JO 2018: Martin Fourcade va-t-il prendre sa retraite après les Jeux? Non. Mais pas sûr qu'il continue jusqu'en 2022...
JEUX OLYMPIQUES•Le biathlète se pose la question de la suite à donner à sa carrière (et il a des propositions)…Jean Saint-Marc
L'essentiel
- Martin Fourcade est la tête d'affiche du relais masculin français, qui s'élancera ce vendredi (à 12h15).
- Il s'agira peut-être de sa dernière course olympique. Il prendra sa décision en fin de saison.
De l’un de nos envoyés spéciaux à Pyeongchang,
Ce serait le plus beau scoop des JO d’hiver. En France, en tout cas. On voit déjà le titre :
EXCLUSIF - Après le relais masculin, Martin Fourcade annonce sa retraite : « J’ai envie de prendre du recul et de devenir maître du monde. »
Bon. Il est aussi difficile de prédire l’avenir que de décrypter la poker face de Martin Fourcade. Mais on ne s’avance pas trop en disant qu’il n’annoncera rien de ce genre à Pyeongchang. Le roi du self-control et de la pondération ne prendra pas de décision à chaud. On lui a quand même posé la question, pour être sûr : « En début de saison, je pensais faire mon choix après les Jeux. Mais là, je n’y pense plus du tout. »
La rivalité avec Johannes Boe, en Coupe du monde, a rouvert l’appétit du biathlète. Car Martin Fourcade ne s’épanouit que dans la concurrence. Surtout si c’est lui qui gagne à la fin, évidemment. Quand il était jeune, il a rangé au grenier, quelque temps, sa carabine. S’il l’a reprise, c’est sur les conseils de Denis Boissière. Et s’il a gardé la flamme, c’est « parce qu’il n’était pas le meilleur à l’époque », assure à 20 Minutes l’ancien entraîneur du quintuple champion olympique.
Jean-Guillaume Béatrix et Aymeric Deschamps étaient « devant Martin. » Aujourd’hui, Johannes Boe est derrière. Mais tout près : au classement général de la Coupe du monde, seulement 54 points, l’équivalent d’une seconde place sur une manche, les séparent.
La liste de « pour et de contre » de Martin Fourcade
Martin Fourcade va donc finir sa saison, proprement. Puis il va rentrer tranquillement chez lui, à Villard-de-Lans. Va s’asseoir à son bureau, dans sa jolie baraque. Prendre une feuille, un stylo, et faire une bonne vieille liste « de pour et de contre » (sic). Il avait aidé son petit frère Brice, le plus hipster et le moins biathlète des trois, à faire la sienne quand il hésitait à quitter sa section sport-études biathlon. Cette fois, c’est nous qui allons lui filer un coup de main. Et on fait un pari : il rempilera sans doute en Coupe du monde. Mais les Jeux de 2022... C'est vraiment loin.
>> Les résultats sportifs :
L’argument pour arrêter : Il a déjà tout gagné. Faut-il vraiment refaire la liste ? Allez, en vitesse alors :
- 5 titres olympiques.
- 6 globes de cristal (série en cours).
- 10 titres de champion du monde en individuel.
- 71 victoires individuelles en Coupe du monde.
L’argument pour continuer : L’émotion d’une médaille olympique. Il le dit lui-même. A chaud après sa victoire sur la mass-start de Pyeongchang, il a commencé à esquisser l’idée d’un départ… Avant de se reprendre immédiatement : « C’était sans doute, peut-être, enfin faut jamais dire jamais (sic) la dernière course individuelle de ma carrière aux JO. Mais les courses comme ça, ça fait oublier beaucoup de choses. » Et une demi-heure plus tard, au calme d’une salle de conférence de presse, il nuançait encore plus : « Ces Jeux… C’est la fin de rien du tout ! »
Pour décrypter tout ça, on a passé un coup de fil à Jérôme Fernandez, ancien capitaine de l’équipe de France de handball, et bien placé pour parler retraite : il a beaucoup hésité sur le moment de prendre la sienne, décidant de continuer jusqu’aux Jeux de Rio… Pour lesquels il n’a pas été sélectionné :
« Je me suis posé la question de la retraite pendant plusieurs années. Et comme Martin, je me disais que Londres, ce seraient mes derniers Jeux. Mais en fait, il est impossible de savoir quel niveau tu auras dans quatre ans ! Martin est encore jeune (29 ans). Tant qu’il gagne, tant qu’il est numéro 1, je ne vois pas de raison d’arrêter ! » »
>> La vie privée :
L’argument pour arrêter : Deux petites filles qu’il ne voit pas grandir. « J’ai une compagne qui fait beaucoup de sacrifices pour me permettre d’être là », répète-t-il en interview. Il passe 220 jours par an loin de sa baraque, de chambre d’hôtel en chambre d’hôtel. Tristoune. Surtout quand les soirées se font à l’eau claire. Enfin, officiellement : « Le plus dur, c’est de refuser tout ce que je refuse pour garder mon hygiène de vie », dit encore le biathlète.
L’argument pour continuer : Pour l’hygiène de vie, on ne voit que la proposition du médecin de l’équipe allemande, qui fait descendre des pintes de bière à ses skieurs. Oui, mais c'est sans alcool. Pour la vie privée… Nous ne sommes pas dans le secret des Fourcade, mais dans une interview au Parisien, Hélène Uzabiaga disait être « habituée » à ses nombreuses absences : « On a bâti notre relation autour de ça. »
>> La thune :
L’argument pour continuer : Le biathlète Martin Fourcade gagne très bien sa vie. 380.000 euros de prime en course en Coupe du monde, l’an dernier, et « environ un million et demi d’euros » depuis le début de sa carrière - c’est en tout cas ce qu’il déclare dans son autobiographie (et au fisc aussi). Il faut ajouter à cela l’argent des sponsors, qu’il a nombreux (six partenaires principaux, cinq fournisseurs) et surtout puissants (Adidas ou BMW, notamment). Et ils vont encore affluer après ces trois titres olympiques en mondovision.
L’argument pour arrêter : Il y a certes de plus en plus d'argent dans le biathlon. Mais il y en a ailleurs. Par exemple autour de l’organisation des Jeux-2024. Les fameux « JO des athlètes », dont le boss est Tony Estanguet, grand ami de Martin Fourcade. Entre deux selfies, il a profité des JO de Pyeongchang pour lui lancer un bel appel du pied, dans L’Equipe : « J’ai des plans pour lui, mais j’attends la fin des Jeux pour lui en parler ! »
Martin Fourcade qui prendrait du galon dans les instances de l’olympisme français ? Ça n’étonnerait personne. Jérôme Fernandez :
« Il sera dans tous les cas parmi les sportifs impliqués en 2024. Prendre un poste avec Tony, pris en charge par le CNOSF… C’est un autre boulot. Je ne pense pas que l’argent soit déterminant. Surtout que s’il part sur une mission pour Paris-2024, ça veut dire six ans de salaire entre guillemets assurés. Et des sollicitations en entreprise aussi à côté, forcément. Et puis connaissant Martin, ça ne s’arrêtera pas en 2024. Si ça se passe bien – comme toujours avec lui – il aura d’autres missions ensuite. » »
Ministre des sports ? « Par exemple », sourit Fernandez. Ou maître du monde, tout simplement.