JO 2018: «Il m’a épaté comme à chaque fois»... Même Simon Fourcade ne sait plus quoi dire sur son frère
JEUX OLYMPIQUES•Simon Fourcade est fier de son petit frère, et ça, c'est beau...Propos recueillis par William Pereira
De l’un de nos envoyés spéciaux à Pyeongchang,
« Simon, Simon ! Tu peux venir ? » L’aîné des Fourcade nous salue, mais décline dans un premier temps notre demande. Il escalade les barrières de la zone mixte, lesquelles auraient formé un excellent terrain de jeu pour Ladji Doucouré du temps de sa splendeur, puis celles de la tribune du stade de biathlon, pour rejoindre Brice, le troisième frère, et tomber dans ses bras. On ne sait pas si l’embrassade s’étend sur des secondes ou des minutes - le froid gèle les pieds mais biaise aussi la notion de temps - donc on s’impatiente un peu. Puis, finalement, Simon se souvient de nous, prend appui sur la rambarde et se penche tout sourire. Martin vient de gagner la médaille d’or olympique sur la poursuite à Pyeongchang, et l’aîné est impressionné comme au premier jour.
Encore une fois, Martin a réagi…
Ouais ! Il en avait gros sur la patate hier d’être passé à côté de ce sprint à cause des conditions mais pas que, c’est en tout cas ce qu’il m’a dit. Il a pris sa part de responsabilité sur ce qui s’est passé hier. Et arriver à réagir comme il le faut aujourd’hui, on sait qu’il peut le faire mais avec des courses… pas de la loterie parce qu’il y a des bons devant, mais avec des conditions changeantes et du vent. Faut vraiment être costaud pour venir faire ce qu’il fait aujourd’hui. C’est énorme, quoi. Il n’y a jamais chose gagnée même si on est le meilleur mondial, tout peut très vite se retourner en biathlon et venir faire ce qu’il fait, mentalement. Pff… c’est monstrueux. Monstrueux.
Comment fait-il ? Qu’est-ce qu’il a dans la tête ?
[Les larmes montent aux yeux, il marque un temps d’arrêt] Je ne sais pas, je crois qu’il y a une sorte d’orgueil et de fierté derrière. Mais Martin il a un truc. Émotionnellement, il gère ses émotions, c’est quelqu’un qui sait les canaliser. En étant près de lui quelques fois ça fait peur. On se dit « mais qu’est-ce qu’il a quoi ? », il arrive à prendre énormément de recul. C’est quelque chose qu’il a depuis tout petit, cette rage de vaincre. Encore une fois son dernier tir aujourd’hui, il dit tout, vraiment tout. Il suffit que quelqu’un se mette chez lui, essaye de faire un travail de précision sans enjeu et qu’ensuite on lui mette un enjeu pour le reproduire, il se rendra compte que c’est beaucoup moins facile. Donc là, c’est grandiose.
Ce matin, il était comment ?
Hyper relax. Quand on vient chercher un titre olympique, normalement on n’est pas relax le matin d’une course et il arrive à faire ça avec énormément de détachement et c’est fou. Il m’a épaté comme à chaque fois. Avec un enjeu, une course qui se produit qu’une fois tous les quatre ans. Donc forcément aujourd’hui il est dans sa cour de récréation en Coupe du monde mais moins aux Jeux, c’est moins la cour de récré. Il arrive enfin à faire en sorte que ce soit calqué d’une course sur l’autre.
Tu avais deviné qu’il allait gagner ?
Non, non, non, du tout. À cause des conditions, à cause de tout. À cause de ce sprint un peu manqué hier. On savait qu’il y aurait une grosse réaction mais ça veut pas dire venir gagner la course mais arriver à mettre la pression sur les concurrents pendant la course comme il arrive toujours à le faire. Arriver à gérer sa course de bout en bout, c’est énorme, d’autant qu’il y a toujours des surprises sur les Jeux, on l’a vu hier. Ce matin c’était vraiment pas course gagnée et il suffit de voir le podium avec deux outsiders, ou en tout cas des mecs qu’on voyait pas sur le podium de cette poursuite pour s’en rendre compte. Grand monsieur Martin.