Paris-2024, l’occasion de révolutionner l’apprentissage du sport à l’école?
EDUCATION•Avec la perspective des Jeux olympiques, de nombreux événements sont organisés, notamment dans les écoles pour sensibiliser les plus jeunes...Nicolas Camus
L'essentiel
- La Semaine olympique et paralympique organisée par Paris-2024 a lieu du 27 janvier au 3 février.
- Des athlètes vont se rendre dans des classes de primaire, de collège et de lycée pour discuter avec les élèves et mener des projets avec eux.
- La perspective des Jeux est l'occasion de travailler sur la pratique sportive de la jeune génération, avec in fine l'objectif de la mettre davantage en valeur dans la société.
C’était l’un des axes majeurs de la candidature de Paris à l’organisation des JO-2024. La jeunesse, son éducation au sport, à sa pratique et à ses valeurs, voilà tout un volet sans cesse mis en avant en haut lieu à travers la fameuse thématique de «l’héritage» que laisserait les Jeux. Maintenant que la perspective est bien là, les dirigeants parisiens entendent accélérer le mouvement. La première action de terrain du Comité d’organisation des Jeux olympiques (Cojo) tout juste créé aura ainsi lieu dans les écoles, avec la Semaine olympique et paralympique (voir encadré). Et ce n’est pas un hasard.
« On a parfois en France une mauvaise image de l’éducation physique et sportive. Il y a donc un enjeu énorme de changement de perception sur ce qu’est le sport, ce qu’il apporte. Et le valoriser, ça commence évidemment par l’école », explique Marie Barsacq, la directrice « impact et héritage » de Paris-2024. En convoquant les souvenirs de classe des uns et des autres, à la rédaction, on se dit qu’il y a du boulot. Pour résumer, certains adorent et sont frustrés d’en faire si peu, d’autres sont traumatisés d’avance, prêts à tout pour éviter de s’y coller, surtout à partir du collège.
Disons-le tout de suite, les Jeux-2024 ne vont pas enclencher une grande révolution dans la pratique du sport à l’école. Il n’y a pas besoin d’aller jusque là.
- En volume horaire, la France fait figure de bon élève avec ses trois heures hebdomadaires de moyenne (jusqu’à quatre heures en sixième), un chiffre supérieur à ce qui se fait en Allemagne (deux à trois heures au collège), en Angleterre ou en Espagne (deux heures au collège).
- Dans les écoles primaires, les moyens diffèrent évidemment selon que l’on se trouve dans le 15e arrondissement de Paris ou au fin fond de la Mayenne. Mais dans les académies, le sentiment général est que l’EPS est « une valeur forte » portée par une politique volontariste de l’Education Nationale. Un conseiller pédagogique dédié à l’EPS est présent dans chaque circonscription pour accompagner les enseignants dans la pratique.
- L’UNSS (dans les collèges et lycées) se porte bien, avec plus d’un million de licenciés, ce qui en fait la deuxième fédération en France derrière celle de football.
Tout n’est pas parfait. Le volume horaire ne dit rien de la qualité des cours dispensés, la formation pourrait apporter encore plus d’outils, et le conseiller pédagogique dédié à l’EPS est parfois appelé à d’autres tâches par manque de moyens, par exemple. « C’est un système qu’il faut encore encourager, bien sûr, mais qui fonctionne et qui montre bien l’importance que l’on donne au sport », synthétise Jean-Marc Huart, le directeur général de l'enseignement scolaire.
Le sport comme outil pédagogique
La perspective des Jeux est l’occasion d’aller encore plus loin. « Une étude faite à Londres en 2012 assure que la pratique du sport améliore la concentration des élèves. Ça, on doit le faire savoir, aux parents notamment. Il faut mettre ces sujets sur la table, en parler », insiste Marie Barsacq. Faire du sport pour être meilleur en maths, voilà un argument de poids.
On peut aussi s’en servir comme matière première en cours. Le ministère de l’Education nationale, en lien avec le CNOSF et Paris-2024, a mis à disposition des enseignants des leçons dans lequel un élève de CE2 apprendra le périmètre grâce aux dimensions d’un terrain de sport. Un collégien étudiera, lui, Rome et la Grèce antique en s’appuyant sur les JO anciens. Une plateforme baptisée « Playdagogie » a également été créée. Les professeurs pourront y trouver des petits jeux pour apprendre aux enfants à avoir une bonne hygiène de vie (entre autres choses).
Ces bases posées, il est temps d’enfiler son short et de passer à la pratique en tant que telle. Mieux connaître son corps, éveiller des vocations, donner envie de repousser ses limites, de se perfectionner…. à quoi doit servir l’école, exactement ? Evoquer la notion de performance est presque un sacrilège quand on parle des enfants - il n’y a qu’à se rappeler comment les syndicats d’enseignants s’écharpaient sur le sujet au moment de la réforme du collège, en 2015.
« L’objectif est d’abord pédagogique. L’EPS doit principalement encourager la pratique. Tous les élèves ne seront pas sportifs de haut niveau, mais pour tous, la pratique sportive est importante. Il faut d’abord faire comprendre ça », répond Jean-Marc Huart.
« La performance est une conséquence, pas une finalité, ajoute Astrid Guyart, multimédaillée mondiale en escrime, qui va participer à cette semaine olympique. Parce qu’on est en capacité de maîtriser son corps, parce qu’on a des habilités à courir, sauter ou danser, parce qu’on prend du plaisir et qu’on a l’impression de s’épanouir, là on sera bon. L’école doit être vecteur de valeurs, apprendre à se dépenser, à s’aider, à se concentrer. La performance est du ressort des clubs, mais il faut que le relais entre les deux se fassent. »
On touche là au cœur du sujet. A l’école la découverte, aux clubs l’approfondissement. « On encourage un rapprochement et des passerelles plus importantes entre le sport scolaire et le monde sportif, appuie Jean-Marc Huart, évoquant le label "génération 2024". C’est un des intérêts de ces partenariats renforcés, être en capacité d’encourager les jeunes talents qui pourraient se présenter à pousser la porte d’un club ». Par définition, l’école voit passer tous les enfants. Cela doit permettre, aussi, de participer à la détection des champions de demain.
Encore faut-il être y être sensibilisé. « Avec cette semaine olympique et paralympique, on va faire entrer les clubs dans les écoles, chose qui en France n’est pas si évidente , reprend Marie Barsacq. Découvrir le tir à l’arc avec un champion olympique dans son école, ça peut faire son effet. Et l’enfant en parlera à ses parents, qui s’intéresseront peut-être plus au sport ensuite. »
Il ne faut pas se tromper non plus. Le but ne sera jamais d’ouvrir des usines à champions. Il est de faire évoluer la France de pays qui aime le sport à vrai pays de sport, en commençant par sa population la plus jeune. On vous laisse lire ce qu’en dit Astrid Guyart :
« La reconnaissance sportive est très faible en France. Dans les pays anglo-saxons, le sport est érigé en modèle civique. Le parcours d’excellence d’un sportif de haut niveau est mis en valeur. On reconnaît le fait d’avoir été athlète olympique, médaillé ou non, comme un parcours de vie de la même façon qu’on aurait pu faire une grande université ou être diplômé de polytechnique. Ça, c’est de la culture sportive et ça ne se change pas en sept ans. L’héritage des JO n’a pas besoin de se faire en septembre 2024. Il faut que ce soit un point de départ pour laisser quelque chose sur les 40 prochaines années dans la société ». »
Les Jeux seraient donc un catalyseur, avec les élèves au cœur du changement. Il n’est pas question de faire plus de sport dans les écoles, mais de faire attention à pourquoi on le fait et donner encore plus envie de pratiquer à côté. On ne sait pas ce que ça va donner, mais donner aux écoliers la possibilité de rencontrer des sportifs de haut niveau, une fois, deux fois, trois fois dans l’année, pendant au moins les sept prochaines, ça ne peut pas faire de mal. Déjà pour entendre autre chose que « passe ton bac d’abord ».