VIDEO. Fans d'Histoire et de combat? Vous adorerez le béhourd, sport médiéval en armure
SPORT•En phase de développement en France, le béhourd concerne 23 équipes dans le pays, dont les Bécuts de Gascogne, champions de France en titre…Nicolas Stival
L'essentiel
- Très codifié, le béhourd a pour but de mettre à terre ses adversaires.
- Il n’est revenu que très récemment en France, via l’Europe de l’Est, en particulier la Russie.
Un mardi soir, glacial, de fin février, dans le hangar d’une entreprise de métallerie à la Salvetat-Saint-Gilles. Au milieu des machines-outils de cette boîte de la banlieue toulousaine, une dizaine de combattants, équipés comme au Moyen-Age, s’échangent de grands coups de hache, d’épée ou de fauchon, une sorte de sabre. Devant cette scène anachronique, bruyante et assez impressionnante, le spectateur béotien recule de plusieurs pas. L’équipe des Bécuts de Gascogne s’entraîne avant de remettre en jeu, les 10 et 11 mars à Saint-Dizier (Haute-Marne), son titre de champion de France de béhourd.
De quoi ? Même la jeune fédération française, née en 2014 (comme les Bécuts) et revendiquant 250 licenciés, avoue son impuissance à retrouver les origines de ce mot, qui semble renvoyer aux « heurts » plus que fréquents dans ce sport de combat, pratiqué en armure médiévale. « A l’origine, c’est une discipline née au XIIIe siècle en France pour entraîner les guerriers, qui s’est développé dans toute l’Europe pendant environ 150 ans », détaille Thomas Palmer, capitaine de l’équipe 2 des Bécuts.
Un retour en France au début des années 2010
Puis les tournois de chevalerie ont pris le relais des bastons entre fantassins, remises au goût six siècles plus tard, dans les années 1990… en Russie, avant de faire leur retour en France au début des années 2010. « En Europe de l’Est, que ce soit en République tchèque, en Russie ou en Ukraine, le battage d’armure ne s’est jamais arrêté », explique cet informaticien de 29 ans, l’un des 40 membres des Bécuts, qui tirent leur nom des cyclopes anthrophophages de la mythologie gasconne.
Tout au long de l’année, le groupe participe à des fêtes médiévales en Occitanie, contre rémunération, pour financer l’activité béhourd, pas franchement donnée. Une armure de base, d’occasion et cabossée, coûte dans les 800 euros pour 40 kg de « ferraille ». Mais il faut facilement compter le double pour un modèle en acier de meilleure qualité, commandé en général en Europe de l’Est via Internet. Et 3.000 euros pour un équipement en titane, plus léger.
Une fois habillé et armé, tout adulte peut participer, y compris les femmes, même si elles sont encore peu nombreuses (les enfants débutent avec des boucliers et des épées en mousse). A Saint-Dizier, les combats se feront à cinq contre cinq et à 21 contre 21, mais bien d’autres formules existent. Et il n’y en a pas que pour les grands costauds, assure Gaëtan Bonnemberger, le jeune (28 ans) président des Bécuts, ancien coach sportif devenu négociateur dans l’immobilier.
« « C’est un sport pour tous les gabarits. Un gars de 1,90 m pour 130 kg va s’occuper de bloquer son adversaire. Un autre d’1,60 m pour 60 kg va jouer le rôle de runner, en passant derrière les lignes adverses. Et entre les deux, il y a le striker, c’est-à-dire un runner qui fait du dégât. » »
Les matchs durent dix minutes au maximum, au meilleur des trois rounds. Le but : faire chuter tous les combattants « ennemis » avec ses armes mais aussi avec ses genoux, son bouclier… Des arbitres sont présents dans la lice et autour pour punir les gestes déloyaux comme les coups sur l’arrière des genoux, dans l’aine ou la colonne vertébrale mais aussi ceux portés avec l’estoc (la pointe de l’épée), rigoureusement interdits et passibles d’un carton rouge.
Dans cette mêlée intense, chez les Bécuts, les anciens rugbymen côtoient d’ex-boxeurs, des adeptes d’arts martiaux… mais aussi des néophytes complets en matière de sport, comme Thomas Palmer. « Je voulais repousser mes limites, faire de vrais combats car lors des fêtes médiévales, il s’agit souvent de reconstitutions, plus scénarisées. » Chez cet ancien chercheur en mathématiques, la passion pour le Moyen-Age a précédé celle pour le sport. Chez Gaëtan Bonnemberger, c’est l’inverse. « Le béhourd est un excellent défouloir et j’ai appris à aimer le côté historique. »
Car ce dernier volet est essentiel, et gare à la faute de goût. Bien avant le début d’un tournoi, chaque participant envoie le détail de sa tenue à un jury chargé de la valider. Pas question de la jouer heroic fantasy, avec des tenues sorties de Conan le Barbare ou d’un clip de Manowar.
Armes et protections doivent correspondre à une époque médiévale précise, laissée au choix du combattant, mais avec au maximum 30 ans d’écart entre le plus « ancien » et le plus « récent » des éléments. Autrement dit : mixer un casque de la bataille de Crécy (1346) avec une hallebarde de celle d’Azincourt (1415) relève de la pure hérésie.
« Dans notre club, on opte plutôt pour le début du XVe siècle, le meilleur compromis entre protection et aisance », soulignent de concert Thomas Palmer et Gaëtan Bonnemberger. Car le béhourd est exigeant pour les corps, notamment les genoux et les mains, qui concentrent une bonne partie des blessures.
Lors des championnats du monde, où les Russes jouent souvent les cadors, il n’est pas rare de croiser des armures mongoles, turques, chinoises ou japonaises. Des concurrents viennent même des Etats-Unis, du Mexique, d’Afrique du Sud ou de Nouvelle-Zélande, pas forcément les premiers pays auxquels on pense en évoquant les combats médiévaux.
« C’est une communauté de quelques milliers de personnes, avec un mélange de culture, on est très soudés », assure Thomas Palmer. Même si pour les Français, une victoire face à l’Angleterre en béhourd, en souvenir du bon vieux temps de la guerre de Cent Ans, a au moins autant de piquant qu’en rugby.