Girondins de Bordeaux: «Les fonds d’investissement, c’est un coup de poker», prévient l’économiste Pierre Rondeau
INTERVIEW•Le club bordelais pourrait bientôt passer sous pavillon américain…Propos recueillis par Clément Carpentier
L'essentiel
- Les Girondins seraient en discussion avec un fonds d’investissement américain.
- Pour Pierre Rondeau, économiste du sport, ces investisseurs sont avant tout là pour être lucratif à court terme et non pour développer un club à long terme.
- Ces possibles acheteurs pourraient aussi profiter de la marque Bordeaux pour développer leur projet.
Les Girondins de Bordeaux vivent décidément une saison bien mouvementée. Après le terrain avec notamment le limogeage de Jocelyn Gourvennec, c’est maintenant en coulisse que ça bouge avec le possible rachat du club par des investisseurs américains d’ici la fin de saison. Précisément, un fonds d’investissement représenté par un certain, Joseph DaGrosa Jr.
Si pour l’instant, on en sait peu sur ces possibles repreneurs, Pierre Rondeau, économiste du sport, essaie de nous en dire plus sur les fonds d’investissement et leurs stratégies avec un club de Ligue 1 comme Bordeaux.
Etes-vous surpris par cet intérêt ?
Non, ce n’est pas surprenant. Depuis quelques années, le football brasse énormément d’argent avec l’hyperinflation notamment des droits TV, et ça intéresse forcément. Le monde entier s’intéresse au football aujourd’hui. Il y a en plus une hypermédiatisation. Pour l’image d’une marque, c’est très porteur. Et la Ligue 1, c’est tout bon pour les investisseurs car elle est plus faible sportivement que d’autres championnats et donc moins chère. Tout en sachant que les droits TV vont peut-être atteindre le milliard en 2020 en France. Si vous achetez maintenant, vous avez le beurre et l’argent du beurre.
Pourquoi Bordeaux ?
Déjà, c’est une grande ville. Elle a une reconnaissance internationale grâce à la marque Bordeaux avec le vin. Ce n’est pas forcément le cas d’autres clubs comme Rennes ou Saint-Etienne. Ces investisseurs pourraient donc jouer sur deux tableaux. En notoriété, ce serait très fort.
Plus globalement, que pensez-vous des fonds d’investissement ?
C’est inquiétant car ils n’ont qu’un seul but, c’est faire du business. Etre lucratif. Ils n’apportent souvent rien sur la durée à part peut-être, le Qatar au PSG. Et ma vision, c’est que le foot, c’est du long terme. On le voit d’ailleurs avec les résultats de Paris.
« Ils s’en foutent de la continuité sportive, ils veulent juste toucher leur pourcentage quitte à vendre leurs actifs. »
Mais ça peut bien se passer parfois…
Oui mais ils voudront aussi gagner beaucoup d’argent dans ce cas-là. Ils vendront alors leurs joueurs au lieu de peut-être développer le club, la saison suivante.
Pourquoi ces Américains s’intéressent aussi au Matmut Atlantique ?
Ce serait un gros actif ! Un stade vaut au moins 400 millions d’euros. C’est très intéressant quand on va devant les banquiers. C’est aussi un redoutable outil car vous gérez les coûts, la billetterie par exemple, pour renflouer les caisses quand il faut. Enfin, c’est un objet de spectacle avec des concerts ou des séminaires la semaine, par exemple.
Avez-vous des exemples de réussite ?
Pas beaucoup. Il y a bien Liverpool ou Manchester United mais avant même l’arrivée de ces investisseurs, ils étaient très implantés et déjà développés. Il faut aussi dire que les fonds chinois sont différents des autres. Ils n’ont pas un but lucratif mais politique au travers de leur président qui est un fou de foot. Ils travaillent avant tout sur l’image du pays.
Comment faire pour bien réussir un rachat ?
Déjà ne pas reproduire les mêmes erreurs que les autres. Bordeaux ne doit pas faire comme Lille et Bielsa qui ont vendu tous leurs joueurs cet été pour en acheter d’autres bien trop chers. Si ça tourne mal sportivement, on voit ce que ça donne…
« En fait, ces fonds d’investissement, c’est un vrai coup de poker. Soit vous perdez beaucoup, soit ça peut rapporter gros. C’est souvent une solution pour faire rebondir un club. C’est un peu le cas de Bordeaux. »