JEUX OLYMPIQUESTrop compliqué, trop fade... Le ski de fond a besoin d'un coup de plumeau

JO 2018: Formats incompréhensibles, trop prévisible... Le ski de fond a besoin d'être dépoussiéré

JEUX OLYMPIQUESLe ski de fond est un sport historique des JO d’hiver. Peut-être un peu trop historique, d’ailleurs…
A lire comme un manga, de droite à gauche
A lire comme un manga, de droite à gauche - CHINE NOUVELLE/SIPA
William Pereira

William Pereira

De l’un de nos envoyés spéciaux, à Pyeongchang,

Les équidés français et les Jeux olympiques, c’est une grande histoire d’amour. Après le grand succès du cheval aux JO de Rio, la France a (re) découvert cet hiver la team poney, à savoir l’équipe de ski de fond tricolore. Mené par Maurice Manificat, le groupe de fondeurs a rapporté deux médailles de bronze de Pyeongchang. C’est bien. Très bien, même, « pour une nation outsider » comme le rappelait « Momo » après le gain de la première breloque coréenne. Ça l’est d’autant plus que le pendant hivernal de l’athlétisme a du mal à fasciner en France, mais pas seulement.

À l’aube de la mass-start féminine (30 km), dernière épreuve de ces Jeux, le ski de fond demeure historiquement l’un des sports majeurs, sinon le sport roi. Mais dans les faits, il s’est fait croquer comme un peu tout le monde par le biathlon. Une journaliste suédoise de l’Expressen citée par Reuters explique par exemple que désormais, « le plus grand événement TV en hiver est la Coupe du monde de biathlon » alors que « cinq ans en arrière, les gens regardaient du ski alpin et du ski de fond ». Alors, ringard, le fond ? Ce n’est pas à nous de le dire. Ce qui est sûr, c’est qu’il a pris du retard sur son cousin à carabine. Et on vous explique pourquoi on a du mal à s’en éprendre.

Beaucoup trop de formats différents

Que ce soit chez les anciens où les jeunes, on est d’accord sur un point : il y a trop de formats et de styles de courses différents en cross-country. « On a peut-être trop de formats qui font que ce n’est pas propice à une médiatisation pour l’instant », confirme Lucas Chanavat. Ci-dessous la liste des formats existants en compétition officielle (on passe sur les deux styles de ski – libre et classique – qui corsent un peu plus l’équation).

  • Skiathlon (course en deux temps avec un passage aux stands pour passer du ski classique au ski libre)
  • Le sprint de 1 à 1,4 km (qui se joue en plusieurs tours)
  • Les longues distances allant de 5 à 30 km pour les dames et de 10 à 50 pour les hommes
  • Le relais
  • Le sprint par équipe, dit team sprint, opposant des relais de deux coureurs (qui se joue aussi en plusieurs tours)
  • Le tour de ski, enchaînement de huit épreuves (en moyenne) disputées sur une dizaine de jours. C’est un peu la Champion’s League du biathlon.

Bref, un joyeux bordel. Mais l’ancien champion du monde Vincent Vittoz nous rassure. « Ça va changer. La FIS essaye de réformer le nombre de courses et ce printemps il va y avoir de nouvelles propositions pour que l’accès grand public se fasse mieux. »

Moins de rebondissements, moins de dramaturgie

Quoi que la FIS réussisse à inventer pour pimenter ce sport vieux comme le monde, on imagine mal débarquer un format de course capable d’offrir autant de rebondissements que le biathlon, où le passage sur le pas de tir rend les choses bien plus imprévisibles. Vittoz, toujours : « le biathlon correspond beaucoup plus au public que le fond, notamment pour sa capacité à fournir des courses à rebondissements. »

En cross-country, on a néanmoins été séduit par les relais, leur rythme, l’importance de la tactique et les différences de niveau entre chaque relayeur pour leur faculté à influencer le cours de l’épreuve. Sur sa première médaille de bronze en Corée du Sud, la France est passée de quasiment décrochée à quatrième puis deuxième avant de finir sur la dernière marche du podium. Un sacré stress. Ça ne vaut pas encore le biathlon, mais il y a quelque chose à faire en creusant dans cette direction.

En France, on manque d’un Fourcade en ski de fond

Maurice Manificat aura mené la Team poney vers un doublé de bronze et ce sera formidable pour le fond français. Mais on est encore bien loin de l’influence que peut avoir un Martin Fourcade​ sur les skieurs en herbe. « Ils ont eu des grands leaders comme Raphaël Poirée et juste derrière Martin Fourcade, sans compter qu’ils sont diffusés sur des chaînes de télé très regardés, ça compte forcément », analysait Chanavat avant les JO au Club France. Vincent Vittoz, prédécesseur de Manificat, abonde mais en ayant recours à des références d’un autre temps.

« « C’est l’histoire du basket dans les années 90, que moi je regardais beaucoup et qui est aujourd’hui supplanté par le rugby. C’est l’histoire de la natation qui a connu une embellie grâce à Laure Manaudou et réussi à drainer du monde devant les écrans… » »

Et donc des enfants, qui rêveraient d’être de futurs Manificat plutôt que les Fourcade de demain. Aujourd’hui, on en est bien loin. Si bien qu’à 15, 16 ans, quand il est demandé aux fondeurs prometteurs de choisir entre le ski sans ou avec carabine, ces derniers se tournent majoritairement vers le biathlon. Martin Fourcade parle de cette période cruciale pour le skieur dans sa biographie. Outre sa moindre popularité, le ski de fond fait peur : on y devient fort avec l’expérience (exception faite pour Johannes Klaebo) et les jeunes n’ont pas forcément d’attendre dix ans avant de jouer les premiers rôles en Coupe du monde.

« Mais malgré cela aujourd’hui on le voit avec l’équipe masculine on a un réservoir qui nous permet de rivaliser, de faire des résultats avec Maurice Manificat, Lucas Chanavat, Baptiste Gros », conclut Vittoz. On ne dira pas le contraire : sur cette fin de JO, le meilleur relais français masculin était celui du ski de fond.