JO 2018: Facebook coupé et prépa mentale, comment la (très stressée) Perrine Laffont chasse le trac pour aller chercher l'or
SKI DE BOSSES•A Pyeongchang, elle a à peu près la même pression que Martin Fourcade : elle débarque en méga-favorite et pourrait ramener la première médaille d'or aux Bleus. Alors qu'elle est d'un naturel stressé et qu'elle a 19 piges...Jean Saint-Marc
L'essentiel
- La «bosseuse» Perrine Laffont pourrait rapporter à la France sa première médaille d'or, ce dimanche, à Pyeongchang.
- Sauf si le stress prend le dessus et lui fait louper sa finale, comme à Sotchi.
- Elle avait 15 ans à l'époque, et a beaucoup travaillé cet aspect depuis.
De l’un de nos envoyés spéciaux à Pyeongchang,
Une crise de larmes, de stress, avant la finale. Une seconde, de déception, juste après. Perrine Laffont a beau marteler qu’elle garde un « beau souvenir » de Sotchi… On y croit moyen. Elle avait alors 15 ans, et, officiellement, aucune pression sur les épaules. Les fameux « JO de la découverte ». Tu parles.
« Grosse pression » et « super stress »
Avec sa cinquième place en qualifications, la Pyrénéenne s’était vue sur le podium, et l'Ariège entière (200 personnes grosso modo) la bombardait de messages : « Tu vas nous choper une médaille. » Quatre ans plus tard, c’est la France (et pas n’importe laquelle) qui l’imagine couverte d’or, ce dimanche.
« Tout le monde me met une grosse pression sur le résultat », souffle la championne du monde en titre (en individuelle), qui vient de signer trois podiums consécutifs en Coupe du monde, dont une victoire sur la plus belle étape. Et qui a écrasé les qualifications, ce vendredi. Elle était pourtant « super stressée », avoue Fabien Bertrand, directeur de l’équipe de France de ski acrobatique.
Un classique du personnage. On en a discuté avec l’ancien bosseur Guilbaut Colas, consultant pour France Télévisions. A Sotchi, c’est dans ses bras que Perrine Laffont s’est effondrée, en pleurs :
« « Je l’ai juste réconfortée, je lui ai dit, évidemment, qu’il fallait relativiser. Et il faut relativiser cette fois encore. Mais c’est dur ! Elle a 19 ans, elle a encore des nouveaux partenaires qui sont tombés avant les Jeux, une médiatisation énorme alors que les bosses ne sont quasiment pas médiatisées hors JO ! C’est hyper compliqué pour elle ! Elle a toujours peur de mal faire, la petite Perrine. (sic) » »
Confirmation en fouillant Internet à la recherche de vieilles interviews de la plus flippée des bosseuses :
- Comme on y revient toujours, commençons par les Jeux de Sotchi. « Avant la finale, j’étais terrorisée. Je me suis mise à pleurer. A l’échauffement, j’avais la boule au ventre. Mal aux jambes, au bide. Je n’avais plus envie d’y aller », a-t-elle raconté à L’Equipe
- Avant son Bac, passé en 2015 ? « Ça me fait un peu peur, en Terminale S, c’est très dur de manquer une semaine de cours [pour aller en stage] » (au Figaro).
- Un entraînement au saut, en lac, qui ne se passe pas très bien, l’été dernier ? « Je me remets tout le temps en question, dit elle à Ski Chrono. Je me dis « merde, il y a les Jeux cet hiver, si je commence à faire des séances pourries comme ça… » »
Et merde, les Jeux sont arrivés. Et Perrine a beaucoup bossé pour éviter de craquer. On a fouiné auprès de son entourage pour découvrir ses petits trucs anti-stress (pas de trace de Lexomil, rassurez-vous).
>> Des exos de prépa mentale comme s’il en neigeait. Une des grandes leçons de Sotchi : Perrine Laffont est désormais accompagnée par une préparatrice mentale, Cécilia Delage. Elles alternent les Skype et les séances en direct, et, surtout, la psychologue l’a suivie jusqu’à Pyeongchang.
La préparation mentale, cette science mystérieuse… De ce qu’on en a compris, ce sont surtout des « exercices de visualisation » (la veille des courses), « des mots-clés martelés » (juste avant). En gros : « plaisir » plutôt que « résultat », « ski libéré » plutôt que « podium obligatoire. »
>> Les pâtes bolo du coach et la routine. Les Jeux, c’est « féerique », nous dit Perrine Laffont. Sauf que la féerie, elle en profitera la semaine prochaine, avec une médaille autour du cou, tant qu’à faire. Ludovic Didier a envoyé toute son équipe en retraite spirituelle. Pas dans un monastère, mais sur le site de ski freestyle, loin, très loin, du village olympique et de ses tentations.
« On essaye de la mettre dans les mêmes conditions qu’en Coupe du monde, où les médias sont beaucoup moins présents. On s’est retrouvé entre nous, là-haut, et on a repris nos petites habitudes : on vit ensemble dans un appart', on se fait la bouffe… » Si les pâtes bolo de coach Didier permettent en plus d’éviter la gastro qui rôde, c’est tout bénef…
>> Couper Facebook. Comme au Bac, tiens. « Veuillez ranger vos smartphones, éteints, dans vos sacs à dos. » Ludovic Didier :
« « En compèt, y a pas de Facebook, pas de téléphone personnel. Pas de lien direct avec elle, en fait : sauf pour ses parents, tout passe par le staff, on filtre un maximum. » »
Un téléphone en mode avion quelques jours, ça semble un prix raisonnable pour gratter l’or olympique…