INTERVIEW«La porte s’ouvre en Grand Chelem, ce serait dramatique d’être résignés»

Tennis: «La porte s’ouvre en Grand Chelem, ce serait dramatique d’être résignés»

INTERVIEWLe président de la fédération française de tennis Bernard Giudicelli a longuement répondu aux questions de « 20 Minutes »…
Propos recueillis par J.L et B.V

Propos recueillis par J.L et B.V

L'essentiel

  • Quasiment un an après son arrivée à la tête de la FFT, Bernard Giudicelli fait un premier bilan.
  • Il a de grandes ambitions pour les joueurs français, et espèrent un grand Chelem et une nouvelle victoire en Coupe Davis.

Mercredi midi, aux abords de Roland-Garros. Bernard Giudicelli a des petits yeux. Il a mis son réveil pour assister à la remontada improbable de Jo-Wilfried Tsonga contre le prodige canadien Denis Shapovalov. Mais il ne lui faut pas cinq minutes pour faire repartir la machine : il suffisait de le lancer sur la victoire des Bleus en Coupe Davis à Lille. Entretien exhaustif avec le successeur de Jean Gachassin à la tête de la FFT, près d'un an son arrivée aux affaires.

  • La victoire en Coupe Davis: « A minima la regagner tout de suite »

« Passer d’une génération qui espère des titres à une génération qui gagne des titres. » Vous avez déjà tenu vos promesses de campagne avec la Coupe Davis. Pourquoi c’était si important de la gagner ?

Gagner la Coupe Davis, c’est un truc très profond, dans notre ADN. On a été élevés dans ce culte des mousquetaires. On lui doit tout à cette épreuve, à commencer par le stade qui a été construit pour elle. La Coupe Davis, c’est ce qui fédère le tennis français et c’est ce qui fait rentrer nos joueurs dans l’histoire. Tsonga, Gasquet et les autres n’ont pas gagné de Grand Chelem mais ils ont contribué pour beaucoup à la vie du tennis français ces dernières années. Quelque part, ils le méritent.

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Maintenant que c’est fait, on passe à autre chose ?

Au contraire. Le vrai défi, c’est que ces joueurs-là deviennent des mousquetaires. Ça veut dire a minima la regagner tout de suite. Mais si on peut la gagner trois fois, on ne va pas se gêner.

Encore faut-il que gagner la Coupe Davis signifie toujours quelque chose dans les années à venir. Vous êtes membre du board de la Fédération internationale, vous pouvez nous garantir que l’épreuve ne va pas mourir ?

Malheureusement, je ne peux pas vous dévoiler ce qui va se passer, mais ça va changer en mieux. Il faudra qu’on fasse en sorte que les meilleurs reviennent en y mettant les moyens financiers. Le raisonnement, c’est « Pourquoi jouer pour mon pays si je peux prendre 75.000 dollars sur un tournoi la même semaine ? » Il faut que les joueurs s’y retrouvent financièrement.

  • La chasse au Grand Chelem chez les garçons: « Il faut arrêter de parler de potientiels »

La Coupe Davis, très bien. Mais le Graal suprême du tennis masculin français reste la victoire en Grand Chelem. A quel point on en est loin ?

Sortons un peu du cas Noah. Les Grands Chelems, on les attend depuis 1932. On veut changer le paradigme et développer cette culture de la gagne dès le plus jeune âge. Au lieu d’avoir des gamins obnubilés par le classement français, on va leur dire d’aller à l’international. Mais avant, il faut qu’ils se forment dans leurs clubs. C’est parce qu’il a l’affection des siens, l’amitié de ceux qui l’entourent, qu’un jeune arrivera gonflé à bloc chez les pros.

Former des bons juniors, la France a toujours su faire. C’est plutôt après que ça se gâte, non ?

Pourquoi justement ? Avant 16 ans, le gamin il est hors de chez lui, envoyé dans des pôles France à droite à gauche, il ne se construit pas en tant qu’individu. Un enfant a besoin de l’amour de ses parents pour se structurer. Après, progressivement, quand cette éducation est faite, vers 16 ans, la famille commence à transférer son pouvoir vers l’entraîneur qui professionnalise son parcours.

Ça veut dire quoi ? Que la Fédération se met en retrait et laisse les projets individuels émerger, quitte à avoir moins de joueurs ?

Ce n’est pas pour rien que les meilleures filles ont été sorties par leur famille et non pas par la Fédération. Je suis persuadé que ce qui fait la différence pour un joueur de tennis arrivé au plus haut niveau, c’est sa maîtrise émotionnelle. Cette maîtrise émotionnelle, elle est plus forte chez ceux qui ont été plus longtemps accompagnés par la famille. Regardez Federer, Djokovic, regardez les anciens pays du bloc soviétique.

Vous évoquez les champions de demain. Ça veut dire que vous avez abandonné l’idée de voir la génération Monfils-Tsonga-Gasquet gagner enfin un Grand Chelem avant de raccrocher ?

Bien sûr qu’on y croit. Moi j’y crois. Mais c’est à eux d’y croire maintenant. « Jo » il y croit, « Gaël » il y croit, mais il faut y croire quinze jours durant. Là, il y a des portes qui s’ouvrent. Ce serait dramatique d’être résignés.

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Connaît-on le prochain vainqueur français de Roland-Garros ? Il est sur le circuit où il est en train de taper ses premières balles dans un club près de chez lui ?

Bien sûr qu’on le connaît. Ce qu’il faut, c’est que les choses se révèlent, et surtout arrêter de parler de « potentiels ». Il y a des jeunes qui ont couru des années après ce qu’on leur avait promis, ce fameux potentiel. Tsonga vient de gagner match difficile en Australie, alors qu’il est mené 5-2 au cinquième set. On dit souvent que les vainqueurs de Grand Chelem ont connu un match couperet dont il a fallu sortir vainqueur. Ce serait énorme, non, dix ans après sa finale ?

  • L’ambiance polaire chez les filles: « Je ne suis pas là pour qu'elles s'aiment »

Avec le recul, ne trouvez-vous pas que le spectacle offert par les filles de l’équipe de France en 2017 n’a fait du bien à personne ?

Pour commencer, on a hérité d’un tennis féminin vraiment au creux de la vague. Cela fait des années qu’on n’arrive pas à amener des joueuses de 20 ans dans les 100 premières. Il y a eu cette embellie de la Fed Cup, qu’on perd contre la République Tchèque, mais ça ne change pas le constat.

C’est toujours la guerre froide entre Kristina Mladenovic et Caroline Garcia ?

Aujourd’hui, à Melbourne, il y a Thierry Champion, le responsable du haut niveau, qui a pour mission de les rencontrer individuellement et de renouer le lien. C’est vrai que je vois arriver le match de Fed Cup contre la Belgique avec une certaine inquiétude. Mais je me souviens de ce dîner avec mon homologue belge à Lille qui me racontait les problèmes qu’il avait eus avec Hénin et Clijsters. Elles se haïssaient et pour autant, elles faisaient avec.

Si on en est là, c’est vraiment envisageable de les revoir jouer un double de Fed Cup ensemble un jour ?

Si elles sont sélectionnées, évidemment. Mon rôle, c’est de les amener dans les vestiaires. J’ai connu des pays qui ont battu la France en Coupe Davis avec des joueurs qui ne se parlaient pas. Je ne suis pas là pour qu’elles s’aiment, mais pour qu’elles gagnent. On n’est pas en colo.

Caroline Garcia et Kristina Mladenovic lors de leur match de double en finale de la Fed Cup, contre Barbora Strycova et Karolina Pliskova, le 13 novembre 2016. AP Photo/Jean-Francois Badias
Caroline Garcia et Kristina Mladenovic lors de leur match de double en finale de la Fed Cup, contre Barbora Strycova et Karolina Pliskova, le 13 novembre 2016. AP Photo/Jean-Francois Badias - Jean-Francois Badias/AP/SIPA

Garcia a préféré privilégier sa carrière individuelle avec un succès incontestable. Ne regrettez-vous pas de l’avoir mise en porte-à-faux à un moment donné ?

On ne s’est jamais ligués contre Caroline. On avait besoin d’elle, on l’a sélectionnée et elle a mis en avant un problème de santé validé par le médecin de la Fédération. Fin de l’histoire. On est censés faire quoi ? Est-ce qu’on imagine une autre fédération en France où les meilleurs ne représenteraient pas leur pays ? Je ne pourrai jamais renoncer à ça, même si on gagnait la Coupe Davis ou la Fed Cup cinq fois de suite.

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A votre niveau, que pouvez-vous faire pour aider Mladenovic à enrayer cette spirale incroyable (15 défaites de rang depuis juillet) ?

D’abord, Kristina est une joueuse de Fed Cup, ça ne se conteste pas. La réponse qu’on peut lui apporter, c’est de lui offrir ces stages préparatoires, avec les meilleurs entraîneurs, les meilleurs préparateurs physiques, les meilleurs kinés. Kristina a besoin de retrouver les Bleues, d’entendre le discours du capitaine.

Le retour de Marion Bartoli. Il vous réjouit ou bien il vous inquiète ?

Le jour où elle m’en a parlé, je lui ai dit « on ne fera rien sans l’avis des médecins ». Ils ont donné le feu vert. Je l’ai vu taper, c’est vrai que c’est très impressionnant. Mais il faut que physiquement elle se prépare, qu’elle perde du poids. Et puis surtout, il faut qu’elle accepte d’aller taper des balles avec des gamines qui sont 200es mondiales pour se tester. Ça, elle reconnaît qu’elle a un peu de mal.

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Vous ne pensez pas qu’elle prend un risque inconsidéré au vu de sa gloire passée et de ses ennuis de santé récents ?

Elle a un peu modéré son discours, et je pense que c’est bien. Après, Marion, c’est quelqu’un d’exceptionnel. Moi, elle m’a bouleversé. Quand une joueuse dit que le tennis l’a sauvée… Ce serait déjà extraordinaire qu’elle revienne de façon performante, et je ne parle même pas de gagner.

  • Son bilan un an après son élection à la tête de la FFT: « Je veux continuer à bousculer, à remettre en cause »

Vous êtes en fonction depuis bientôt une année complète. Quelle note vous donneriez-vous ?

Sur ma première année, je dirais de façon très modeste que je me mets un « Bien ». Il manque un Grand Chelem évidemment.

Mention « Bien » aussi parce que vous avez su tempérer quelques sorties médiatiques tapageuses qui n’ont pas plu à tout le monde au début de votre mandat ?

Tout à fait, j’ai fait quelques fois machines arrière. On commet tous des erreurs. Mais je veux continuer à bousculer, à remettre en cause, à sortir les gens de leur zone de confort, pour aller dans la culture de la performance.

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Si vous pouviez revenir en arrière, vous la donneriez cette wild card à Roland-Garros pour Paul-Henri Mathieu ?

Aujourd’hui, avec le recul, oui. Oui, même s’il nous a quand même fait des qualifications extraordinaires. Paul-Henri reste quelqu’un qui méritait la wild card.

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Les relations sont-elles aplanies avec Lucas Pouille et son entraîneur ?

Je n’ai aucun souci avec Lucas, on est en phase. Je suis triste pour lui qu’il ait perdu au premier tour en Australie, mais il va vite s’en remettre.

Vous avez été aussi élu pour remettre à flot une fédération à la réputation de plus en plus discutable. Estimez-vous avoir œuvré en ce sens ?

L’image ça se construit. Il faut établir des fondations, une structure qui prévienne de ce qui peut nuire à l’image. On a mis en place en comité d’éthique qui donne ses avis. Et puis il y a une organisation qui nous permet d’être plus réactifs et en prise avec les réalités de terrain.

A titre personnel, vous êtes mis en cause par la justice pour des soupçons de favoritisme. Pensez-vous que cela puisse polluer le message fédéral ?

Cette affaire me chagrine parce qu’elle est vraiment injuste. J’ai fait un marché public dans ma vie, la construction d’un centre de ligue avec un petit dépassement à cause du changement de la TVA, venir me chercher là-dessus… Si je n’étais pas président de la FFT, est-ce que l’affaire aurait été relancée ? Je me pose la question. Mais je vais défendre mon honneur et m’en expliquer devant la justice.