Bologne...J.L. avec B.V
Toute cette semaine qui va nous mener à la finale de Ligue Europa entre l’Atletico Madrid et l’OM à Lyon, 20 Minutes vous fait revivre le passé européen du club marseillais. A travers quatre épisodes, un pour chaque finale, nous allons retracer avec l’aide précieuse de l’historien du club Gilles Castagno, une anecdote, une histoire, une polémique qui a fait l’histoire de l’OM mais aussi celle du foot français. On enchaîne avec la défaite en finale face à Parme en 1999, conditionnée par la demi-finale épique face à Bologne.
Episode 3. 1999, la bagarre de Bologne a-t-elle conditionné la finale ratée de l’OM ?
Le football français n’a pas souvent réussi ses rares finales européennes, mais il en a rarement raté une dans d’aussi grandes largeurs que l’OM de Roland Courbis en 1999 face à Parme. Trois flashs qui reviennent: un froid de gueux à Moscou, la tête de Laurent Blanc pas assez appuyée pour Porato, et l’impression de jouer contre une machine de guerre qui ne tourne pas juste au Yop framboise, pour le dire sans risquer la diffamation. Ce qu’on oublie un peu plus: la finale s’est perdue trois semaines plus tôt à Bologne, après une embrouille de fin de match qualité jambon supérieur garanti sans couenne.
Moonwalk >>> Les Spaghettis bolognaises tiennent la qualif depuis la 20e et déroulent le scénario comme dans un film de Benigni: gain de temps marginaux en série, simulations grotesques à la chaîne, tout le savoir-faire centenaire de la maison y passe jusqu’à l’impensable. Une balle en profondeur de Gourvennec pour Maurice, un assistant qui ne lève pas son drapeau à juste titre malgré les caresses vocales de la tribune sur sa maman, et l’ancien lyonnais qui s’écroule comme un Pippo Inzaghi en pleine représentation. Penalty à retirer mais penalty transformé quand même par Lolo Blanc, à trois minutes de la fin. But, rideau et qualification en finale.
Il va sans dire que Bologne le prend mal, même si les causes de la bagarre qui accompagnera le retour aux vestiaires des protagonistes restent confuses. La version officielle ? Un Luccin alors tout jeunot fait un peu trop le chaud en rentrant dans le tunnel. Les Italiens lui parlent du pays avec les mains, et des coéquipiers plus expérimentés débarquent en renfort. Ravanelli, Dugarry, ou encore l’inénarrable Patrick Blondeau, que les images d’époque montrent en train de poser un coup de tête à un CRS local. L’ancien latéral marseillais est revenu récemment sur l’épisode au micro de RMC :
« « J’étais en tribunes avec les Marseillais. Il y avait les Italiens derrière nous, qui étaient un peu trop sûrs d’eux. Ça a commencé à chauffer. A un moment, je ne sais plus qui est à côté de moi, je prends sa défense et je commence à frapper des gens dans la tribune. Je vois ensuite que Dugarry commence à défendre Luccin. J’ai sauté par-dessus une vitre, mais les policiers ont vu qu’il y avait un mec, moi, qui était en train de rentrer sur le terrain. Ils ont essayé de me balayer. Mon coup de tête ? On était euphoriques… Et je suis fait ainsi, on ne peut pas me changer ». »
Presque 20 ans de recul mais toujours le même sentiment de fierté générale à propos d’une bagarre qui est entrée au panthéon des embrouilles de tunnel marseillaises, quelque part à côté des mamours de Galtier à Gallardo la saison d’après. Gilles Castagno, historien et supporter de l’OM se souvient : « L’immense majorité des marseillais l’ont vécu par la télé et que beaucoup ont appris les choses bien après. Notre impression à l’époque? Les Italiens s’en prennent à Luccin, jeune joueur un peu fier, plus fragile, mais une équipe soudée qui formait un vrai collectif vient au soutien. Quand on touche à quelqu’un, les autres le défendent. Tout Marseille était fier que l’équipe ne se soit pas laissé faire ».
Toujours agréable de retirer un peu de gloriole quand on a balancé deux trois taloches les yeux dans les yeux loin des caméras. Pourtant, la descente est rude. L’UEFA apprécie un peu moins la MMA que les Marseillais et diligente une enquête dans la foulée. Les fameuses « sources proches du dossier » évoquent une possible suspension de l’OM en Coupe d’Europe la saison suivante alors que le club va disputer la Ligue des champions et doit mener deux fronts à la fois: la préparation de la finale de la Coupe de l’UEFA et la lutte pour le titre avec Bordeaux. La sanction finale est à peine moins assaisonnée. Cinq matchs pour Amada Jambay qui passait par là et surtout six pour Christophe Dugarry, alors que Ravanelli est déjà suspendu pour avoir pris un jaune (non justifié) sur le terrain de Bologne.
Les Italiens ne sont pas oubliés avec trois joueurs au placard, dont le charmant Amadeo Mangone, dont on vous retranscrit l’intégralité de notre échange Whatsapp sur le sujet la semaine passée ;
- Mangone : « Je me souviens qu’à la fin il y avait de la tension et que c’est parti en bagarre car les joueurs de l’OM ont manqué de respect aux supporters de Bologne ».
- Nous : « C’était Luccin ? »
- Lui : « Oui c’était vrai qu’il avait provoqué les fans avec des gestes pas très sportifs, pour nous c’était suffisant pour leur reprocher d’avoir lancé la bagarre »
- Nous : « Tu as pris 3 matchs ? »
- Lui : « J’ai été suspendu car j’étais au milieu de la bagarre et que l’UEFA a suspendu tous les gens qui étaient au milieu du combat »
- Nous : « Pas de rancœur ? »
- Lui : « Non, malheureusement ce sont des choses qui arrivent »
- Nous : « Tu te souviens contre qui ils ont joué en finale ? »
- Lui : « Oui, Parme »
- Nous : « Et ils ont perdu 3-0 car l’OM avait la moitié de l’équipe suspendue »
- Lui : « Exact, smiley mort de rire »
Ce qu’on comprend: une baston franc du collier, à l’ancienne, où personne ne vient pleurer dans les chaumières après coup. Sauf qu’à la fin, il y a une équipe qui a une finale à jouer et pas l’autre. Sans Luccin, Gallas, Ravanelli et Dugarry, l’OM part à Moscou en tong/chaussettes. Dugarry, justement, a pris conscience avec les années qu’il avait peut-être plombé son équipe en réagissant trop vertement ce soir-là (propos tenus sur RMC) :
« « Je n’ai rien sauvé du tout (en parlant de Luccin). On ne va pas défendre une attitude comme celle-là. Il avait fait le con, il aurait pris une raclée mais ça lui aurait fait du bien. Il était jeune et ça lui aurait remis les idées en place. Moi j’ai pris 6 matchs de suspension derrière. On était qualifiés, on était tranquilles, on aurait dû rentrer la tête basse et fêter ça aux vestiaires ». »
La présence de l’international français aurait-elle changé quelque chose au fond de l’affaire? Pas sûr, mais l’OM aurait gagné en tranquillité d’esprit à ne pas passer sa quinzaine à tenter d’éviter le pire devant l’UEFA. Gilles Castagno: « On ignorait complètement qu’il y aurait autant de suspendus. Parme avait une super équipe, ils avaient explosé Bordeaux, c’était du 50/50 mais avec tous ces événements, on a pris tout de suite conscience que c’était quasi mission impossible ».
Marcel Dib, alors directeur sportif de l’OM, se montre plus fataliste : « Au complet, ça aurait pu être différent pour nous, mais il fait voir l’équipe qu’il y avait en face. Crespo, Thuram, Boghossian, Chiesa, c’était peut-être la meilleure équipe de Parme de tous les temps. Il n’y a pas eu discussion ». Ni échange de politesses dans le tunnel moscovite après le coup de sifflet final. Personne n’avait plus le cœur à ça.