INTERVIEW«Je me suis senti honteux vis-à-vis de M. Pinault», avoue Halilhodžić

Stade Rennais-PSG: «Je me suis senti un peu honteux vis-à-vis de M. Pinault», avoue Vahid Halilhodžić

INTERVIEWLe coach franco-bosnien regrette toujours d'avoir quitté le SRFC pour le club de la capitale...
Jeremy Goujon

Propos recueillis par Jeremy Goujon

L'essentiel

  • Entraîneur des Rouge et Noir d'octobre 2002 à mai 2003, Coach Vahid avait ensuite rejoint le PSG, qu'il mena à la 2e place en championnat et à la victoire en Coupe de France (2004).
  • Son avis sur le match de samedi ? «Bien sûr que Paris est favori, mais ce n'est pas une machine. Rennes peut créer l'exploit, surtout à domicile.»

À la tête de l’équipe nationale du Japon depuis mars 2015, Vahid Halilhodžić n’a pas oublié le Stade Rennais et le PSG, lesquels s’affronteront samedi au Roazhon Park (17 heures). La preuve avec cet entretien accordé à 20 Minutes, entre deux matchs de la Coupe d’Asie de l’Est.

Quand on vous dit « Rennes-Paris », ça vous évoque quoi ?

Quand j’étais entraîneur du Stade Rennais, on avait gagné un match très important pour le maintien face au PSG [1-0, le 15 décembre 2002]. Je me souviens que Monsieur Pinault et son fils François-Henri avaient couru pour nous féliciter. Je ne les ai pas tout de suite reconnus (sourire). En tout cas, ils étaient très, très contents.

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Avez-vous le temps, aujourd’hui, de suivre les résultats des deux clubs ?

Bien sûr ! Je regarde avec beaucoup d’intérêt les performances des clubs où j’ai joué ou que j’ai entraînés, parfois même avec un peu de nostalgie… J’ai vécu pas mal de bons moments dans chacun de ces clubs, et je ne peux pas oublier ça. J’ai toujours été très fidèle, je ne suis pas du genre à critiquer une fois parti, même si de temps en temps, certaines choses me déplaisent.

Avant les grands changements opérés cette saison au SRFC, vous aviez déclaré dans France Football que le club était « dans une impasse », et qu’il lui fallait trouver, pour en sortir, « des gens capables de mener un projet sur le long terme ». Est-ce le cas du nouveau président Olivier Létang ?

Je ne le connais pas personnellement. Il était au PSG, il a de l’expérience. Sabri Lamouchi, je le connais comme joueur, pas comme entraîneur. Mais déjà, à mon époque, on parlait de « projet », d’« ambitions »… Rennes a quand même des moyens et dispose de bonnes conditions de travail. Il mérite quelque chose d’autre. À un moment donné, il faut se demander : « Ont-ils toujours choisi les bonnes personnes ? » Ce n’est pas facile, parce que l’environnement propre au club est assez influent, et les ondes ne sont pas toujours positives… Mais les vrais patrons restent les Pinault père et fils.

Que pensez-vous du projet sportif actuel ?

Visiblement, il est très ambitieux, et je leur souhaite de réussir. Il faut que Rennes gagne quelque chose et dispute la Coupe d’Europe. C’est la même histoire depuis des années : le club réalise parfois de bonnes saisons, mais derrière, il n’y a pas de stabilité, ni de cohérence… Communiquer, c’est facile, certaines personnes sont d’ailleurs expertes en la matière. Mais, ne serait-ce qu’une fois, il faudrait des spécialistes pour amener à une situation plus acceptable, notamment pour tous les supporters. Le Stade Rennais est adoré en Bretagne, et à un moment donné, il faut faire plaisir aux supporters.

Unai Emery, lui, est régulièrement critiqué depuis son arrivée au PSG…

(Soupir) Vous savez, il y a des gens tellement aigris à Paris, qu’ils ne font que critiquer gratuitement. Peut-être sont-ils payés pour ça (sic)… Pour moi, Emery fait un parcours assez solide pour l’instant. Diriger un club qui a l’ambition de devenir champion d’Europe, gérer autant de stars et d’égos démesurés, ce ne sont pas des tâches faciles. Le talent est là, mais les querelles entre vedettes peuvent perturber l’esprit d’équipe. Alors qu’aujourd’hui, dans le football, presque 50 % de la réussite d’une équipe dépendent de la complicité et de la complémentarité entre joueurs, sur et en dehors du terrain.

N’est-ce finalement pas une bonne chose de rencontrer le Real Madrid dès les 8es de finale de la Champions League ?

Les deux clubs joueront vraisemblablement leur saison sur cette double confrontation, et je vois plus le PSG comme favori… si la situation reste « normale » dans le vestiaire. Le Real est un peu moins performant cette année, et ne sera sans doute pas champion d’Espagne [actuellement 4es de la Liga, les Merengues accusent un retard de huit points sur le FC Barcelone, leader]. Obtenir une troisième C1 consécutive serait un succès phénoménal pour Madrid et Zinédine Zidane.

Revenons au Stade Rennais. On se souvient de vous pour avoir sauvé le club de la relégation en 2003, mais aussi pour le fameux épisode de la PlayStation…

Je n’avais pas du tout apprécié que deux joueurs [Lamine Diatta et Anthony Réveillère] jouent toute la nuit à la console, avant un match décisif [à Strasbourg]. De temps en temps, il faut quand même responsabiliser les joueurs et ne pas bafouer l’image du club, que je place au-dessus de tout. Jouer toute la nuit à la PlayStation a des effets négatifs en termes de fatigue, de concentration… et le lendemain, tu disputes un match hyper important pour la survie du club ! Je l’ai donc mal pris et j’ai bien sûr sanctionné les joueurs [en les écartant du groupe]. C’était un peu risqué, puisqu’ils faisaient partie des meilleurs dans l’effectif. Mais ils ont compris qu’ils avaient fauté, et ça s’est bien passé par la suite. Je me souviens par exemple que Diatta m’avait demandé de venir pour une photo avec lui et son fils. Il n’y avait plus aucun problème.

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Pratiquement 15 ans après votre départ de Rennes, regrettez-vous toujours d’avoir « trahi » François Pinault, lequel vous proposait de rester ?

Je le regrette toujours, oui… M. Pinault m’avait accordé une confiance aveugle. Même ma famille ne m’a « jamais pardonné » (sourire), elle aussi voulait que je reste à Rennes. Après avoir réussi à sauver le club, M. Pinault m’avait dit : « On a les moyens de construire une équipe compétitive et viser l’Europe ». Mais mon ami Francis Graille arrivait à cette époque à la présidence du PSG, et il était difficile de refuser Paris pour l’entraîneur ambitieux que j’étais. C’est l’une des décisions les plus difficiles que j’ai prises, sportivement parlant. Je me suis senti un peu honteux vis-à-vis de M. Pinault et sa famille… même s’il ne faut pas oublier qu’après avoir quitté Lille, un club qui jouait l’Europe, j’avais pris la « folle décision » de rejoindre le Stade Rennais, qui n’avait que 5 % de chances de se maintenir au moment où je suis arrivé [les Rouge et Noir étaient derniers de Ligue 1 au bout de dix journées, avec cinq petits points au compteur].

Autre grand regret : celui de ne jamais avoir été le coach de Ronaldinho…

En arrivant au PSG, on me dit : « Tu es le manager, à toi de décider ». Je décide donc de le conserver, et un mois après, le club a été obligé de vendre Ronaldinho [au Barça, pour 27 millions d’euros]. Ce n’était pas une décision présidentielle, mais celle de Canal+, qui voulait récupérer de l’argent… Ronaldinho est un génie, l’un des joueurs les plus spectaculaires qui ait jamais existé. L’associer à Pauleta, c’était mon rêve… J’étais tellement déçu que j’ai failli démissionner à ce moment-là.

Après Nico et Luis, il n'y a hélas pas eu de Vahid et Ronnie à Paris.
Après Nico et Luis, il n'y a hélas pas eu de Vahid et Ronnie à Paris. - G. Bouys / AFP

Il restera cette image où vous saluez le Brésilien avant son entrée en jeu, lors du PSG-Rennes de mai 2003 (avant-dernière journée du championnat)…

Tout le monde en avait parlé, mais à ce moment-là, il n’y avait absolument rien entre Paris et moi (*). Absolument rien ! Je le dis et répète après tant d’années, car je suis vraiment quelqu’un de correct. J’étais resté concentré sur mon travail à Rennes, afin d’assurer le maintien.

(*) Si l'arrivée de Vahid Halilhodžić au PSG était alors actée, le coach avait déclaré après le match : « Moi, je me sens encore 100 % Rennais. À partir de lundi prochain [26 mai 2003], dans ma tête, je serai totalement PSG. »